Faux Semblants

Chapitre 80

La Mort resta longuement silencieuse, détaillant le jeune homme effondré sur le sol juste devant lui. Il hocha la tête lentement.

— Tu n'es pas le premier à ressentir ça non plus. Et vous ne serez pas le premier couple à être séparé brutalement. J'en suis désolé, mais c'est la vie...

Harry laissa échapper un gémissement blessé et il secoua la tête.

— Il doit y avoir un moyen, n'importe quoi ! Prenez-moi à sa place !

La Mort sourit et approcha un peu plus, avant de s'agenouiller souplement devant Harry. L'homme avait l'apparence d'un vieillard, mais il se déplaçait comme un jeune homme, sans le moindre effort.

— Si je t'emmène avec moi, vous serez séparés quand même. Je suis venu ici pour prendre une âme, je repartirais avec une âme.

Harry toucha la peau figée de Drago, du bout des doigts, comme s'il avait peur de rompre l'enchantement.

— On se battait tout le temps avant. Je ne pensais pas qu'un jour nous pourrions dépasser tout ça... et puis, on s'est retrouvés et... tout a changé.

La Mort resta silencieuse et Harry prit ça comme une invitation à poursuivre.

— Il y a eu un jour où j'étais furieux après lui. Il avait cette marque ignoble sur le bras et... nous nous sommes battus. J'ai lancé un sort que je ne connaissais pas et j'ai failli le tuer. Ce jour-là, j'ai eu terriblement peur, parce que j'ai pris conscience que je n'imaginais pas un monde où il n'était pas. Il était juste... une constante dans ma vie, au début. Celui qui me poussait à bout, qui me montrait que je n'avais rien de spécial... Après avoir plongé dans un feudeymon pour le sauver, je me suis demandé jusqu'où je pourrais aller pour le protéger... Aujourd'hui encore, je n'ai pas la réponse à cette question, surtout maintenant que je sais... que j'ai compris... ce que je ressens pour lui. Vous pourriez me demander le monde magique, que je n'aurais pas la moindre hésitation...

Le vieil homme soupira.

— Tu devrais faire attention à tes paroles, mon jeune ami. Tu as de la chance que je n'aie pas envie de destruction en ce moment...

Harry ricana, ses yeux verts s'assombrissant.

— J'ai tout perdu. Mes parents, puis toute ma famille. J'ai grandi en pensant que j'étais un monstre et que mes parents étaient morts par ma faute. J'ai appris ensuite que j'étais pourchassé par un mage noir, celui qui avait tué mes parents et que je devrais le tuer pour sauver le monde magique. J'ai été traité comme un héros puis comme un menteur. Adulé puis insulté. J'ai repoussé mes amis loin de moi pour les protéger. J'ai eu quelques jours pour espérer un avenir aux côtés de Drago, et voilà qu'il...

La voix de Harry se brisa et il secoua la tête en fixant le vieil homme attentif.

— Il y a peut-être une limite à ce que je peux endurer.

La Mort murmura, sans le quitter des yeux.

— Pourras-tu réellement regarder le monde magique brûler sans rien faire ? Pourras-tu laisser tes amis, tes camarades être blessés à cause de toi ?

Le visage de Harry se décomposa et il baissa la tête, avec un soupir désespéré.

— Je l'ignore. En cet instant, je voudrais pouvoir faire souffrir tous ceux qui...

Harry s'interrompit et il secoua la tête, avant de jeter un regard désespéré en direction de Drago.

— Que va-t-il se passer, maintenant ?

La Mort murmura, d'un ton bien plus doux.

— Je suis venu ici pour récupérer une âme. J'aimerais pouvoir t'aider, mais je ne dois pas intervenir dans les affaires des vivants.

Harry regarda la baguette de sureau avec désespoir.

— Je croyais que rassembler les reliques donnait un pouvoir sur vous ? À quoi ça sert si je ne peux même pas le sauver ?

Le vieil homme ricana.

— N'as-tu pas senti la puissance de ces objets, jeune homme ? Beaucoup d'humains se sont entretués pour espérer les posséder un jour...

Harry grimaça et il jeta la baguette de sureau au sol, juste devant la Mort. Puis, il fit de même avec la cape héritée de son père et avec la pierre de résurrection.

— Gardez-les.

La Mort secoua lentement la tête, avec un léger sourire en coin.

— Ça ne fonctionne pas comme ça, mon jeune ami. Pour la première fois depuis une éternité, tu es digne de posséder ces objets. Ils sont à toi.

— Mais...

Harry se tut alors que le vieil homme lui adressa un petit clin d'œil. Il fronça les sourcils, fixant les reliques de la mort avec un peu de colère.

— Ça ne fait pas de moi votre maître, n'est-ce pas ?

La Mort ricana.

— Une légende stupide. Je suppose que cette croyance ridicule a augmenté l'intérêt des humains envers ces objets.

Tenant fermement la main de Drago, Harry murmura soudain.

— Devez-vous obligatoirement prendre Drago ?

Le vieil homme sourit.

— Je suis venu chercher une âme.

Le cœur de Harry accéléra alors qu'il entrevoyait une lueur d'espoir.

— Et si je vous demandais de prendre une autre âme que la sienne, que se passerait-il ? Est-ce possible au moins ?

Le vieil homme sourit, prenant son temps pour répondre. Puis, il finit par répondre, avec un peu d'amusement.

— Contrairement à la croyance populaire, je n'ai pas une liste précise d'âmes à faucher. Lorsque le moment vient, je me présente et je prends mon dû. Je me moque de leur identité et de leur âge... tout ça ne me concerne pas.

Harry se pencha vers l'homme, les yeux écarquillés.

— Vous pourriez prendre une autre âme, alors. Mais si c'est le cas, Drago irait mieux ?

La Mort haussa les épaules.

— Non. Il aurait un répit, un bref répit. Sans soins de ta part, il s'éteindra avant la fin de la journée et je reviendrais le chercher.

Harry gémit de frustration.

— Il doit y avoir une solution...

Le vieil homme renifla.

— Jeune homme. Tu possèdes la baguette la plus puissante qui soit sur cette terre. Je suppose que tu es en mesure d'accomplir l'impossible, non ?

Harry ouvrit la bouche pour protester, mais il la referma aussitôt, en fixant la baguette de sureau. Il hocha lentement la tête, pensivement.

— Je suppose que... qu'il existe d'autres sorts. Je pourrais trouver quelqu'un de plus qualifié que moi, quelqu'un qui pourrait m'aider...

La Mort ricana, amusée.

— Puisque tu sembles décidé, mon jeune ami, il est temps pour moi de faire mon travail. Alors... Que dois-je faire ? Emporter ton ami ou as-tu une autre âme à me proposer ?