Faux Semblants

Chapitre 64

Harry attendit que Drago soit à l'écart pour faire face à Rogue, le visage fermé.

— Pourquoi êtes-vous aussi mesquin avec Drago ?

Rogue haussa un sourcil surpris et il haussa les épaules.

— Depuis quand êtes-vous si protecteur avec ce garçon, monsieur Potter ? J'ai dû vous séparer un nombre incalculable de fois et pourtant, vous me reprochez d'avoir été... un peu dur ?

Harry soupira.

— Il mérite une chance. Une vraie chance.

Rogue observa Harry avec surprise, puis il haussa les épaules sèchement.

— Je ne suis qu'un portrait, monsieur Potter. Mon opinion n'a pas de réelle importance.

Harry se frotta le visage, puis il murmura, laissant voir son inquiétude et probablement sa vulnérabilité.

— Je vais devoir agir plus tôt que prévu. Je suppose que vous allez me conseiller d'attendre encore et me dire que je ne suis pas prêt, mais je n'ai pas le choix. Il devient de plus en plus violent... Je ne suis pas certain que Drago puisse supporter encore beaucoup de punitions de sa part.

Rogue se renfrogna.

— L'avenir du monde magique est en jeu, ce n'est pas une plaisanterie. Monsieur Malefoy est jeune et en pleine santé. J'ai survécu pendant des années à cacher ma véritable allégeance, après tout.

Harry grogna, agacé, avant de répondre sèchement.

— Comme vous l'avez dit, monsieur, vous n'êtes qu'un portrait. Je ne laisserai pas Drago être blessé davantage. J'aurais un atout avec la potion dont nous venons de parler, après tout.

Rogue s'agita, agacé.

— Encore une fois, vous ne pensez qu'à vous ! Je ne tiens pas à me regarder mourir depuis ce cadre parce que vous aurez échoué dans la tâche qui vous est confiée !

Harry ne put s'empêcher de laisser échapper un rire moqueur.

— Ne vous en faites pas, monsieur. Quelqu'un sera là pour vous s'il m'arrive quelque chose.

Ils se défièrent du regard quelques secondes, puis Rogue secoua la tête.

— Par les dieux ! Vous êtes aussi borné que votre mère. Qu'avez-vous prévu ?

Harry masqua un sourire devant la capitulation agacée de l'homme, puis il haussa les épaules.

— Déjà, je refuse de laisser Drago y aller seul la prochaine fois. Il transplanera avec moi sous ma forme animagus et...

Rogue l'interrompit sèchement, le regard noir.

— Et dès qu'il recevra un sort, vous vous précipiterez à son secours et vous serez tué. Lui aussi au passage.

Harry se renfrogna, de plus en plus nerveux.

— Mais si je n'interviens pas, il sera...

Rogue l'interrompit, d'un ton plus doux.

— Il sera blessé, oui. Mais il ne le tuera pas tant qu'il aura besoin de lui.

Harry protesta.

— Il avait besoin de vous pourtant ! Il avait besoin de vous et il vous a... il a essayé de vous tuer.

Rogue soupira.

— Il pensait que j'étais le maître de la baguette de Dumbledore pour l'avoir tué à la place de monsieur Malefoy. Tant que votre petit protégé n'a rien qu'il puisse convoiter, il sera sauf.

Harry douta, durant un instant. Puis il secoua la tête avec un soupir résigné.

— Je ne peux pas, monsieur. La nuit dernière, Drago a reçu une punition destinée à son père et c'était... vraiment mauvais.

Rogue se renfrogna, désapprobateur. Les bras croisés, il secoua la tête.

— Quel intérêt de se précipiter au-devant du danger, monsieur Potter ? Si vous avez réellement raison et que vous intervenez, monsieur Malefoy ne sera pas l'unique victime. Vous serez tous les deux tués.

Harry s'entêta avec détermination, les souvenirs des blessures de Drago encore frais dans sa mémoire.

— Mais j'aurais essayé.

Finalement, Rogue sembla capituler et Harry cacha un soupir de soulagement.

— Très bien, monsieur Potter. Nous allons donc devoir tenter de vous garder en vie alors que vous allez vous jeter en plein dans la fosse aux serpents.

Harry leva un sourcil moqueur.

— Bien sûr. Je ne compte pas être imprudent non plus. Je suis Drago, je reste à l'écart et j'observe. S'il y a une occasion d'approcher et de mettre fin à tout ce bazar sans risque, je la saisis, sinon je reste caché et je rentre avec Drago.

Rogue leva un sourcil moqueur.

— Tout semble tellement parfait en théorie et pourtant, c'est la recette assurée d'un désastre.

Harry plissa le nez.

— Personne ne fera attention à un corbeau !

Rogue eut un rire mauvais, tout en jetant un regard noir au jeune homme.

— Vous n'êtes pas le premier animagus qu'il rencontrera, monsieur Potter. Vous, plus que quiconque, devriez le savoir...

Le portrait se tut alors que Drago revenait, portant un épais carnet relié de cuir. Lorsqu'il fut près de Harry, Rogue reprit la parole, agressivement.

— Cautionnez-vous le plan suicidaire de votre... petit-ami, monsieur Malefoy ?

Harry eut l'impression que ses joues prenaient feu et il maudit Rogue pour sa langue acérée et son habitude de toujours mettre les pieds dans le plat. Il fixait le portrait avec colère, refusant de regarder l'expression de Drago.

Ce dernier ne sembla pas s'attarder sur le terme « petit-ami », répondant comme si tout était normal.

— Il m'a parlé d'un plan, mais ce n'était rien de suicidaire, monsieur. Quelque chose aurait-il changé ?

Les joues brûlantes, Harry marmonna, mal à l'aise.

— Rien n'a changé. Je te suis et j'observe.

Rogue renifla.

— Sauf qu'il ne pourra pas s'empêcher de vous jeter un sort ou deux, puisqu'il aime punir ses Mangemorts plus que tout au monde. Et ce cher Potter, défenseur de la veuve et de l'orphelin se précipitera pour jouer au chevalier en armure étincelante et signera son arrêt de mort. Ainsi que le vôtre.

Drago resta longuement silencieux, si longtemps que Harry fut persuadé qu'il le fixait et il pouvait presque sentir sa peau fourmiller sous le regard du jeune homme. Il serra les poings et se mordit la langue pour rester silencieux et immobile, luttant contre la tentation de regarder Drago et détestant Rogue et son air satisfait.

Finalement, Drago murmura, avec douceur.

— Et bien si Harry doit attaquer, je ferais de mon mieux pour assurer ses arrières et faire en sorte que nous puissions... repartir. Quoi qu'il en soit, je lui fais confiance pour prendre la bonne décision. Je n'oublie pas que Harry est la personne qui a le plus sacrifié pour le monde magique et que personne n'a fait autant pour mettre fin à son règne de terreur. Pas même vous, monsieur.

La gorge serrée, Harry resta figé, incrédule. Les mots de Drago l'avaient touché en plein cœur et lorsque ce dernier prit sa main, Harry s'y accrocha et se laissa entraîner, sans même saluer Rogue.