Faux Semblants

Chapitre 89

Drago resta à distance tandis que Harry se dirigeait vers Granger. Il l'avait poussé vers elle avec confiance, mais il était plutôt incertain au fond de lui.

Granger pourrait ne pas apprécier leur proximité ou vouloir emmener Harry loin de lui...

Il entendit Harry s'excuser — probablement de son comportement la dernière fois qu'ils s'étaient vus — puis Granger se jeta dans ses bras en sanglotant.

Bien qu'il ne soit pas jaloux — pas de cette façon, en tout cas — Drago ne parvint pas tout à fait à masquer son agitation et il se rendit compte que sa tante et sa mère l'observaient avec un petit sourire amusé.

Drago soupira, envisageant sérieusement de battre en retraite et de se retrancher dans sa chambre, probablement en prétextant un peu de fatigue. Il était encore convalescent après tout.

Sa mère devait avoir deviné ses intentions, puisqu'elle s'approcha, laissant sa sœur jouer avec Teddy.

— Miss Granger ne compte pas traîner Harry à sa suite, tu sais.

Drago marmonna des paroles indistinctes en haussant les épaules, mortifié d'avoir été percé à jour si facilement, mais sa mère continua.

— Elle ne va pas non plus vous séparer. J'ai pris la liberté de lui parler de votre relation à tous les deux, pour éviter qu'elle ne soit surprise, et étrangement, elle n'a pas semblé si surprise que ça.

Drago fronça les sourcils, avant de répondre sèchement, tendu.

— Bien sûr. Elle savait que Harry était avec moi.

Narcissa gloussa.

— C'est également ce que j'ai pensé. Cependant, cette jeune femme semblait penser que votre rivalité à Poudlard cachait quelque chose.

Drago cligna des yeux, perplexe, avant de renifler d'un air agacé.

— Au début, je voulais l'humilier pour faire plaisir à père... même si j'aurais préféré être son ami. Ensuite, j'essayais surtout d'éviter qu'il ne découvre ce que j'avais fait.

Une lueur de tristesse passa dans le regard gris de sa mère, mais elle se reprit rapidement.

— D'après ce que j'ai compris, ce n'était pas si simple, n'est-ce pas ? D'après ce que miss Granger m'a dit, Harry a su à l'instant où il t'a vu.

Drago lui jeta un regard furieux, mais sa mère ne sembla pas comprendre le message, puisqu'elle insista.

— Ça semble logique lorsque je vois à quel point vous êtes proches tous les deux.

Un peu nauséeux, Drago jeta un bref regard en direction de Harry — toujours dans les bras de Granger — et il fit un pas en arrière, déterminé à battre en retraite.

— Je suis fatigué. Je vais... j'ai besoin d'un peu de calme.

Sa mère tenta d'attraper son bras, avec une expression inquiète, mais il l'esquiva avec un sourire forcé.

— Je vais bien. J'ai... je vais m'allonger. Tu salueras ta sœur pour moi.

Il quitta rapidement la pièce sans un regard en arrière, avec l'impression que sa peau le démangeait. Il se détendit légèrement en arrivant dans sa chambre et après un instant d'hésitation, il lança un collaporta sur la porte pour s'assurer un moment de solitude.

Drago vacilla, submergé par toute la situation.

La guerre était terminée et il n'était plus Mangemort. Il n'avait plus la marque sur son bras. Il avait réussi à traverser tout ça sans avoir à tuer qui que ce soit et c'était un soulagement infini.

Son père était mort, le libérant de son influence toxique et lui permettant d'espérer un avenir plus agréable que ce qui l'attendait auparavant. Il n'aurait pas à épouser une inconnue ou à produire d'héritiers pour contenter Lucius.

Harry était vivant. Ils étaient en vie tous les deux. Drago s'était inquiété de ce qui pourrait se produire et il s'était plusieurs fois juré de protéger Harry même s'il devait donner sa vie. Visiblement, il n'avait pas été aussi courageux qu'il l'avait espéré puisque c'était une fois encore Harry qui était venu à son secours et qui l'avait protégé... Depuis que Harry lui avait brièvement raconté ce qui s'était produit, Drago n'essayait plus de retrouver la mémoire des moments qu'il avait oubliés. Il n'avait pas besoin de se souvenir d'un échec de plus, après tout.

Essayant de ne pas imaginer que Harry pourrait vouloir retrouver ses amis et le laisser en arrière, Drago se dirigea vers la salle de bains, pensant qu'une bonne douche chaude l'aiderait à se détendre. Ensuite, il essaierait de dormir et avec un peu de chance, à son réveil il verrait les choses sous un jour un peu plus optimiste.

Une fois sous la douche, Drago commença à se détendre alors que l'eau chaude l'aidait à décontracter ses muscles. Alors qu'il se lavait, il fixa longuement son bras et se perdit dans ses souvenirs.

Il avait été terrifié quand sa tante folle l'avait poussé à genoux devant Voldemort pour y être marqué. Sa mère était présente, mais elle avait évité son regard avec soin. Ce jour-là, elle avait eu les yeux rougis et il avait supposé que c'était parce que son mari était en prison...

Il avait retenu ses cris lorsque Voldemort l'avait marqué, mais il avait fini par hurler de toutes ses forces après. Lorsqu'il avait été puni pour les échecs de son père.

Ensuite, chaque jour depuis ce moment terrible, il avait regardé son bras avec colère et dégoût, regrettant de porter la marque en sachant pertinemment qu'il n'avait pas eu le choix.

Il avait prétendu que c'était sa volonté, qu'il l'avait demandé même, mais en vérité, il n'avait jamais eu l'intention de s'agenouiller devant Voldemort. Drago avait stupidement imaginé qu'il pourrait s'éloigner du manoir familial après ses Aspics et qu'il aurait la liberté de vivre comme il le voulait.

Ce n'était qu'un aveuglement stupide, puisque son père lui avait souvent affirmé qu'il porterait la marque des ténèbres « quand le moment serait venu ».

Drago frotta un peu plus fort son bras, même si plus rien ne le salissait. Il sentait encore l'encre magique ramper sous sa peau, se déplacer selon la volonté de Voldemort... La peau était déjà rouge, mais il ne pouvait pas s'en empêcher, alors qu'il laissait enfin ses émotions prendre le dessus depuis des mois.

Il avait fait en sorte de cacher ses pensées et ses sentiments depuis le retour de Voldemort, sans jamais lâcher prise... en dehors d'une seule fois, dans des toilettes désertes, et il avait fini par se battre avec Harry. Depuis cet incident, il n'avait plus jamais failli, conscient que sa vie et celle de sa mère en dépendaient.

Drago hoqueta alors que la vapeur d'eau chaude l'entourait, continuant de frotter son bras alors que les larmes roulaient sur ses joues, chacune d'elles emportant une partie de ses frustrations et de ses regrets.

Avant qu'il ne puisse se calmer, un courant d'air froid le fit sursauter et quelqu'un coupa l'eau. L'instant d'après, il était enveloppé dans une serviette moelleuse et serré dans les bras de Harry.