Chapitre 6

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De retour dans sa chambre, je saisis machinalement la feuille d'exposé, mais je la reposais presque aussitôt. Aucun de nous deux n'avais envie de continuer pour l'instant. Je m'assis sur son lit, un peu gêné.

-Bon tu veux faire quoi du coup ? demanda Iliès.

-J'en sais rien t'as qu'à choisir !

-Bah qu'est-ce que tu fais d'habitude quand tu vas chez des gens ou que t'en invites ?

Je fronçais les sourcils :

-T'invites jamais personne chez toi ou quoi ?

-Quand j'invite des potes, on se bourre la gueule ou on se défonce, donc vu que ça a peu de chances d'arriver avec toi... J'ai pas l'habitude !

-J'invite rarement des amis chez moi, me contentai-je de répondre.

Il se leva et se dirigea vers le mini frigo. Il l'ouvrit et en sortit une bière.

-T'en veux ? C'est presque pas de l'alcool ça tu sais...

-Ouais je veux bien, dis-je en faisant semblant d'avoir l'habitude.

Je bus une gorgée, c'était un peu dérangeant mais pas aussi mauvais que ce à quoi je m'attendais. Je la terminais à petites goulées et pris la bière suivante, que je décidais de savourer plus lentement.

-Tu te souviens quand j'ai trouvé ton surnom, Marguerite ?

-Comment l'oublier... grinçais-je

-Je t'ai demandé si tu étais romantique, continua t-il, imperturbable.

-Oui, et alors ?

-Ça se voit que tu l'es, ça y'a pas de doutes. Mais j'ai du mal à comprendre comment on peut aimer tout ça, ces choses mignonnes genre c'est pas attirant du tout ! Roméo et Juliette, c'est ridicule c'est... putain comment on dit déjà ? Niais à crever ! Explique-moi.

-Je suis pas vraiment un romantique, commençais-je. En fait, et c'est pas que pour le français, fous toi de moi si tu veux, j'aime apprendre des choses plus ou moins utiles. Savoir que Verlaine et Rimbaud étaient amants, comprendre pourquoi Picasso a eu sa période bleue... J'aime découvrir des façons de tourner les phrases, la façon dont les rimes se recoupent et se croisent ! Je ne suis pas du genre à composer un poème d'amour, je préfère décortiquer un poème et comprendre pourquoi ici l'auteur a fait une métaphore sur la nature, pourquoi le soleil est relié à la passion... J'apprécie les différentes versions des poètes, j'adore le fait que les mots forment des phrases qui aient un sens, et que ces mots rappellent des souvenirs, des sensations... En fait, je trouve ça fantastique. Tu vois ce que je veux dire ?

Je m'arrêtais, presque essoufflé par ma tirade. Il me regardait bizarrement et je ne pus m'empêcher de rougir mais, j'étais soulagé d'avoir exprimé ce que je ressentais. A présent, je le fixais en attendant sa réponse. Il prit son temps :

-Honnêtement, non. J'ai du mal à tout saisir, t'aimes la poésie mais seulement parce que c'est instructif ? A mon avis de personne quelconque -dotée d'un physique de rêve, j'en conviens- tu es un psychopathe intello. Mais c'est moins chiant que ce qu'on pourrait croire.

Est-ce qu'il me complimentais là ? J'avalais une grosse gorgée de bière pour m'encourager et je repris :

-Et aussi, tant qu'à être à déballer ce que je penses, je détestes qu'on me "traites" d'intello. Je comprend pas. Être intelligent et aimer apprendre, c'est une tare ? Pourquoi c'est digne de moquerie ?

-Ça va peut être te surprendre, mais j'y ai déjà pensé. La seule conclusion possible c'est que les autres sont jaloux.

-T'es jaloux de moi ? ricanais-je.

-Ça se pourrait, répliqua t-il malicieusement.

-J'imagine que mon corps divin y est pour quelque chose !

-N'en fais pas trop non plus...

On éclata de rire tous les deux.

A cet instant, on sonna à la porte. Iliès se leva pour descendre en criant quelque chose en arabe à sa mère. Je ne sais pas vraiment pourquoi, mais je le suivis. Il me jeta un regard surpris, ne dit rien et ouvrit. C'était une fille de notre âge, qui semblait sur son trente-et-un mais qui, en opposition, se tenait comme si elle sortait du lit. J'imagine que c'était une tactique pour paraître blasée.

-Hey, Lola...

A en juger par le ton de son salut, il ne paraissait pas ravi de la voir.

-Coucou, je peux entrer ? J'ai apporté un peu de coke et des capotes et...

-Ah non non c'est pas possible poupée, je suis avec un pote là je suis pas tout seul !

-Pas grave tu lui ramène une copine allez bébé !

-C'est mort Lola on est sur un devoir à rendre et il...

-Toi ? Iliès Aladawi fait un devoir ?

-Faut croire !

-Bah je repasse quand il part alors allez Ili demain je me barre, une dernière fois !

-Laisse tomber pas moyen poupée il dort ici en plus ! Et m'appelle pas Ili

-Ouais il dort ici ou tu veux pas me voir ?

-J'suis pas comme ça tu me connais mais c'est mort je te dis adieu maintenant déso !

-Iliès t'es un bâtard sérieux tu m'fous un vent ?

-Wesh par contre si tu viens m'insulter jusqu'à chez moi...

-Non désolée bébé allez dis-oui ! J'm'occupe de ton pote même si tu veux !

-Bye poupée.

-Appelle-moi si tu change d'avis !

Il referma la porte et soupira. Je m'approchai et il me regarda d'un air indéfinissable.

-Elle était désespérée hein ! tentais-je de plaisanter

-Tu veux pas dormir ici ce soir ? Comme ça si elle revient je suis tranquille allez stp comme ça on termine l'exposé demain matin !

-J'ai pas envie de te servir d'alibi en fait !

-Oui bon de base c'est ça, mais même c'est cool si tu restes je suis pas solo et on se prendra des pizzas ! En plus notre conversation elle était stylée. Et puis si t'acceptes tu me devras rien pour la glace et les pizzas !

Je crois que c'est l'argument de la conversation qu'il avait lâché sans réfléchir qui me décida. Et peut-être un peu les pizzas.

-Ok c'est bon j'appelle ma mère... cédais-je

-Tu me sauves la vie !

-Attend j'ai des conditions ! plaisantais-je.

-Ok dis-moi viens on remonte en même temps !

Il m'avait pris au sérieux apparemment...

Un peu plus que la vie (TERMINÉ)Where stories live. Discover now