Partie 10

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 Le retour... Pardon une millième fois ! 

***

Je me regarde dans le miroir. Mes cheveux ont poussés, ils sont raisonnablement en bataille (merci le gel que m'a offert Évie). Mais ce n'est pas ça qui m'intéresse. Je passe la main sur mon visage. J'ai plutôt bien dormi cette nuit, mais j'ai tout de même les traits tirés. Je me trouve l'air hideux, déplorable, dépressif.

Je pense à ce qu' Iliès dirait. Il me réconforterait sans en avoir l'air, en me comparant avec des gens que je ne connais pas et en m'achetant des cookies.

Il me reste deux heures avant le concert. Je me laisse tomber sur mon lit, et je me concentre sur Iliès, sa joie, sa fougue, sa vitalité extraterrestre. Je laisse les soucis et la lassitude glisser hors de mon corps, de mes vêtements, de mon lit, de ma chambre. Je ne peux pas les faire sortir de ma vie. Pas encore. Mais il y a de l'espoir. Je me redresse. J'ai juste envie d'être heureux. Peut-être que c'est possible, peut-être qu'Iliès est le remède. Et même si je souffre, ça vaut toujours mieux que de ne rien ressentir du tout.

Je sors le costume que je porte dans les occasions spéciales, de type mariage ou enterrement (oui, c'est le même, je crois n'offenser personne en n'ayant qu'un costume).

Je garde cependant mes baskets, d'abord parce que je n'ai pas envie d'emprunter les mocassins de mon père, d'autant qu' Iliès détesterait ça ; mais surtout parce que le bougre est capable de m'emmener en randonnée ou en dégustation d'insectes au lieu d'un concert et que les baskets sont le meilleur moyen d'être prêt à tout.

Bref. Je descends.

Je n'ai pas été suffisamment attentif, à l'évidence.

Je me prends un coup de poing dans le plexus et je tombe à terre. Les ombres, noires, douloureuses que j'avais chassées s'engouffrent d'un coup à l'intérieur de moi. Elles n'attendaient que ça. Je suis démoli, en un seul coup. Mais il m'en balance un deuxième, un coup de pied cette fois. Bah oui, puisque je suis par terre.

Normalement ce genre de trucs, ça n'arrive qu'aux autres, dans les séries, les gars sans le sou qui ont un papa violent et alcoolique et qui finissent par s'en sortir en étant brisés à jamais. Mais ça n'est pas moi. Mon plus gros souci, ça aurait du être une peine de cœur avec un arabe colérique.

-Je sais que tu es en contact avec ta mère, sale traître !

-Non, je murmure. Je te jure que non.

Qu'est-ce que je peux faire d'autre que m'écraser ? Le cocon de la faiblesse, du malheur, c'est extrêmement pratique.

-Et qu'est-ce que tu fais habillé comme ça ? Pédale !

-Mais qu'est-ce que vous avez tous avec ça, je marmonne.

J'ai du sang dans la bouche. Normalement c'est le moment ou le prince charmant arrive. Mais mon prince charmant s'est fait confisqué sa moto par la police, il m'attend à deux arrêts de bus d'ici. Il va se dire que j'ai paniqué, que je n'ai pas voulu venir, que j'ai choisi Aline... Il faut que j'aille chez elle pour qu'elle me désinfecte. Tout se mélange et je me mets à pleurer.

C'était le remède miracle. Après une énième insulte, il s'en va et me laisse tranquille. Je reste là, dans ma morve et mon sang (celui de ma lèvre ouverte), pendant une demi-heure environ. En fait, je n'en sais rien, je n'ai pas mis de montre.

Je me lève en chancelant, pourtant ce n'est pas grave ce que j'ai, mais j'ai l'impression de fournir un effort surhumain. Je sors sans encombres, le monstre doit dormir ou regarder la télé. J'ai plusieurs messages d' Iliès. Je clique dessus puis je m'interromps. Je ne veux pas qu'il me voie comme ça, sa réaction m'insupporte déjà. Je veux quitter ma messagerie mais mon doigt appuie sur « appeler ». Je regarde mon écran en train d'appeler Iliès tout seul. Peut-être qu'il y a une entité derrière qui prend les choses en main. Il décroche:

Un peu plus que la vie (TERMINÉ)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant