Partie 15

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Je patiente, terriblement angoissé, à la table du café dans lequel ma mère m'a donné rendez-vous. Je suis arrivé avec 25minutes d'avance, et ça fait déjà 20 minutes que j'attends.

Lorsque je la vois passer l'entrée et me chercher du regard, je commence à paniquer. C'est même pire que le bac blanc. Je ne bouge pas. 

Soudain, elle m'aperçoit et se dirige vers ma table en souriant. Elle porte des habits amples, qui paraissent confortables, ce qui me fait froncer les sourcils. La dernière fois que je l'ai vu, comme tous les jours qui précédaient, elle portait un tailleur serré gris.

Elle a un air gêné, presque timide quand elle s'assoit en face de moi, après avoir hésité à me faire la bise et me l'avoir finalement faite. 

Une serveuse s'approche de nous et prend notre commande. Ma mère commande une bière, une chose qu'elle ne se serait jamais permise il y a un an. Je camoufle ma stupeur et mon anxiété en demandant la même chose.

Tandis que la serveuse repart et que ma mère, toujours silencieuse, laisse son regard errer sur la ville aux alentours du restaurant. J'en profite pour l'observer, et je comprends enfin ce qui est fondamentalement changé chez elle. Elle paraît heureuse.

Mon cœur se serre à cette pensée.

-Ça va, trésor ?

Je croise son regard et baisse bien vite les yeux. J'ai l'impression que mon cœur va exploser si je maintiens le contact. 

Mais elle pose sa main sur mon bras, nu, car on est en juin et qu'il fait démesurément chaud. Le contact me fait tressaillir, et sans que je puisse me contrôler, une larme coule. 

Une larme, puis deux, et soudain un océan de larmes et de sanglots qui me secouent sans m'arrêter.

Ma mère se lève, pendant une seconde je crois qu'elle va partir en courant et m'abandonner, je me demande pendant une seconde s'il va falloir que je règle les bières ou si je peux partir en annulant la commande. Mais elle ne part pas, elle vient s'accroupir à côté de moi et me serrer le bras, en m'embrassant la main, les yeux pleins de larmes.

Ça peut paraître ridicule, mais sur le moment, ça ne l'est pas. Petit à petit, je me calme, je respire. La serveuse arrive avec deux bières. Je retire ma main de celle de ma mère, celle-ci se relève tandis que la serveuse sourit avec professionnalisme et s'en va sans rien dire avec pudeur. 

Je débouche ma bière, puis je lève les yeux vers elle. Maintenir le regard me rend triste, mais je ne fonds pas en sanglots : la crise est passée. 

Et la discussion s'entame.

-Je sais que tu dois m'en vouloir, Thomas. Je suis sincèrement désolée. J'ai beaucoup souffert de cette rupture avec toi, tu dois me croire...

J'entrouvre la bouche pour exprimer mon doute sur le sujet, mais elle me coupe.

-J'ai appris que ton père était, tu sais...

-En désyntox ? 

Apparemment, entendre ma voix la fait sursauter. Elle hoche la tête. Elle a sincèrement l'air désolée, alors je me radoucis un peu.

-Je suis sûr que tu as conscience de ce que j'ai pu vivre, et que tu t'en veux. Mais je ne vais pas soulager ta mauvaise conscience, maman. Tu es responsable, pas de ce que papa a fait après que tu l'ait quitté, non, mais de ce que moi j'ai vécu. 

Elle sourit tristement.

-Tu as toujours été un garçon si brillant...

Je hausse les épaules. 

Un peu plus que la vie (TERMINÉ)Where stories live. Discover now