Partie 1

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Est-ce que quelqu'un a déjà été ravi par la rentrée scolaire ?

Eh bien oui, moi.

J'ai hâte de retrouver le lycée, mes amis et même ceux que je n'aime pas. Les bâtiments, les odeurs de colle, de beuh et de clope aussi.

Il s'en est passé des choses, pendant ces deux mois. Aline s'approche de moi, on va rentrer ensemble. En fait, on est ensemble. Elle est mignonne, calme et elle fait attention à moi, c'est tout ce qui compte. Elle rougit un peu et je l'embrasse, parfois sa pudeur coincée m'exaspère mais c'est reposant.

Maintenant, j'essaie d'être honnête avec moi-même. J'appréhende Iliès. On n'a plus été en contact depuis qu'on s'est- depuis qu'il m'a quitté, et ça me va très bien. Il avait raison, je me remet des choses. Je m'en suis remis, enfin, j'espère.

On avance vers les listes, car nos classes de ES changent. Pas beaucoup normalement, mais tout de même.

Je parcours les listes, mes yeux tombent sur la terminale ES2, Aladawi, Iliès. Mon cœur se serre, je descends, S... Stendhal, Thomas. Merde.

Aline m'annonce tristement qu'on n'est pas dans la même classe, elle est avec Emma.

Ça sonne et je me dirige vers la salle indiquée. Je m'assois vers les premiers. Je pense à Pierre, parti avec sa famille vivre au Québec. On s'est dit qu'on garderait le contact, mais on ne le fera pas et je le regrette.

Un mec me sourit et vient s'asseoir à côté de moi. Il s'appelle Florian ou Florent, quelque chose comme ça. Il a l'air sympa.

Et puis Iliès entre. En coup de vent, en ouragan, il va se poser au fond de la salle, je n'ai même pas le temps de le croiser du regard ou de l'observer. Il va se composer un nouveau groupe, j'en suis sûr. Au moins, Martin n'est pas là. Farid non plus ; reste Nancy. Je me demande s'ils sont toujours ensemble, ces deux-là.

Et puis entre un mec qui me dit quelque chose, accompagné d'une fille qu'au contraire je n'ai jamais vue. Elle est blonde platine, cheveux très courts, piercings et bonne humeur scotchés au visage.

Le mec me sourit et je le reconnais tout à coup : Élie. Il s'est laissé pousser la barbe. Il s'approche :

-Salut Thomas !

-Hey Élie, t'étais pas au lycée Sand ?

-Si, mais j'ai redoublé ma terminale pour venir ici.

Je hoche la tête.

-Liv, fait la fille.

-Ok, je réponds.

Ils partent s'asseoir plus loin.

Première heure barbante, la seconde chiante et les deux suivantes encore pires. Le midi, je cherche Aline du regard et lui fait signe. On avait prévu de se rejoindre.

-Tu sors avec elle finalement ?

C'est Élie.

-Vous pouvez venir manger avec nous, je propose sans trop réfléchir.

-Ouais, dit Liv.

Et elle me fixe, l'air de me narguer. Ma faute : je n'avais qu'à pas être poli.

Au final le repas se passe bien, animé grâce à Élie et Liv, car Aline est du genre renfermée quand elle ne connaît pas. Je ne lui jetterais pas la pierre.

Je fixe le mur. Je m'ennuie, tout tourne autour de ça. Mais je sais que ce soir, je vais regretter cet ennui alors j'en profite.

-Tu veux venir dormir chez moi ce soir ? propose Aline.

Sûrement est-ce le temps de décrire Aline en détail. Petite, cheveux châtain clairs qu'elle détache ou laisse dans une couette basse, elle est plutôt banale. Elle est mince, fine, ses lèvres sont fines et elle a un joli nez retroussé. Elle porte des lunettes à bordure grises, s'habille simplement, pull et jean en général.

Elle est vraiment gentille. Mais je décline.

L'après-midi passe vite, et je traîne à rentrer. Devant le lycée ou l'on se sépare, Aline attend son bisou, mais je sais qu'elle ne réclamera pas. Je l'embrasse, lassé et en même temps conforté par cette mini routine.

**

J'ouvre la porte, elle n'est plus fermée. Je traverse le salon, mais je suis obligé de passer devant la cuisine pour monter et alors que je croyais y échapper, j'entends :

-Thomas ?

Merde.

-Viens là, fiston.

Je me dirige dans la cuisine en rageant. Comment a t-il pu me voir avec tout cet alcool qu'il ingurgite et qui devrait lui brouiller les sens ?

-Ta... ta.. ta journée ?

-Bien.

Il m'attrape par la nuque, il me fait mal, me serre et puis me lâche.

-Faut que j'aille acheter des clopes, marmonne t-il.

Je suis un peu soulagé. J'attends qu'il soit parti en titubant, j'en profite et je vais vers son bureau, j'allume son ordi dont le mot de passe est michaeljackson, très original.

Ses mails sont ouverts, je regarde au milieu des pubs si elle n'a rien envoyé. Non. Je grimace.

En sortant de sa chambre bureau, je cogne contre le meuble qui bouge. Dessous, une photo qui a du glisser: moi, ma mère et papa.

Je la prends et une fois dans la chambre, je sors mon briquet (je ne fume pas, mais avoir un briquet me rassure, allez savoir pourquoi). Je la brûle consciencieusement et je vais relire une fois de plus le mot.

Thomas, mon cœur, comme tu as du lire dans le mot que j'ai laissé à ton père, je suis partie et je ne sais pas encore quand je reviendrais. J'ai besoin de vivre un peu pour moi, maintenant que tu es grand et mature, tu peux le comprendre. J'ai rencontré Chris, et il me rend heureuse. Je t'aime de tout mon cœur, rien n'est de ta faute mon grand et je ne t'abandonne pas, je suis très fière de toi. A très vite. Maman.

Je hais cette lettre. Dieu que je la hais. Ce mot court, griffonné avec trop de virgules et de fausse culpabilité. "je ne t'abandonne pas".

Quand elle est partie, papa n'y a pas cru. Il l'a cherchée partout, puis il a fait des recherches sur un certain Chris qu'elle aurait pu connaître, il a quitté son boulot, a commencé à boire. Au début ça pouvait aller, mon job d'été et les allocations chômage, tout était presque comme avant.

Et puis il a vraiment dérapé, un soir, puis d'autres...

A ce moment, mon téléphone vibre. Je regarde la notification : Élie vient de vous ajouter au groupe lycéeBalzacTES2.

Je vais jeter un coup d'oeil aux membres du groupe, et je tombe sur Iliès, avec une photo de profil interpellante : son torse. Je clique sur sa page par réflexe, puis je quitte immédiatement. Ne sois pas stupide. Il faut que j'arrête, que je l'ignore. Ça ne devrait pas être si compliqué.

Je vais appeler Aline, comme on le fait presque tous les soirs maintenant. Mais avant, j'envoie une invitation d'amitié à tout le monde dans la classe. Dont Iliès. Et je lui envoie un salut d'accueil que propose l'appli. C'est stupide, complètement stupide.

Quelques secondes plus tard, un bonjour numérique me revient. Je souris bêtement. 

Un peu plus que la vie (TERMINÉ)Where stories live. Discover now