Partie 3

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Je ne sais plus vraiment pourquoi Liv m'a entraîné dans un bar, je crois que c'est pour fêter sa bonne note que je l'ai aidée à obtenir en travaillant.

Il est 19h mais on a un peu bu, elle connaissait le barman. On va s'asseoir sur un banc.

Je la regarde, avec ses gros sweats et ses jeans troués, ses lèvres bombées, elle est super belle.

Elle s'allonge contre moi et je la serre.

Je me surprends à rêver, de nuages, d'océans, de tout ce qui n'est pas mon père ni la fuite de ma mère. Je crois que je pourrais résoudre des grands mystères jamais élucidés ou trouver le fin mot de l'histoire du sens de la vie, à cet instant.

Je me sens bien, ça faisait vraiment longtemps et je n'ai pas hâte que se dissipe l'alcool.

-Y'a pas d'amalgame entre nous, hein ? dis-je à tout hasard.

-T'inquiète, sweet heart, je suis gouine.

Je hausse un sourcil. Je prends le temps de réfléchir au terme. Ça sonne mal, gouine, je trouve. Je n'y avait jamais pensé avant.

-Ah ouais ? je réponds donc après un petit décalage.

-Ouais, mais bon j'imagine que je pourrais toujours coucher avec un mec un jour.

-Ou tomber amoureuse.

-J'aime pas l'amour.

-C'est stylé que tu sois lesbienne.

-Je sais pas, mais je le suis.

-Moi je suis gay.

Dans ma tête, c'était sans conséquence. Mais je comprends trop tard que je suis con et je me glace. Certes, j'adore Liv, c'est un peu mon coup de foudre. Mais est-ce qu'elle sait se taire ?

-Je dirais rien, t'en fais pas, dit-elle au bout de quelques secondes. 

Je ne sais pas si elle peut lire dans mes pensées, mais  en attendant je m'efforce de les centrer vers une même direction.

-Non mais laisse, c'est des conneries, je suis bourré.

-Ah ?

-Oui.

Il y a un silence. Je la serre toujours contre moi.

-Et puis ? elle demande.

-Aline.

-C'est vrai.

Il y a un long silence, puis elle se redresse et elle pose ses lèvres sur les miennes, comme ça. Elle m'embrasse. C'est alcoolisé et confortable. Elle s'éloigne.

-Si je suis lesbienne et toi gay, alors on s'est fait plaisir.

Je me laisse aller à sourire, puis je me reprends.

-Refais pas ça sans me demander, Liv.

-Pardon.

Il y a un petit silence.

-Je peux dormir chez toi, ce soir ?

***

On est épuisés, alors on se couche rapidement. Son lit n'a qu'une place mais elle me la laisse. Je ne rechigne pas comme pour Aline. C'est moins gnangnan avec Liv.

Mais une fois allongé, je n'ai plus du tout sommeil.

-On parle ?

-Ok, tu veux parler de quoi ?

-Je sais pas, avoué-je.

-Ou plutôt de qui ?

Je fronce les sourcils.

-Comment ça ?

-Non, je disais ça comme ça.

Un petit silence s'installe.

-Liv, t'as déjà eu envie de te suicider ?

-Ouais.

-Et...

-Tu veux vraiment qu'on parle de ça ?

-Pardon.

-J'ai jamais fait de tentative, si tu veux savoir. Je dis ça parce que j'ai pas envie de ta pitié.

-La pitié, c'est pour les gens pitoyables.

-Pas forcément, Thomas.

-J'ai déjà eu envie de mourir, mais pas de me suicider. Est-ce que.. est-ce que tu vois ce que je veux dire ?

Elle se tait, et je ne sais pas si c'est parce qu'elle réfléchit sérieusement ou parce qu'elle se demande comment me chasser de chez elle.

-Non. Absolument pas, honnêtement. Explique, parce que là...

-J'ai déjà eu envie de mourir, mais de mort naturelle. J'ai pas envie que ce soit moi qui le fasse, tu vois ce que je veux dire ?

Elle ne répond rien, alors j'ajoute :

-Enfin, ça n'est pas tout le temps dans ma tête non plus, hein.

-Assez pour que t'aies eu le temps de penser à tout ça.

-Est-ce que je suis étrange ? Tu me trouves bizarre ?

-Tu es bizarre, en même temps.

-Des fois j'ai l'impression que plus personne ne pourra jamais me comprendre, et là je me dis aussi que je suis pas du tout indépendant pour penser ça.

-Plus personne ? Donc il y a déjà eu quelqu'un ?

-Je sais pas vraiment.

-C'est pas Aline, je suppose.

Je me masse le crâne. Ce que c'est dur, les relations, des fois.

-Tu sais Thomas, j'aime bien les dingues, t'as de la chance.

Je souris.

-Et je vais te faire sourire souvent, à défaut de te faire bander.

Je râle, cette fois.

-Putain, t'es conne hein ? On est des cons tous les deux, j'ajoute.

Elle me fait un immense sourire dans le noir.

-Non, c'est le reste du monde qui l'est.

Un peu plus que la vie (TERMINÉ)Where stories live. Discover now