35. Amour chimérique

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[ Placebo - Protège moi ]

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35. Amour chimérique

Mon amour.

Tu n'imagines pas l'état dans lequel je suis, cette tempête qui se déchaîne et renverse tout sur son passage. Ma colère n'a d'égal que mon obsession pour toi. Ces ronces qui s'enracinent, grandissent et noircissent mon cœur meurtri. Tu m'as trahi. Tu as renoncé à notre amour, ce lien pourtant si fort qui nous unissait, mais tu vas le regretter.

Derrière cet arbre, je guette la maison, entourée par un périmètre de sécurité. Des gendarmes sont postés à l'avant et à l'arrière, de sorte à surveiller les allées et venues. À t'isoler. À t'éloigner de moi. Deux jours sont passés durant lesquels je n'ai pas pu te toucher, te sentir, ni même t'apercevoir. Ils m'ont complètement privé de ma raison de vivre ; celle qui fait battre mon cœur, qui me prive de mon humanité, et pour laquelle je serais prêt à me sacrifier.

Le sol s'ouvre sous mes pieds, m'aspire et m'engloutit. Je me perds dans les tréfonds de ma colère. Tout me semble irréel. Une brume émerge dans mon esprit et tout devient flou. Ce sentiment de détachement de mon propre corps s'intensifie. Mes poings se serrent tellement fort que la trace de mes ongles s'imprègne dans les paumes de mes mains. Mon sang se réchauffe, gagne en température, jusqu'à imploser dans mes veines. Je veux hurler. Tout saccager. Tous les tuer. Voir leur visage se déformer de souffrance et me supplier de les épargner, lorsque un par un, je les anéantirais.

Je dois me faire discret, c'est la meilleure stratégie à adopter.

Une voiture de police est garée dans l'allée et les deux hommes se tiennent debout à quelques mètres seulement de la porte d'entrée. Dans leurs uniformes risibles, il se croient supérieurs et pensent détenir le pouvoir et l'autorité. Mais ils ne me font pas peur. Ils ne m'empêcheront pas de te retrouver. Aucune des mesures de défense, même changer de pays si tu le souhaitais, ne me dissuadera de récupérer ce qui m'appartient.

Sur un morceau de feuille, je griffonne leurs habitudes et déplacements.

6h00, l'équipe de jour remplace celle de nuit puis s'en suit plusieurs heures durant lesquelles les policiers ne quittent pas leurs postes.

8h47, l'un d'eux, le plus jeune, s'éclipse environ un quart d'heure avant de revenir avec des cafés.

10h30, la moitié du groupe se dissout, après un appel d'urgence reçu. Il ne reste plus que deux policiers, de chaque côté de la maison.

Depuis ma cachette, j'essaie de discerner ta silhouette, à travers la fenêtre de ta chambre. Voir ta longue chevelure brune, ta peau laiteuse, tes pommettes rosées, tes lèvres charnues... Sauf que je suis trop loin. La distance ne me permet pas d'apercevoir ma bien aimée. Hélas, je ne peux pas m'approcher davantage, au risque de me faire repérer. Le temps est trop long, sans toi.

12h24, un roulement se fait et les officiers partent déjeuner.

Soudain la porte d'entrée s'ouvre sur ton père qui se tient près de la chambranle. Avec un sourire que je rêve d'arracher de son visage, il échange quelques mots avec les policiers. Puis je te vois, toi. Tu surgis comme une apparition divine dans son dos. Mon cœur fait un bond dans ma poitrine. Je me sens revivre. Mes yeux passent sur ton corps, ton visage, chaque partie de toi qui me manque terriblement. J'imagine l'odeur de ton shampoing à la fraise, mon préféré. Tu portes cette robe blanche, celle qui avait le don de m'exciter. J'espère que tu penses à moi.

Le soleil caresse ta peau lorsque tu rejoins ton père à l'extérieur. Tes cheveux prennent ces reflets auburn, ce qui me donne l'envie de passer mes doigts dedans. L'un des policiers te parle et tu lui réponds, sans que je ne sois en mesure d'entendre ce qu'il te dit. Tu souris, ce qui est mauvais signe. Je vois rouge. Une haine me pénètre et me consume. Tu es à moi !

Il me faut trouver un plan pour qu'enfin, je puisse regagner ma place à tes côtés. Lorsque je t'observe, de l'amour mêlée à une forme d'animosité singulière me submerge. J'éprouve à la fois l'envie de te faire souffrir et de te chérir. Je ne t'en veux pas. Tu es si faible et si innocente... Te manipuler était facile. Ta candeur t'a poussé à me trahir, moi, ton unique amour. S'ils ne t'avaient pas retourné le cerveau, jamais cela ne se serait produit. Ce que tu refuses de t'avouer, c'est que tu me désires tout autant. Tu rêves de m'épouser et passer le reste de l'éternité à mes côtés.

Puis finalement, tu regagnes le séjour et ton père referme la porte derrière lui. Tu disparais, comme un cadeau du ciel qui m'est refusé. La porte du Paradis me claque au nez, condamné à airer dans les abîmes de l' Enfer, tandis que tu rejoins l'autre côté de la frontière. Mais ils ne peuvent pas nous séparer. Je suis prêt à tout te pardonner et j'accepterai volontiers ta pénitence et ta clarté, car sans toi, je m'enfonce dans l'obscurité et succombe à ces ombres qui tentent de m'évincer, pour ne former plus qu'un tas de cendres.


FIND MEWhere stories live. Discover now