39. Le jeu continue

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   [ Apocalyptica - Nothing Else Metter ]

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La porte grince lorsque je la déverrouille et que je la pousse. L'odeur du bois me parvient immédiatement aux narines. Mes chaussures terreuses se posent sur le parquet. La pièce est grande, traversées par des courants d'air, et mon regard se lève vers les poutres apparentes en bois massif qui ornent le plafond. La lumière du jour inonde le séjour à travers l'immense baie vitrée. Je m'avance vers celle-ci et observe le paysage. Le soleil qui transperce les nuages vient refléter ses rayons sur la surface du lac qui s'étend à perte de vue. Celui-ci qui habituellement demeure gelée en période hivernale, s'est liquéfié grâce aux températures chaudes de l'été. La forêt borde le territoire sur des kilomètres. L'endroit est isolé de la ville, ce qui en fait le cadre parfait.

   Un silence apaisant règne dans le chalet. Mon regard parcourt la pièce ; de grands canapés gris sont disposés l'un en face de l'autre, autour d'une table basse en verre, et un tapis en peau d'animal jonche le sol. Du côté opposé, à droite, une table ainsi que des chaises de couleur neutre, trônent fièrement. Je me dirige dans le renfoncement, derrière le salon, où se trouve la cuisine ouverte. Tous les placards et les meubles sont en bois, un îlot central réunit plusieurs chaises hautes, au-dessus duquel pend un lustre noir.

   J'ouvre la porte du réfrigérateur américain de couleur métallique et comme je m'y attendais, il est vide. Je sors les aliments de mon sac de course et commence à les ranger à l'intérieur. Ces provisions pourront permettre de tenir les premières semaines. Je pioche dans le sac les boîtes de converses et de gâteaux que je place dans les placards. Le bois que j'ai ramassé dans la forêt est abandonné près de la cheminée, pour les nuits fraîches. L'électricité fonctionne encore depuis la dernière fois que je suis venu. Je n'ai rien oublié.

   Les escaliers craquent sous mes pieds lorsque je les gravis. L'étage est très spacieux. Un couloir mène à différentes pièces. La première qui s'offre sur la droite est un dressing. La porte du fond mène à la chambre principale, dotée d'une salle de bain privée, dans laquelle je pénètre. Le grand lit double à baldaquin qui me gratifie souvent de ma solitude, se dresse au centre de l'habitation, calé contre le mur. Je me réjouis quand je m'imagine enroulé dans les draps en satin pourpre à nouveau, mais cette fois-ci, dans la lumière, loin de l'obscurité.

   Le matelas s'affaisse sous mon poids quand je m'y assois. J'effleure du doigt le tissu soyeux et me félicite de mon choix pour sa douceur. Dans mon sac à dos, je saisis les cordes et commence à les nouer aux barreaux du lit. Je les serre le plus possible. Une fois que je suis certain que les liens ne céderont pas, je laisse les bouts des cordes pendre au sol. La vieille radio posée sur la table de chevet attire mon attention. Je l'allume et essaie de changer les chaînes jusqu'à ce que l'une d'elles soit captée. Une mélodie de violon retentit dans la demeure déserte. Je ferme les paupières et me laisse transporter par cette symphonie.

   Des images se succèdent dans mon esprit, toutes dominées par cette obsession que je te porte et qui me tourmente. Je m'abandonne à mes songes, le temps de quelques maigres secondes, puis me relève précipitamment. Les heures sont comptées. Je n'ai pas de temps à perdre. Il me tarde de te retrouver, mon amour.

   Je foule le sol jusqu'au dressing. La majorité de mes vêtements sont ici, rangés dans les nombreux tiroirs, et le reste dans mon sac. Mon sanctuaire se trouve au milieu de cette forêt, lorsque je ne suis pas près de toi. Cette maison représente le seul héritage familial que je possède. Je m'adonne au calme et à la beauté de la nature, isolé du monde et de ses vices. Depuis que mon obsession pour toi grandit comme des ronces, je ne suis plus capable de loger si loin de toi. Je ressens le besoin de te voir, chaque jour, et de te préserver de tous ces gens corrompus qui te veulent du mal. Bientôt tu seras ici, avec moi. Je ne te laisserai plus jamais m'échapper, je te le promets. Nous resterons liés pour l'éternité.

   Je rassemble mes affaires dans la moitié de l'armoire, pour laisser la seconde partie de libre. Je regarde ma montre et me rends compte que je dois déjà repartir. Plusieurs longues heures m'attendent, et je ne voudrais pas manquer cette occasion.

    Avant de repartir, je m'assure que la dernière pièce est bien condamnée à clé.

    Tout est prêt pour t'accueillir. Je suis sûr que nous serons bien installés, ici. Depuis que tu m'as trahi, que tu t'es laissée manipuler par ces policiers de qui je me vengerai, je n'ai pas pu te toucher, ni t'approcher. Tu me manques terriblement. Mon cœur menace d'imploser dans ma poitrine alors que je me repasse ces images gravées à l'encre noire. Celles qui me font souffrir. Celle où tu es loin de moi, où tu me crains.

   Ma main se dirige dans la poche de mon jean sombre, j'attrape la photo que je garde toujours sur moi. Celle qui me rappelle que tu ne m'appartiens pas totalement. Pas encore. Je détaille à nouveau ton visage d'ange et mes yeux se posent ensuite sur celui que j'aurais dû éliminer définitivement depuis bien longtemps. Je déchire la photo en deux et ne conserve que ton visage, ces yeux captivant dans lesquels je sombre et qui m'invite à la folie. Ces lèvres rosées qui m'appellent et me poussent à me damner.

   Malgré que je sois fou de rage, j'entretiens la certitude que tu sauras réparer tes erreurs. Ils t'ont manipulé, en proie à ta candeur, ce détail qui m'a toujours enivré chez toi. Mais je suis prêt à te donner une seconde chance. Tu vas probablement regretter tes actes au départ, mais ensuite, tu finiras par ne plus pouvoir te séparer de moi. Car ce sont les règles du jeu. Tu croyais naïvement que lorsque tu te tiendrais loin de moi, la partie s'achèverait. Mais la traque continue, et elle ne peut cesser que lorsque le point culminant sera atteint, la victoire de l'un de nous deux, marquée par la fatalité.

   Tu apprendras à aimer ça, et plus encore, tu en redemanderas. Tu goûteras à la saveur de l'amour, cette obsession qui te ronge et te consume jusqu'aux os. Ce sentiment qui te contrôle entièrement et contre lequel tu dois de te battre, pour ne pas t'abandonner à tes pulsions.

   Chaque étape de mon plan se déroule à la perfection et il ne me reste plus que quelques heures à patienter, avant de te retrouver.

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