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CÉLESTE
PARIS , INVALIDES

-21:58-
-24 j u i n d e u x - m i l l e s s e p t-

Je serrais la main de Jeanne tellement fort, jusqu'à pratiquement la broyer pour éviter de faire trembler l'intégralité de mon corps.

J'étais la seule à le voir ? Voir à quel point dans ces soirées, tout était dégoûtant.

- Pourquoi tu viens Céleste si ça te rends anxieuse ?, me chuchotait-elle en caressant ma main pour la calmer. Tu sais que je t'aime, pas vrai ?

- Je sais.

Je lâchais sa main pour la prendre dans mes bras, et lui signaler qu'elle ne devait plus faire attention à moi.

- Tu me dis hein, si t'as besoin de quoi que ce soit.

Jeanne déposa un bisou sur ma joue avant de rejoindre la piste de danse. Elle adorait danser cette fille, c'était fou. Elle illuminait la pièce à chacun de ses pas, à chacun de ses mouvements, c'était une étoile en plus qu'elle dessinait dans le ciel.

Moi, je ne savais pas danser. Je ramenais seulement la pluie.

Pendant ce temps, je passais mes doigts agités sur la table de la salle à manger, à la recherche d'un récipient quelconque pour me verser un verre de label 5.

- C'est ça que tu cherches ?

Je me jetais sur la fille en face de moi, compressant le gobelet qu'elle m'avait rapporté.

- Rose ! Ça fait tellement longtemps, t'étais passée où ?

- Bah t'sais, avec le bac de français j'ai pas pu trop sortir, j'ai révisé comme une dingue ! T'as géré toi d'ailleurs ?

- Nan, j'ai tout foiré.

Je me mordillais la lèvre en jetant mon regard ailleurs que face à moi. Je me rappelais de mon stylo tremblant entre mes doigts, de mes deux pages bâclées sur laquelle mes yeux n'avait pas réussit à se décrocher, et de ma tête qui avait brouillé chacun des signaux en ma direction.

- Et toi ?, suivais-je d'un sourire, voyant qu'elle ne savait quoi me répondre.

- C'était pas le sujet que je voulais et je suis nulle à l'écrit alors bon, je m'attends à rien mais il m'reste encore l'oral pour m'rattraper.

Je rigolais en sortant de ma poche arrière mon flash de scotch.

- Toujours avec ta boisson de vieux toi.

- Ça bouge pas.

- D'ailleurs, viens s'tu veux, Amélia m'attends dans la salle de bain. Elle était en train de nous rouler un bail, on peut faire p3 maintenant qu't'es là !

J'acquiesçais en prenant deux gorgées de ma boisson, tout en me dirigeant à l'autre bout de l'appartement.

- Il est ouf cet appart, lançait Rose en étudiant chaque détail du lieu, en passant par le plafond éminent aux cadres accrochés sur les murs.

Il était décoré avec goût, je ne pouvais le nier. Mais il y avait une ambiance dans ces immenses pièces, ces innombrables portes et cette décoration qui parvenait à me frustrer.

- On dirait un peu le tien.

Sûrement pour cette raison.

On arrivait dans la salle de bain où Amélia, la meilleure amie de Rose, était allongée dans la baignoire au carrelage vert.

- Céleste !

Je m'avançais vers elle pour lui faire la bise, je l'avais déjà croisé il n'y a pas si longtemps à côté de chez moi, sur la place, la tête sur les genoux d'un garçon dont le prénom m'échappait.

- Comment va ?

Je rattrapais les nouvelles des deux qui ne fréquentaient pas le même lycée que moi, personne ne le fréquentait d'ailleurs hormis Sophia. Béatrice et Jeanne étaient toutes les deux dans le public, et Salomé dans un privé un peu plus loin dans la capitale.

- Elles sont pas là les filles ? M'interrogeait Amélia.

- Si, j'suis venue avec elles mais j'les ai déjà perdu.

Je m'éternisais pendant une bonne quarantaine de minutes à passer du temps avec les deux, tout en essayant de canaliser les oscillations provenant de mes mains. J'essayais de les dissimuler, de les camoufler, faire en sorte que les aveugles qui habituellement n'y voyaient rien ne s'aperçoivent pas de mes mains tremblantes.

En sortant de cette salle de bain, ma tête me semblait encore plus lourde, tandis que mes jambes, elles, m'apparaissaient plus légères. Les typhons dans mon crâne étaient semblables à des vagues qui s'éjectaient aux quatre coins de ma tête.

Un seul mot: le cauchemar.

Je n'avais qu'une envie, c'était de partir, aller loin de celles qui valsaient pour oublier un peu leurs vies sans intérêt au milieu du salon. Elles me désolaient, et j'avais l'impression que dès l'instant où je m'étais immiscée dans leur monde sans prévenir, je ne pouvais rien y faire désormais pour y échapper.

On me trainait partout, on m'interpellait de partout, on attendait des choses de moi partout pour que je devienne irréprochable. Je parlais plus assez pour eux, je n'étais plus assez drôle pour eux, je ne souriais plus assez pour eux, mais savaient-ils que cette fille qu'ils voulaient altérer en une créature irréprochable n'avaient jamais parlé par plaisir, fait des blagues par plaisir et surtout, sourit par plaisir ?

Je m'étais isolée dans un coin de ce gigantesque appartement, puis, m'était laissée tombée contre le mur en ingurgitant les dernières gouttes de mon flash.

Ils étaient tristes, les soirs où respirer devenaient ma souffrance principale.

- Céleste ?

Seulement, j'avais un nouveau système solaire qui venait d'émerger en moi.

Un nouveau Soleil, qui constituait les bases de ce même système. Il s'appelait Ken.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now