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SIRIUS
PARIS, PARC MONCEAU

-13:09-
-16 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

Elle tournait autour de la barre métallique du métro comme une fleur des vents, pendant que Ken la regardait assit sur le strapontin le sourire collé aux lèvres. Il se demandait à quoi pouvait-elle bien penser comme ça, la tête survolant le vide comme si tout ce qui se trouvait autour d'elle n'était qu'illusoire. Il se demandait si elle pensait à lui, à eux, aux noms de leurs enfants, si Céleste Samaras sonnait bien à son oreille ou si elle aurait préféré garder son patronyme. Il s'imaginait déjà tout un avenir à deux, eux deux, elle qui se trouverait dans les coulisses de ses concerts en le regardant performer sur la scène, et lui en copilote lorsque sur un coup de tête ils se décideraient à partir pour un tour de l'Europe.

Mais en vérité, elle ne pensait à rien. Ni à la sonorité du nom de famille de Ken, ni à leur avenir à deux. Elle s'imaginait plutôt finir sa vie seule, par peur de blesser celui qui devra subir sa mort prématurée. Non, Céleste ne pensait ni à son avenir, ni à sa scolarité, ni à ses futurs amours; elle n'était qu'une fleur qui vivait pour l'instant présent.

Les portes du wagon s'ouvraient, et Céleste et Ken, main dans la main comme au bon vieux temps, se faufilaient vers la bouche de sortie la plus proche. Elle adorait passer du temps avec lui même sous cette chaleur de l'été parisien, où rien ne ressemblait au quotidien banal des cours, du ciel gris, des manteaux qui ne suffisent pas pour contrer les intempéries. Les rues et le métro étaient presque vides à certaines horaires malgré la ruée de touristes dans la capitale à cette saison. La plupart des cafés étaient fermés mais celui d'à côté demeurait toujours ouvert, la terrasse toujours pleine à midi qui ne donnait nullement envie de s'y entasser. C'était la raison principale de pourquoi Céleste aimait les parcs, pourtant eux encore plus remplis que les cafés, les rues, le métro et les restaurants.

Alors les deux se dirigeaient vers le parc Monceau en discutant d'un sujet que Ken avait déjà entendu milles fois, mais ces milles fois, rien que le simple fait de pouvoir apprécier sa voix suave le réjouissait, peu importe étaient ses complaintes :

- D'un côté; oui, j'ai envie de leur reparler. Du moins, que ça soit comme avant. Là c'est bizarre, on s'échange même plus un message, plus de nouvelles du jour au lendemain.

- Mais tu leur en veux pas de ce qu'elles t'ont dit ?

- Pas vraiment, elle haussait les épaules en s'allumant une cigarette en sortant de la bouche de métro, à peine eut-elle le temps de toucher les rayons du soleil. Tu sais, j'pense que j'ai la sale manie de penser que tout est pardonnable.

- Tout ?

- Tout. Pas toi ?

Il haussait les épaules car il ne voulait pas lancer ce débat. Non, tout était loin d'être pardonnable, d'autant moins lorsque sa fierté faisait l'impasse sur les deux bouts.

- Et tu crois aux secondes chances ?

Il haussait les épaules une nouvelle fois. Il pensait que non, qu'il ne croyait pas aux secondes chances. Mais il les distribuait toujours, alors peut-être bien qu'au final tout était pardonnable, même l'impardonnable.

- J'y crois, j'préfèrerais juste ne pas avoir à les donner aux autres.

Par « aux autres », il signifiait implicitement qu'il espérait ne pas avoir à en donner à elle. Lui qui aimerait que cette relation ne soit qu'une boucle qui ne s'arrête jamais, qu'il n'ait pas à survivre sans sa présence qui ne lui apportait que chaleur et pureté.

nova (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant