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CÉLESTE
PARIS , PETITE CEINTURE DU 15ÈME   

-23:11-
-02  j u i l l e t  d e u x - m i l l e s  s e p t-

- C'est archi laid j'vais pas te mentir.

Jeanne scrutait le dessin à la bombe de Hakim en rigolant, pendant que Ken et Idriss étaient allongés sur la même pelouse que la dernière fois, moi accroupie, mon carnet de croquis posé au niveau du croisement de mes jambes, et mon rouge à lèvres dans ma main se frottant contre la feuille.

- Tu voulais pas essayer toi aussi ? Me questionnait Ken en tournant sa tête vers ma direction.

J'haussais les épaules en rapprochant mes genoux de ma poitrine, rangeait mon tas de dessin pour poser le bout de mon menton sur ces deux-là.

- Mais si j'y arrive pas ?

Et si j'échouais, une fois de plus ?

Serait-ce mon égo qui en prendrait un sacré coup, ou la montagne de mes échecs qui s'élèverait, une fois de plus ?

Je ne savais pas si j'avais fini par lui donner une place trop conséquente dans ma vie que cette montagne était si haute, ou si elle était exclusivement la cause de mes défaites.

- Personne réussi du premier coup, j'tassure.

À défaut d'avoir eu une bonne note au bac, j'étais déterminée à me prouver à moi-même que mon coup de crayon valait bien plus que ce que le système scolaire attendait de moi.

- Balance-moi le rouge et le noir.

Il souriait, puis se relevait pour fouiller dans le sac de sport d'Hakim les couleurs recherchées.

Ken me balançait pour que j'attrape au vol les deux bonbonnes, puis me dirigeais sur le mur voisin où n'était graffé qu'un sigle indescriptible.

- Je peux dessiner par dessus ?

- C'est tout le concept d'un tag.

Je m'éloignais du mur pour poser la pointe de mes pieds sur les rails.

J'avais besoin de me sentir plus haute.

Je sentais le regard de Ken sans même avoir besoin de me retourner sur mon dos, comme la chaleur émanante d'un soleil d'été, mon soleil de mon début d'été.

La bombe en main, le cœur battant comme si ma vie en dépendait.

Quand il battait, je l'imaginais plutôt se battre pour quelqu'un. Cette image me plaisait bien plus que les coups de tambour que mon coeur figurait.

Alors, je dessinais le croquis que j'avais esquissé cent fois dans mon carnet, celui qui hantait mes cauchemars et qui pourtant, m'apaisait lorsque je ne trouvais plus le sommeil. Celui sur lequel mes larmes avaient fait couler l'encre de mon bloc de papier, celui qui avait terminé maintes, et maintes fois en projectile pour défouler ma haine.

Toujours ces mêmes ailes, toujours cette meme silhouette, toujours ce même ciel.

L'ange déchu condamné à rester entre la Terre et l'enfer à cause ses ailes inguérissables, les yeux levés vers ce qu'il aurait rêvé d'explorer, là où il était persuadé qu'était sa destinée.

Je lâchais chacune des deux bombes serrées entre mes doigts lestes, maintenant tachés par la présence de peinture aux bouts de ceux-ci.

Sur la pointe des pieds je revenais en arrière, n'ayant nulle fois regardé lors des quinze dernières minutes de ce côté-ci, et toujours le dos tourné, je me rapprochais des rails en fer pour admirer ce que mon pinceau avait germé en mélangeant mes deux couleurs primaires.

Un cercle au fond rouge, un ange déchu au premier plan, l'impossible au dessus de ses ailes; le firmament.

- C'est beau, entendais-je dans mon dos une voix familière, qui s'associait à un visage une fois retournée. Mes oreilles se débouchèrent, leurs permettant d'ouïr une mélodie et les rires de Jeanne.

Je lui souriais en attrapant âprement la main du brun pour rejoindre la pelouse, lui laissant certainement quelques taches de peinture carmine et hâlée, comme sur les miennes. 

- Vous avez vu comment elle dessine trop bien Cécé, lança Jeanne qui semblait fortement apprécier la compagnie des deux frères que Ken avait ramené, finissant par les connaître mieux que moi.

- Ouais t'as géré sa mère, c'est frais.

- Plus frais que c'que tu fais toi, répondit-elle à Hakim.

- T'as vu la grosse merde qu'ta pondu ?

Jeanne avait tenté de peindre une croix, symbole le plus simple mais qui pourtant, avait fini par ressembler plus à rien qu'à une croix.

- Toute sa vie il est jaloux votre pote ou c'est comment ?

- C'est Hakim.

Alors que j'étais allongée sur la pelouse, je sentais une main se rapprocher de la mienne dans l'herbe, reconnaissant intimement l'origine du doigté qui caressait le mien.

Je n'étais pas démonstrative.
Et lui non plus.

Mais il n'y avait que l'étrange saveur de l'entremêlement de nos brins qui nous faisait ouvrir les yeux, sans communication, sur les graines de notre relation.

C'était étrange les sentiments sans paroles.

Si ces fragments qu'il déposait en moi à chaque fois que je sentais son souffle ou sa présence à proximité de la mienne, étaient ce que les Autres avaient tendance à nommer les sentiments. 

- Vous partez cet été ? Demanda Idriss.

- Ouais, j'pars en colo dans cinq jours là, répondit Jeanne.

- J'vais deux semaines en Toscane chez ma grand-mère début août. Et vous ?

- Nada, on reste sur Paname.

- Pas les sous pour aller au bled.

Julie rigolait en s'allumant une cigarette, puis faisait tourner son briquet parmi nous pour que l'on fasse de même.

Une fois la cigarette de Ken allumée avec l'aide de ma main comme il l'avait fait pour la mienne, il me chuchota, les sourcils froncés:

- Tu m'avais dis qu'tu partais pas.

🎁

cc mes stars,
pour préparer noël et rattraper le mois de novembre hyper stressant, reine dada vous propose un petit calendrier de l'avent comme il se doit.

un chapitre par jour jusqu'au 24 décembre, donc un chapitre tous les deux jours sur oaristys, un chapitre tous les deux jours sur nova (dsl si ça fera trop oups)

gros bisous, profitez bien des décorations de noël dans votre ville/village et installez vous confortablement sous votre plaid, c'est le début du carnage ici 😈😈

nova (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant