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CÉLESTE
PITIGLIANO, CENTRE

-19:04-
-04 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

- Bisou Nonna, on y va !

On fit simultanément mon frère et moi un signe de main à notre grand-mère et à ma mère assises à la table extérieure en train de discuter.

- Dès qu'ils rentrent ils partent.. C'est fou, ces jeunes.

Je rigolais en laissant mon frère me dépasser à vélo, il roulait plus vite que moi alors dans tous les cas, il finirait par me devancer.

- T'as hâte de les revoir tous ?

- Hâte.. J'sais pas.

J'haussais les épaules en étant persuadée qu'il changerait d'avis une fois là-bas. J'avais moi même changé d'avis hier après avoir retrouvé mon endroit paisible et rencontré Milo. Il avait le même âge que moi, et fréquentait le même lycée que certains de mes amis. J'avais été étonné, même si il n'y avait rien d'étonnant étant donné le peu d'établissement scolaire dans ce coin, de savoir qu'il les connaissait lui aussi. Comme quoi, le monde était encore plus petit ici.

- Tourne pas là, tu t'rappelles pas la dernière fois tu t'es paumé ?

Il dévia sa roue pour continuer tout droit sur la route en goudron comme je lui avais indiqué. Ulysse paraissait encore plus stressé qu'il ne l'était d'habitude, et c'était certainement à cause de Giulia. Il se voilait beaucoup la face à son sujet, mais une chose était sûre, c'était qu'il la voulait. Il s'y prenait toujours mal avec les filles, à contre-coeur.

Comment peux-tu prendre soin de quelqu'un quand tu n'es même pas capable de prendre soin de toi-même ?

C'était sa philosophie, peut-être plus son excuse.

- Gare le vélo là, ils nous ont donné rendez-vous devant l'église cette fois-ci, disais-je une dizaine de minutes plus tard une fois dans le centre.

- Y'aura qui ?

- Dario, Mattia, Pietro, Anna, Lucia et Giulia.

- Ok, répondit-il en acquiesçant. Il attacha les vélos entre eux avec l'aide de l'anti-vol pour ensuite m'entraîner la main dans le dos vers l'église.

Je vis au loin un groupe de sept assis sur les marchés du site religieux, alors j'accélérais le pas pour finalement courir et abandonner lâchement mon frère lorsque Lucia se dirigea vers moi à toute vitesse pour me prendre dans ses bras, jusqu'à presque trébucher.

- Céleste !, S'écria-t-elle en prononçant mon prénom avec son accent italien qui m'avait plus que manqué.

- Putain, t'as changé ! T'es devenue blonde, t'as fais une teinture ?

- T'aimes bien ?

- Ça t'vas trop bien, répondis-je en lui ressautant dans les bras. Ulysse nous rattrapa ainsi que tout le groupe qui attendait derrière, et les retrouvailles fut bien plus radieuse que je ne m'y attendais, comme si le temps n'avait encore, rien pu changer.

Au bout de la lignée, surprise, je reconnaissais un visage familier.

- Milo ?

- Céleste ? Riait-il en imitant mon air étonné.

- Vous vous connaissez ? Demandait Anna, toujours la première à poser des questions si les ragots pouvaient soudainement apparaître à l'issu de la réponse.

- Ouais, j'savais pas qu'il serait là.

Je souriais en ne le quittant pas du regard, analysant les traits de son visage auquel je n'avais pas fait plus attention que ça hier. Il avait les cheveux châtains, ni trop clair, ni trop foncés, les yeux un peu tombant, la pointe du nez un peu renforcée et l'arc de cupidon parfaitement dessiné. Il aurait pu être un des portraits dans mon carnet de dessin, l'homme ni trop, ni pas assez parfait. Juste à la hauteur.

- On va s'prendre une pizza chez Davassio ?

Toute l'assemblée acquiesça, et on suivi Pietro qui menait toujours les directions. Ici, tout était petit. tout le monde se connaissait, des plus jeunes au plus âgés. Davassio était le grand roi du village depuis qu'il avait introduit la formule une pizza achetée, une canette offerte. C'était toujours notre rituel à chaque soir d'été où on ne savait aller, les portes de Davassio toujours ouvertes pour une nouvelle clientèle.

- Tu connais Milo ? Me glissait discrètement Anna en s'accrochant à mon bras, faisant en sorte que les cinq garçons qui menaient ne nous entendent pas.

- Ouais, j'lai rencontré hier par hasard. Vous l'avez connu au lycée vous ? Je l'ai jamais vu avec nous.

- Il est dans notre lycée avec Dario et Lucia. Avant il traînait toujours dans son coin, on savait même pas qui c'était jusqu'à c'qu'il nous fasse une putain de transformation physique. Elle rigolait en me regardant sourire maladroitement. Il est beau, hein ?

J'haussais les épaules face à la pensée de Ken qui me traversait l'esprit. J'avais le droit, pourtant, de trouver une personne attirante. Au bout du compte, Ken et moi n'avions jamais posé un mot sur notre relation. Mais je me sentais tout de même traître d'attiser ma curiosité.

- T'as un mec toi depuis ? Persista-t-elle.

- Non, répondis-je en le mimant de la tête. Enfin, j'ai plus ou moins quelqu'un, mais c'est récent et en ce moment c'est.. Bizarre.

La vitesse m'avait toujours effrayé. En décollant de cet avion, toutes les innombrables heures que j'avais pu passer à ses côtés étaient restées entre la piste et les nuages. C'était comme si une fois éloignée de notre histoire, j'éclatais la bulle du rêve idéal qui flattait mon ego pour me rendre compte de l'éphémère. La vitesse m'avait toujours pétrifié. Au lieu d'emprunter des virages, lui et moi étions parti à pleine balle sur l'autoroute sans se soucier de la limitation de vitesse.

C'était un fait, Ken et Céleste, tout s'était passé trop vite.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now