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CÉLESTE
PARIS, OBSERVATOIRE

-23:06-
-21 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

Ken était retourné chez lui il y a un peu moins d'une heure. Depuis la soirée d'hier, il ne m'avait pas évoqué une seule fois ce qu'il avait cru suspendre. Mais il m'avait bien posé une question: "il y a eu combien de garçon avant moi ?". Je lui avais répondu "deux", car il n'y a eu que deux garçons dans ma vie qui avaient compté avant lui. Il avait semblé satisfait de ma réponse et avait attrapé la télécommande pour reprendre Blanche-Neige, mon chat Jaffar allongé sur nos genoux.

Voilà que je me retrouvais toute seule, assise sur la banquette en dessous de ma fenêtre, sa chemise à carreaux qu'il avait laissé traîner sur le sol au dessus de mes épaules à essayer de dessiner. Mais rien ne venait. Je ne savais même pas si je voulais griffoner quelque chose en fin de compte, rien ne traversait mon esprit, ni mon âme. Tout paraissait si trouble, j'avais l'impression d'avoir vécu ce moment précis un million de fois.

Moi, assise, un crayon en main, trois chats à mes pieds. Les une million de nuits que je n'avais pas réussi à achever, je les avais passé ici, assise, un crayon en main, avec trois chats à mes pieds. Comme si mon coeur s'était fatigué de cette routine et avait deconnecté tous les signaux qu'il recevait, ayant épuisé toutes ses ressources pour m'éviter la noyade.

Alors que je comptais me relever pour essayer de trouver sommeil, j'entendais la sonnerie de mon téléphone portable m'indiquant que je venais de recevoir un message.

MESSAGE
-expéditeur : ulysse-
viens m'ouvrir la porte stp

Je fronçais les sourcils car il y avait toujours une clef sous le paillasson. Je m'avançais vers la lourde porte d'entrée, et en l'ouvrant, je n'y trouvais aucun signe de mon frère.

MESSAGE
-destinataire : ulysse-
t'es où ?

MESSAGE
-expéditeur : ulysse-
l'autre porte

C'était d'autant plus étrange, car nous utilisions cette porte que lorsque nos parents étaient dans l'appartement, la porte d'entrée principale faisant bien trop de bruit. Mais en l'occurrence, nous étions encore seuls pour deux jours, et il n'avait aucune raison de passer par cette porte. Ou peut-être avais-je simplement mal pensé :

- Putain Ulysse, t'as bu ? Je le relevais en lui volant des mains la bouteille de cognac qui y traînait. Je détestais le voir comme ça, mais ce ne fut pas ma première pensée car j'essayais tant bien que mal de l'accrocher à mes épaules pour l'asseoir sur son lit. Il bataillait à plusieurs reprises alors que sa chambre était la porte qui lui faisait face, se faisant tomber sur le sol, ruminant, réclamant sa bouteille, versant des bribes de mots qui ne joignaient point les deux bouts.

- Tu m'fais mal, arrête de m'griffer ! Je m'écriais alors en regrettant par la suite la puissance de ma voix. Laisse-moi juste ouvrir la porte, s'il te plaît.

Suite à mes paroles, il fut calmé instantanément, mais je pus quand même entrevoir dans les siennes les mots: « Papa, Vidéo, Giulia ».

Je me demandais ce qu'il voulait dire, et si même ces mots avaient un lien entre eux. Une fois la porte ouverte, je m'asseyais sur le lit en prenant Ulysse dans mes bras qui grelottait. Dans ses yeux, il n'y avait plus qu'une peine immense, deux trous noirs comme si il avait voulu s'ôter la vue du monde obscur qui l'avait terni.

- Qu'est ce qui va pas Ulysse ? Je lui chuchotais calmement dans le creux de l'oreille en caressant sa joue. Il avait énormément sué, et sa sueur empestait celle d'un drogué, le mélange beuh - sueur qui témoignait à sa place de son mal-être. Dis-moi qu'est-ce qui va pas.

Il ne répondit rien. Il me murmurait des syllabes indiscernables, me pointait des objets et au fur et à mesure que je l'avais dans mes bras, j'avais du mal à le regarder dans les yeux.

J'avais été tellement absente de sa vie ces dernières semaines que je n'avais même pas eu le temps de le voir vriller, le voir changé en un être humain que je ne reconnaissais même plus, traumatisé par des visions qui n'étaient du qu'à son second lui, celui qui lui rendait visite lorsqu'il avait besoin de tirer sur quelque chose pour ressentir un peu moins sa solitude.

- Dis-moi Ulysse, tu peux m'faire confiance, toujours, tu l'sais ça ? Relançais-je en déposant mes lèvres sur la paume de ses mains pour les réchauffer.

- Télé, il me pointait la télévision, lecteur dvd en.. en dessous, allume, lecteur dvd dessous..

Je me détachais de lui en m'assurant qu'il ne partait nul part lorsque je me précipitais vers le lecteur DVD pour l'allumer. La vidéo sur le moniteur de la télévision était d'abord noir, alors je parti voir le branchement des câbles pour m'assurer qu'elle était bien en marche, mais Ulysse m'interrompit en me disant indistinctement : « Viens, viens, j'ai besoin de ta main ».

Je m'asseyais sur le lit, le dos contre le mur qui faisait face à la télévision posée sur le sol. La vidéo commençait par un enfant, une petite fille brune qui ne ressemblait ni à mon frère, ni à moi. Je me mettais à lui sourire car elle, souriait fort. C'était le genre de sourire que je m'imaginais faire enfant, même lorsque je tombais a roller et que ça m'arrachait toujours un rictus.

Un homme coupé au niveau du buste arriva dans le champ, la fille pré pubère assise sur le lit, lui attrapant le haut de son crâne pour la frotter à son sexe tout juste sorti de son pantalon.

- Mais pourquoi tu me montres ça ?! Je criais d'horreur en essayant de me cacher les yeux à moitié pour éteindre la télévision, terrorisée par la vision que je venais d'avoir, n'ayant pour unique souhait que ce soit une illusion.

- Parce que c'est papa.

💋

𝗷𝘂𝗹𝗶𝗲𝗻𝘥𝘢𝘮𝘴𝘰

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𝗷𝘂𝗹𝗶𝗲𝗻
𝘥𝘢𝘮𝘴𝘰

🎶 julien c'est ton voisin, julien c'est ton mari,
julien c'est sûrement l'autre,
julien c'est sûrement lui,
caméléon dans la nature
en costume cravate
dans un bureau sans vie... 🎶

nova (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant