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SIRIUS
PARIS , OBSERVATOIRE

-08:17-
-03 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

Au final, c'était elle qui avait fini par pleurer. Un peu devant lui, beaucoup avec elle-même. Elle avait fini par accepter ses propres larmes: un peu de joie, un peu de haine.

Elle n'avait pas eu à plonger sa tête dans l'eau, crier, ou bien même dessiner pour défouler sa rancoeur qu'elle avait contre les autres. D'une manière inexplicable, Ken avait atténué son malheur, pour accentuer son bonheur.

Mais elle mentirait si elle vous disait que ça ne lui faisait pas peur.

Ça l'effrayait. Jusqu'à lui donner de multiples frissons. Elle aimait finalement être pervertie par la société, se forcer à porter un masque pour leur plaire. Mais devant Ken, elle s'était mise à nue.

La nuit qui avait suivi, elle n'avait pas réussi à dormir. Sa mère était venue de bonne heure dans sa chambre la surprendre avec un bisou sur le front pour la réveiller, et lui prévenir du départ dans l'heure qui découlait.

En temps normal, elle aurait été heureuse. Deux semaines sans la présence de son paternel, le retour du champ de blé de Ulysse et Céleste. C'était leur petit jardin secret qu'ils avaient trouvé à dix minutes en vélo du domicile de leurs grands-parents. Eux vivaient dans une très belle maison sur trois étages, des petites pièces, mais suffisantes. Mais plus les années passaient, plus la maison rétrécissait aux yeux de Céleste.

- Bien réveillée ? Lui demandait son frère en la croisant dans le couloir. Elle laissa ses cernes et son visage bouffi lui répondre en se dirigeant vers la cuisine pour attraper le paquet de biscottes, et en mettre quatre dans le grille-pain. Deux pour la blonde, deux pour le blond.

- Contente de partir ?

- Bof.

- Ah ouais ?

- Ouais j'sais pas, cette année j'sens l'ambiance là-bas elle va être chelou.

À toutes les vacances où ils se rendaient dans la région, les deux retrouvaient le groupe d'amis qu'ils avaient gardé depuis qu'on leur avait apprit à marcher. C'était comme ça qu'ils avaient apprit un peu d'italien, en complément des cours au lycée.

- Toi tu t'en fous, dans tous les cas tu vas retrouver Giu', reprit-elle en attrapant un couteau dans le tiroir pour étaler sa confiture.

- Apparement elle s'est trouvée un mec.

Céleste fronça les sourcils en remarquant que son frère avait l'air aussi content de partir d'ici qu'elle. Au moins, ils étaient pourvus du même optimisme.

Giulia c'était la fille pour qui Ulysse avait toujours eu un béguin. Blonde, comme lui, un peu à l'ouest, comme lui. Il en venait même à être persuadé qu'elle était son âme soeur, mais la quelque centaine de kilomètres qui les séparaient avaient décidé de leur fatalité. Et il n'avait jamais eu la force de lui avouer.

- Comment tu sais ça ?

- C'est son frère qui m'a dit.

Ils mangèrent leur petit-déjeuner chacun de leur côté, Ulysse aspirait à faire semblant de regarder les magnets collés au frigo, et Céleste était perdue dans l'air de ses pensées qui concernait tout ce qui était trouble dans sa situation actuelle.

- Vous foutez quoi là ? Allez on s'active, le taxi sera là dans vingt-minutes ! Se précipitait leur mère en rentrant dans la cuisine pour lancer la machine à café.

Ils se dirigèrent tous les deux en râlant vers la salle de bain après avoir rangé leurs assiettes respectives dans le lave-vaisselle.

Même cette stupide vasque dans sa salle de bain allait lui manquer. Elle représentait son échappatoire, son seul et unique moyen de détresse. La seule sur qui elle avait pu compter, tant sa superficialité n'était à craindre.

Céleste se pressa pour enfiler en vitesse une tenue qu'elle avait mise de côté en préparant sa valise, traîna des pieds jusqu'à l'entrée où sa mère les attendait, assise sur la banquette en dessous du portrait colossal de son grand-père.

Si il y avait bien une chose qui la rassurait, c'était savoir que ces multiples tableaux se trouveraient loin d'elle une fois en Toscane.

Aussi loin que Ken.

- Allez, dépêchez vous, il est en bas ! Ulysse, fais descendre les valises dans l'ascenseur s'il te plaît ! Cria sa mère à travers l'appartement, légèrement paniquée comme à son habitude quand il s'agissait de s'organiser sans son mari. Elle savait très bien que c'était mal, de dépendre d'une personne, et peut-être était-ce de sa faute si Céleste en prenait inconsciemment l'exemple.

Le trajet en taxi fut morose.
L'arrivée à l'aéroport fut cruelle.
Et l'attente jusqu'à mettre les deux pieds dans l'avion fut d'autant plus insoutenable.

Elle qui rêvait en permanence s'était imaginée lâcher le poids lourd sur son épaule qui lui servait de sac au sol, puis courir jusqu'à chez Ken pour l'embrasser.

Et au lieu de provoquer chez elle de la mélancolie profonde ou du blues, elle fut paralysée par une sensation étrange au moment de s'asseoir à son siège, près du hublot.

C'est une fois que l'avion s'éleva à quelques centimètres du sol qu'elle fut frappée une seconde fois par cette sensation, plus si étrange qu'elle le paraissait, car elle su poser un mot sur son ascendance: elle était devenue prisonnière.

Elle semblait heureuse. Et pourtant, elle avait pleuré.

💋

fin de la partie une.

nova (nekfeu)Kde žijí příběhy. Začni objevovat