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SIRIUS
PARIS , PONT MIRABEAU

-22:17-
-08 j u i l l e t d e u x - m i l l e s s e p t-

Parfois j'ose, parfois j'ose pas.

La plupart du temps, j'ose pas.

- Mais si, tu peux l'faire.

- Ça me dégoûte.

Il attrapa ma main vivement pour me ramener près de lui en mettant sa cigarette entre mes lèvres, recouvertes d'un rouge carmin.

- Mais c'est dégueu, j'suis sure que y'a des corps qui flottent là-dedans, j'vais attraper la lèpre.

- On le fait tout le temps avec Vic', si t'y vas, j'y vais.

- Vous me dégoûtez, claqua-je en croisant les bras. Pourquoi tu veux faire ça même ?

- J'ai chaud.

- Y'a que d'la pisse dedans Ken.

- Juste tes pieds alors.

Je fis mine d'hésiter en retirant ma paire de basket, l'air boudeuse, n'ayant aucune envie de tremper mes pieds dans la Seine.

- Piscine naturelle, reprit-il en retirant son t-shirt ainsi que son jean pour se mettre en caleçon devant mes yeux vagabonds.

- Plus jamais j'te touche après ça.

- Fais pas ta mauviette, Vic' elle le fait en sautant du quai carrément.

- Mais j'suis pas Vic', souffla-je face à la comparaison entre moi et l'intrépide.

Elle était tout. L'éloquence, la beauté, le sourire permanent, le courage, tandis que je n'étais que la pluie, le désespoir, la défunte, l'esclave d'elle-même.

- T'es mieux que ça, rajouta-t-il en m'entraînant vers les marches en pierre, à moitié noyées dans le courant du fleuve.

Je jetais notre mégot sans l'éteindre avant de descendre, méprisant la couleur de l'eau qui ne m'inspirait rien si ce n'était une marche arrière.

Ose. C'est ce que Julie me dit tout le temps, d'oser. De paraître, pour enfin y parvenir. Si on se laissait croire que ce n'était rien, ce rien parviendrait à la vraie signification du terme dans nos pensées.

Je descendais sur les marches humides, alors que Ken lui avait déjà les pieds dans l'eau, tournant son buste vers moi pour me regarder descendre lentement.

- Allez, tu vas voir c'est rien, l'eau elle est bonne.

Je lâchais sa main après quelques secondes d'hésitation pour remonter sur les quais en panique, tant je me sentais faible d'esprit de me sentir incapable de commettre un acte que j'avais eu l'habitude de mépriser.

Parfois j'ose, parfois j'ose pas.

La plupart du temps, j'ose pas.

Mais il y aura toujours des ultimes instants, minimes de mon existence où je finirais par oser.

Alors je retirais mon haut qui me collait à la peau ainsi que ma jupe pour me retrouver comme lui, en sous-vêtements.

Ken écarquilla les yeux comme un père fier des exploits de son enfant, des yeux que j'avais eu l'occasion de voir chez ceux de mon père quand j'avais réussis à faire une ligne droite sans perdre l'équilibre sur mes rollers.

- Piscine naturelle, ria-je en rattrapant la main qu'il me tendait pour rejoindre la marche où ses pieds étaient plantés.

On descendit deux nouveaux grades pour que Ken se laisse finalement tomber dans l'eau avant moi, avec un mouvement de brasse pour ne pas couler.

- Tu peux le faire ?

J'acquiesçais en accrochant mes cheveux en un chignon haut pour ne pas les mouiller, puis faisais les mêmes mouvements que lui afin d'atteindre son niveau.

- Fais gaffe au courant.

Il attrapa mes deux mains sous l'eau pour ne pas qu'il m'emporte en les plaçant au dessus de ses épaules, entourant sa nuque.

Machinalement, je faisais le même geste en entourant mes jambes autour de son torse pour me rapprocher de lui, et déposer mon souffle sur son visage.

Parfois j'ose, parfois j'ose pas.

La plupart du temps, j'ose pas.

Et tout le temps, j'attends que celui d'en face ose ce que je n'oserais pas.

Il ne me quittait pas des yeux comme si il essayait de déchiffrer leurs moindre attraits, leurs exacte couleur, la distance entre mon iris et sa pupille. Il était la seule personne pour qui ce regard n'était pas insistant, déplaisant, maladroit ou bien cruel. Il était le seul être humain que j'autorisais sans dévier mon regard à me transpercer pareillement, pour qui j'insistais qu'il ne les quitte jamais, qu'il devienne aveugle à force de fixer toujours le même objectif au coin de sa lucarne.

- Pourquoi tu me regardes comme ça ? Me moqua-je en frappant le silence de mes cordes vocales.

Il plaça sa main hésitante à l'arrière de mon cou en logeant son pouce sous mon oreille, puis venait inopinément rapprocher son visage du mien, doucement, dangereusement, accélérant la cadence de mon rythme cardiaque.

Parfois j'ose, parfois j'ose pas.

La plupart du temps, j'ose pas.

Mais dans ces ultimes instants, raréfiés de mon existence, j'aurais tout fait pour oser.

Je collais mon pouce en dessous de son menton pour contrôler son visage et attraper entre mes dents sa lèvre supérieure.

Il ne suffisait de rien pour oser.

Ken attrapa ma lèvre inférieure pour la plaquer contre les siennes avec une fugace, un désir que je n'avais jamais vu chez quiconque. C'était spécial, si le mot était adéquat. Un étrange mélange de subtilité et d'amertume, un échange que j'avais l'impression n'avait marqué aucun départ, aucune finalité. Un cercle qui laissait passer le déluge et la tempête autour de nous sans nous extirper un bout de chair, protégés par la bulle que nos liaisons physiques provoquaient autour de nous.

Et même si il se reculait pour récupérer un morceau d'air en lâchant un morceau d'ailes et d'elles, j'étais bloquée dans l'ère infinie de notre intimité.

Je laissais ma trace rouge autour de ses lèvres, comme si notre connexion tissaient les lambeaux de ma nouvelle fresque.

💋
enfin wsh c'est pas trop tôt

ça me dégoûte jpp les enfants reproduisez pas ça chez vous svp, vous allez attraper des maladies qui existent plus à vous tremper dans des fleuves douteux

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now