12

1.1K 49 30
                                    


CÉLESTE
PARIS , OBSERVATOIRE

-20:36-
-29 j u i n d e u x - m i l l e s s e p t-

- Alors cette journée ?

Mon père prétendait s'intéresser à ma vie en enfonçant sa portion de tartare dans sa bouche, ne daignant même pas me regarder lorsqu'il me posait la question.

- Bien.

-T'as fais quoi ?, Enchaîna-t-il.

J'ai fait tout ce que tu m'aurais interdit de faire, papa. Prendre le métro, fréquenter un garçon que tu ne connaissais pas, trainer chez les pauvres, manger de la nourriture dans un restaurant méprisable, continuer à fréquenter ce garçon, visiter la ville à ses côtés, me rapprocher de trop près de la seine, m'éloigner le plus de toi.

Et si je t'avais dis tout ça, tu aurais pensé que ce n'était encore qu'un caprice de gamine gâtée qui n'était qu'en quête d'adrénaline, que la faute était facilement remise sur mon adolescence, que je ne cherchais qu'à tester mes limites, et que tout ça n'était qu'éphémère, n'était qu'une « mauvaise passe ».

Mais ce n'était pas tant le fait de traîner avec des « moins que rien » comme tu le disais si bien qui m'excitait, mais c'était les activités qu'ils faisaient entre eux qui me rendait dingue. Ils avaient réussit à chasser l'ennui de leur quotidien, en faisant de leur possible pour toujours avoir une activité, toujours savoir quoi faire.

Ce n'était plus juste s'asseoir sur un des bancs du parc à parler-sans se parler-de sujets qui ne menaient à rien si ce n'était la perte de temps.

- Rien, j'ai juste vu Béatrice. C'est tout, me résigna-je à mentir.

- Et toi Ulysse ?

- J'étais avec Hugo.

Ce prénom m'arracha un sourire, un couteau dans le dos, une pensée lugubre, jusqu'à sans m'en rendre compte planter les pointes de ma fourchette rageusement dans ma langue.

- Qu'est ce qui t'arrives Céleste ?, Répondit ma mère en me voyant presque déglutir ce que j'avais avaler.

- Rien rien, j'ai juste avalé de travers.

- Je l'aime pas beaucoup moi, ce garçon.

- Tu dis juste ça parce qu'il a redoublé.

Je connaissais la suite de la conversation par coeur, et je n'attendais plus que les aiguilles de l'horloge pour venir me sauver de ces désastreux diners de famille imposés, comme si c'était leur seul moyen de se déculpabiliser.

- Non, il me parait juste instable.

On est tous instables autour de cette table, pourtant.
On est tous instables dans ces rues, dans ces bureaux, dans ces villes qui laissent nos âmes en peine.
Rien à faire pour nous sauver, si ce n'était faire la queue, acquiescer aux moindres contraintes imposées, baisser la tête pour s'enfoncer encore plus que nos pieds le sont déjà.

On aurait pu l'expliquer par l'instabilité de notre planète fondue au milieu des étoiles. Si nos pieds se posaient déjà sur une terre instable, il n'y avait pas de raison pour qu'elle en soit la cause.

Pour éviter cette discussion au goût morose, j'attrapais mon téléphone coincé entre mes cuisses en dirigeant les touches du clapet vers mon contact le plus récent pour en commencer une autre.

nova (nekfeu)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant