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SIRIUS
PITIGLIANO, MAISON DE MAMIE

-18:40-
-08 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

- Ton père a appelé d'ailleurs tout à l'heure quand tu étais dehors, il m'a dit qu'il était énervé que tu répondes jamais à ses messages.

Céleste remuait sa fourchette dans son plat en étant coupée par toute envie de manger quoi que ce soit après l'évocation de ces mots: ton père.

- Apparement tous les bouquins qu'il t'as acheté pour que tu te prépares à la rentrée sont encore sur ton bureau.

Il arrivait parfois que les privilèges dans lesquels Céleste avait grandit jouent sur ses actions. Dans tous les cas, elle allait toucher de l'argent sur celui de son père. Ce n'était pas une note qui allait décider de son niveau de langue qu'elle considérait maitriser à la perfection. Et pourtant, prendre ses privilèges pour acquérir tout ce qu'elle souhaitait ne faisait pas parti de la longue liste de choses dont elle se sentait coupable.

Mais en regardant son frère, elle se sentait coupable. Elle avait été tellement obnubilée par sa propre vie et ses propres ennuis qu'elle avait oublié de remplir sa tâche comme Ulysse l'avait toujours fait. La vie qu'il aurait aimé mené loin de son père et son entreprise avait coulé.

Prépa, école de commerce, tout ce qu'il détestait et pourtant, son père en avait décidé à sa place, parce qu'Ulysse lui même ne savait pas où se placer. Il avait été admit dans une bonne école préparatoire grâce à son carnet de contact, ça le rendait encore plus fou, encore plus morne.

Et Céleste n'avait même pas prêté attention à ses sentiments alors qu'elle était bien avertie du poids de ce bagage sur Ulysse.

- Tu connais la date de ta rentrée au moins Céleste ? Perdue dans ses pensées, elle ne répondit point. Allô, Céleste ?

- Elle est dans la lune, laisse tomber.

- Moi je la comprends ma petite-fille. Faut bien que quelqu'un dans votre famille lui désobéisse, acquiesçait sa grand-mère qui n'avait jamais consenti à ce mariage. Sa fille à elle s'était éteinte dès le jour où elle avait accepté de le prendre pour époux, c'était bien la raison principale après le manque de temps de son absence dans cette maison. Tout le monde s'éteignait une fois qu'il était dans les parages, sauf les enfants en bas âge avec qui il se débrouillait à merveille. Et la grand-mère de Céleste le détestait encore plus pour ça, voir des mômes débordant d'innocence si bien s'entendre avec une terreur pareille.

- Mamma, laisse-le tranquille s'il te plait t'as jamais cherché à le connaître, rajoutait sa mère.

- Pour des raisons qui me semblent évidentes. L'argent change les gens, crois-moi sur parole Erica.

Le grand-père assit en bout de table ne parlait pas. Il ne considérait pas avoir sa place dans ce débat. Certes, l'amour qu'il lui portait était subjectif mais ce n'était pas pour autant que ses sentiments manifestaient de la haine. Tant que sa fille et ses enfants étaient heureux, lui-même était heureux.

- C'est tellement paisible ici, souriait Erica après un lourd silence. Elle regrettait de ne pas avoir grandit petite dans ce village, ou même de ne pas avoir fait grandir les siens dans celui-ci. Elle avait grandit dans le sud de la France près de Toulon dans un environnement modeste. Elle n'avait jamais manqué de rien, puis elle avait rencontré ce qui deviendra son mari et cet argent qui coulait à flot à ses pieds lui avait donné l'impression de manquer de tout. Elle voulait toujours plus pour se satisfaire, elle rêvait d'une famille parfaite, mais la seule qui existait était le tableau d'eux dans leur salon à Paris.

- On peut sortir de table ? Se résignait Céleste pour prononcer ses premières paroles depuis le début du repas.

- Y'a encore le dessert ma puce, attends un peu.

- Ouais, mais j'dois sortir à dix-neuf heures.

- Tu vas où ? Répondait Ulysse en fronçant les sourcils. Il n'était plus au courant de rien dans sa vie autant qu'elle n'était plus au courant de rien dans la sienne. Elle ignorait qu'il avait eu une discussion avec Giulia, qu'ils avaient échangé leur second baiser quatre ans plus tard.

La relation de Giulia et Ulysse avait toujours été tumultueuse, et même à Paris, toutes l'année, même entre le soleil et la neige, il pensait à elle. Il n'avait jamais cessé de penser à elle, mais n'avait jamais eu le courage de lui avouer ses sentiments. Il préférait se dire que leur relation était une coquille vide, qu'elle se limitait à un « peut-être ». Il craignait l'abandon et la fatalité du coeur brisé.

Mais voilà, elle avait trouvé l'amour ailleurs. Il n'avait pas réussi à l'accepter. La seule fois où ils s'étaient embrassés, il fallait remonter quatre ans dans le temps lors d'une soirée où l'alcool avait coulé à flot. Giulia avait l'habitude d'embrasser des garçons en soirée, et le lendemain, elle avait agit comme si ce baiser n'avait aucune portée. Et quatre ans plus tard, dans cette chambre aux murs blancs, il avait cogité. Il l'avait appelé minuit passé, il savait qu'elle répondrait. Tous les ans ils se retrouvaient dans le champ sous la belle étoile à rattraper l'année qu'ils avaient manqué, et chaque année, rien ne changeait.

Et même si elle était en couple, que le lendemain elle se retrouverait dans les bras d'un autre, il avait prit le courage de lui voler ses lèvres. Elle y avait répondu. Giulia aussi l'aimait, c'était le genre d'amour qui ne trompait pas, seulement elle n'avait pas la force d'entretenir une relation à des kilomètres de distance, se voiler la face paraissait plus sage.

- Je vais voir Milo, tu sais, le mec qu'on avait vu la dernière fois.

Il fronçait une nouvelle fois les sourcils. Connaissant Céleste, elle avait toujours été capable du pire. Au gala, quand il s'était retrouvé seul sur la terrasse avec le dénommé Ken, il lui avait demandé si ils étaient en couple. Il avait simplement répondu par un « oui ».

La pâleur de la peau nivéene de sa sœur était loin d'être la réplique parfaite de son dossier: loin d'être vierge, loin d'être céleste.

💋

il y a eu un double update la semaine dernière, soyez sûrs d'avoir lu les chapitres précédents !

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now