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SIRIUS
PARIS, JAVEL

-16:22-
-08 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

Il savait qu'en frappant le plus fort possible dans le visage de l'autre garçon affaibli sur le sol rien n'allait faire revenir Céleste plus rapidement. Il le frappait seulement parce qu'il avait envie, parce qu'il l'avait cherché, parce qu'elle était loin de lui, et qu'il y avait tout pour lui rappeler ses vieux démons.

Mais ils avaient tous refait surface, d'un coup, alors qu'il pensait les avoir banni de la terre sacrée qu'était son corps depuis qu'il l'avait rencontrée, elle. C'était triste à regarder, deux miroirs, l'un en face, l'autre ne reflétant rien hormis l'obscurité. Ils étaient devenus l'addiction de l'autre, incapable de retenir le bonheur qui se trouvait dans ce reflet, trop aveuglés par l'autre miroir.

Alors il continuait à le ruer de coup, il n'aimait pas forcément faire ça, ce n'était pas son style, mais pourtant il le faisait. Les deux raisons pour lesquelles il agissait de la sorte penchaient entre le désir de l'acceptation de l'autre, et le désir d'évacuer sa peine. Ken entendait bien les hurlements de Victoire derrière lui qui tentait de les séparer, mais il savait qu'il n'y avait rien à faire. Ce n'était pas sa première bagarre.

Victoire n'avait jamais compris pourquoi Ken agissait comme ça, celui en qui elle voyait une lueur flamboyante qui frappait sans peine dans la figure d'un garçon qui ne méritait pas son attention. Il était tout à ses yeux, jusqu'à presque être sa raison de vivre, paradoxal de car c'était en très grande partie de sa faute qu'elle n'arrivait plus à se faire avaler quoi que ce soit. Elle voulait être belle, fine, comme Céleste. Il les aimait comme ça, qu'il l'admette ou non. Elle pensait qu'il aimerait voir ses côtes la transpercer, l'affaiblir, lui donner des étourdissements, de la fatigue, qu'il aimerait la voir surveiller son poids autant qu'il aimerait la voir surveiller les calories.

- Ken, arrête ! Arrête ! Elle criait de plus belle en voyant des larmes sur ses joues. Qu'est-ce qu'elle aurait aimé ne pas l'aimer. Mais les scénarios juste avant qu'elle se couche du parfait couple qu'ils pourraient former, du discours qu'il lui ferait devant l'autel, des prénoms de leurs enfants qu'ils auraient décidé ensemble lui faisaient se répéter qu'il fallait qu'elle s'accroche à Victoire Samaras, la femme qu'elle rêvait d'être. La sienne, au fond.

Mais lui, il devait très certainement penser que Céleste Samaras sonnait mieux à son oreille. Il avait dix-sept ans, ne la connaissait que depuis 56 jours, 38 jours ouvrés, 16 jours de week-end et pourtant, il s'imaginait déjà l'image de la brune dans sa robe blanche à longue traîne.

Il n'était jamais tombé amoureux. Il craignait un peu l'amour avant, il avait toujours eu peur d'échouer dans l'inconnu. Mais il pensait avoir réussi en décrochant la plus belle femme à ses yeux. Même sa meilleure amie Jeanne était loin de rivaliser à ce charme, elle qui pourtant avait tous les garçons à ses pieds. Sauf Ken.

- Ken arrête putain ! Tu veux pas m'aider toi là à les séparer au lieu de crier ?!, elle hurlait sur un garçon à côté d'elle qui fut non pas effrayé par ses halètements semblables à ceux d'un caniche, mais plutôt par son mascara qui avait laissé des traces sur ses cernes.

Victoire était essoufflée. Elle n'avait avalé qu'une pomme et de l'eau en trente-six heures, tenait à peine debout, et devoir séparer deux bêtes de foires avec ses pauvres bras n'étaient pas à la hauteur de sa force. Seulement, elle s'en fichait complètement de savoir si son régime alimentaire était inquiétant, elle voulait simplement se cacher car Ken allait la trouver laide avec ces cercles noirs autour de ses yeux.

Et il n'y avait rien de plus destructeur que son regard. En l'entendant pleurnicher, Ken jeta un coup d'œil furtif à Victoire entre deux coup le nez ensanglanté, n'ayant aucune culpabilité pour cette fille qui pleurait pour sa peau.

- Ken, arrête, j'ten supplie.. Elle avait la tête qui tournait entre les larmes et les cris de la horde autour d'elle qui voulait savoir qui mettrait l'autre à mort avant le second. Elle avait bien compris qu'il n'arrêterait jamais de se battre pour elle. Pourtant, il l'avait bien fait pour elle.

Victoire recouvrit chacune de ses oreilles à l'aide de la paume de ses deux mains en pleurant à l'excès, elle ne souhaitait pas entendre non plus les remarques misogynes des garçons derrière elle qui se demandait ce qu'une pucelle faisait là à pleurnicher. Ken n'en pouvait plus de l'entendre pleurer à deux centimètres de son oreille, il perdait en crédibilité parce que la seule personne qui le soutenait dans cette meute, c'était elle.

Victoire sentait qu'elle commençait à perdre de sa force en entendant un sifflement dans ses oreilles, qu'elle allait s'écrouler par terre si ce cauchemar ne s'arrêtait pas. Alors qu'elle avait les yeux fermés, elle entendit une voix grave étrangère face à elle qui criait à son tour pour séparer les gamins. En ouvrant les yeux, c'était un vieil homme qui avait éloigné l'attroupement de la bagarre.

Elle souffla. C'était terminé. Le cauchemar grandeur nature s'était terminé.

Le brun ensanglanté se releva avec peine en bousculant de l'épaule Victoire pour se diriger vers une rue moins sombre, moins abritée. Sans réfléchir, elle le poursuivi en braillant son prénom pour finalement le rattraper et lui aligner les deux phrases que pour rien au monde il ne voulait entendre.

- Céleste elle est au courant de tout ça ? Tu crois qu'elle connaît cette partie d'toi ?

Il respira un bon coup, presque prêt à lui enfoncer son poing dans sa figure massacrée par son maquillage qui avait suinté. Au final, il se décida à lui souffler sur le visage ces quelques mots, ces quelques mots destructeurs. Victoire les appelait les ouragans.

- Vas t'faire foutre Vic'.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now