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SIRIUS
PARIS , OBSERVATOIRE

-11:42-
-25 j u i n d e u x - m i l l e s s e p t-

Pour la première fois, Céleste avait envie de poser ses pieds sur son parquet, se brosser les dents, se laver le visage, mettre un peu de mascara et un fini poudré au dessus de ses paupières, enfiler une de ses tenues qu'elle ne mettait jamais mais qui traînait au fond de son placard, et sortir faire quelque chose de sa vie en ce début d'été.

Alors elle toqua à la porte de la chambre de son grand frère, Ulysse, la seule personne sur cette terre pour qui elle avait donné l'intégralité de son respect.

- Réveille-toi, j'te paie à graille.

En ouvrant ses yeux, il vit sa sœur vêtue d'une tenue qu'il ne l'aurait jamais cru capable de mettre : si ce n'était pas des robes moulantes, c'était des énormes sweat-shirt dissimulant toute sa chair.

- Y'a un truc qui t'es tombé sur la tête ?

- Habille-toi vite sinon c'est toi qui paie, laissa-t-elle comprendre à son frère en quittant la pièce, souriante. C'était une remarque stupide, ils partageaient le même argent, provenant du même compte en banque.

Elle avançait pièce par pièce dans son appartement en touchant avec le bout de ses doigts chaque meuble, collant à la pointe les poussières de ces derniers qui n'avaient, pour la plupart, pas fait usage depuis leur acquisition. Sa mère avait bon goût, mais tout ce qu'elle savait faire pour se consoler, c'était acheter de manière compulsive, remplir ses pièces à chaque saison, vider à la prochaine et recommencer une fois l'année passée.

Mais sa mère avait bon goût, alors Céleste ne disait rien, elle la laissait envahir l'appartement de meubles superflus. Si il y avait bien une chose que son père avait su faire à ses yeux, c'était épouser la femme parfaite. Ternie, certes, par la présence d'un monstre. Il avait encadré à côté de la salle faisant office de bureau le classement de Challenge, où son patronyme était situé au milieu de noms particulièrement notables. Céleste ne le trouvait pas monstrueux parce qu'il gagnait de l'argent, au contraire, c'était peut-être même la seule et unique raison pour laquelle elle l'aimait, elle le trouvait monstrueux parce qu'il voulait son bien, et quand on voulait son bien, Céleste ne pouvait s'empêcher de voir le mal.

Son frère actionnait la poignée de sa chambre pendant qu'elle fixait le cadre en métal noir qu'elle se voyait bien le jour de ses dix-huit ans faire tomber au sol, rien que pour observer les brisures de verre s'écraser contre le parquet. Quand il la vit, il fut forcé de trouver un moyen pour l'en l'éloigner.

- Tu m'emmènes où ?

Elle sursauta à l'entente de ces quelques mots.

- J'sais pas, mais un truc sympa vers Saint-Michel.

Il acquiesça avant de marcher, sa petite sœur dans ses bras.


- T'as quand les résultats du bac ?

- Dans une semaine. Elle souffla. Et toi ?

- Pareil.

Elle piqua sa fourchette dans le bout de butter chicken curry en gonflant ses yeux. Céleste sentait la jambe d'Ulysse trembler sous la table, il avait toujours été d'origine anxieuse. Elle était persuadée que ça coulait dans les veines.

- Ça va aller. Papa il aura rien à dire là dessus, j'suis sûre que t'as géré ! Elle n'en pensait pas un mot, mais Ulysse remarquait toujours quand Céleste lui mentait.

- Pas trop hein..

- Mais t'as bossé pour ! Tu l'auras, ton bac, elle attrapa sa main posée sur la table en la caressant. Et au pire j'suis là pour tes arrières, il va rien faire.

- Ouais c'est sûr qu'il t'diras jamais rien à toi, Ulysse souffla, Céleste leva les yeux au ciel.

- Tu mens, il m'engueule tout l'temps.

- Bah si tu faisais plus gaffe à où tu rangeais tes clopes Céleste au lieu de les étaler sur ton lit, il ricanait en volant du riz dans l'assiette de sa sœur, la sienne étant déjà vide.

- Il a qu'à pas rentrer dans ma chambre, elle arqua un sourcil.

Le restant du samedi ensoleillé fut consacré à la recherche effrénée de vêtements pour la garde robe de Céleste, et une glace au chocolat chez un glacier de Notre-Dame, qui avait terminé sur le bout du nez de la blonde.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now