36

598 29 22
                                    

CÉLESTE
PITIGLIANO, LA PRAIRIE

-23:31-
-11 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

- Il est où Ulysse ? Se demandait Giulia en s'asseyant discrètement, tout en regardant de droite à gauche.

On était tous assis en cercle par terre sur l'herbe fraîche d'une prairie, pas très loin de chez Milo. Chacun se passait le joint après trois taffes consécutives, hormis Dario qui ne fumait pas.

- Il est reparti à Paris.

Giulia haussait les sourcils, manquant presque de s'étouffer avec la fumée du joint qu'elle avait volé des mains de Lucia.

- Quand ça ? Et il nous a rien dit ?

- Avant-hier matin, il avait un imprévu avec mon père qu'il devait régler, mentais-je comme il m'avait demandé de le faire sans trop me donner de raison particulière. Je savais que cette année pour lui était différente. Mais j'aurais jamais cru au point de se réfugier dans les bras de notre mère. On ne lui disait presque rien, après tout, rien ne nous liait à part le sang qui coulait dans nos veines.

- Juste un imprévu ?

- Ouais, de ce qu'il m'a dit.

Elle hocha la tête en la posant sur l'épaule de son copain que je n'avais jamais cherché à connaître. Je savais que Ulysse aimait Giulia. Je savais que Giulia aimait Ulysse. Mais ils étaient tombés amoureux l'un de l'autre au mauvais moment, et surtout, au mauvais endroit.

Le joint m'arrivait aux lèvres et je le coinçais entre celles de Milo, lui offrant mon tour. Je ne l'avais pas quitté des yeux depuis le début de la soirée en essayant pourtant d'esquiver son regard, et lui non plus ne l'avait pas lâché. On prétendait ne pas si bien se connaître auprès des autres, mais en vérité, je lui avais plus appris sur moi que moi-même je ne savais. C'était si simple avec lui, de l'amitié qui avait failli plusieurs fois effleurer la bouche, mais que j'avais toujours nié pour Ken.

Hier soir, une fois que j'étais sortie de table seule au milieu de mes grands-parents et de ma mère, j'ai manqué notre balade du soir habituelle avec Milo pour aller me reposer. La veille avait été déjà bien trop éprouvante.

Hier soir, j'ai fais un cauchemar.

J'ai rêvé de Ken. J'ai rêvé de Milo. Et j'ai cauchemardé de moi.

J'ai rêvé de la toute première soirée que Ken et moi avions passé ensemble. Et puis de toutes celles qui ont suivi. Toutes celles où malgré le silence qui dérobait notre amour, les mots n'avaient plus aucune valeur. C'était juste lui et moi qui comptait.
Et je me suis sentie stupide, stupide d'avoir négligé ce qui nous représentait. Il n'y avait pas grande représentation, ni de grands discours, nous n'avions pas besoin de connaître le chiffre porte bonheur de l'autre pour savoir que nos astres se complétaient.

Et puis, j'ai rêvé de Milo. C'était si humain, si naturel, atrocement sincère que j'y ai voulu me faire du mal. Avec Milo, c'était des mots, des regards, des cœurs ouverts. Je lui avais ouvert ma porte, je n'avais laissé aucun trou béant entre lui et moi. Je lui avais parlé de mes craintes, de mes faiblesses, de choses que je serais presque incapable de formuler pour les retranscrire à Jeanne. Elle me comprenait, elle me lisait, mais je lisais dans ses pupilles qu'elle attendait que je lui dise: « Je vais mal ».

- Ça va Céleste ? Me chuchotait Milo dans l'oreille, presque inquiet de me voir perdue dans mes pensées. J'essayais pourtant de le faire sortir de ma vie, mais je m'étais quand même assise à côté de lui, j'avais quand même posé ma tête sur son épaule, il avait quand même enroulé son bras autour de mon cou.

Anna était toujours la première à me lancer des regards aguicheurs, comme si elle n'attendait qu'un baiser de notre part. Je lui faisais toujours des gros yeux, et de là, elle comprenait que ce n'était qu'une amitié.

Rien de plus.

Pourtant, il était devenu la cible de mes carnets de dessin. Il hantait mes pages vierges, toujours annotées d'une description. C'était mon journal intime à ma manière, je dessinais ce que j'aimais, j'écrivais le maximum de mots pour me rappeler des beaux jours pendant ceux où j'aurais ma tête plongée dans une vasque.

- Pas vraiment, je lui répondais avec un décalage.

- Viens, j'te raccompagne chez toi.

J'acquiesçais sans trop me poser de question en prenant chacun de mes amis dans les bras pour leur dire au revoir. Je savais que la plupart trouvaient étrange cette proximité entre Milo et moi alors qu'on agissait devant eux comme deux piètres inconnus. Mais eux répondaient à nos mensonges avec respect, après tout, tout le monde avait le droit à ses secrets.

Il grimpa sur son vélo en premier, et roulait côte à côte du mien en jouant parfois un peu avec moi. Je me sentais vivante avec lui. Et avec Ken, je me sentais différente.

- Qu'est-c'qui va pas ? Il ralentissait pour s'arrêter au niveau d'un champ abrité. Il n'y avait que ça ici, de l'herbe, des arbres, des reliefs montagneux et des lacs.

Je m'allumais une cigarette en lui en sortant une de mon paquet, et m'asseyais en tailleurs entre les épis de blé mal élagués. Puis en fermant les yeux, je posais ma tête sur ses genoux en condamnant les étoiles.

- J'ai pas envie de revenir à Paris.

- Pourquoi ? Il me souriait.

- J'suis pas comme ça à Paris, crois-moi, riais-je en tirant une taffe sur ma clope, toujours les yeux fermés.

- Pourquoi ?

Je soufflais à sa question que j'aurais trouvé stupide avant. Personne n'avait l'audace de me demander pourquoi, de me questionner, les gens acquiesçaient à mes dires sans broncher. Ils avaient peur de briser le vase en porcelaine.

- Même quand j'ai voulu être heureuse, j'me suis toujours rendue compte que c'était qu'une illusion. J'ai toujours un peu été dans l'ombre de mes amies, de ma meilleure amie. Je l'ai toujours accepté, pourtant. Mais j'ai l'impression qu'on me perçoit comme un objet plus que comme une personne, parce que je réagis jamais, parce que je les effraie, apparemment.

- T'es loin d'être effrayante à mes yeux.

J'ouvrais les miens en amoindrissant bêtement toute tentative de modération, c'était presque comme si il sortait tout droit de ces illusions que je m'étais créé.

Et au plus profond de moi, mon pire cauchemar.

Milo approchait son visage du mien en déposant son pouce sur ma joue, me fixait longuement en hésitant à heurter ses lèvres contre les miennes. Lentement, il approchaient son front pour le coller à celui face à lui, approchait ses lèvres pour les effleurer à celles face à lui.

Désillusion. Ken.

Avant qu'il n'ait le temps de les sceller complètement, je retirais mon visage du sien ainsi que le dos de ma tête contre ses genoux, regardait autour de moi terrorisée par l'idée de savoir ce qu'il se passerait si jamais je l'embrassais.

- J'suis désolée Milo.

Il se relevait rapidement en voyant que je m'agrippait au guidon de mon vélo en criant mon prénom, qui n'avait aucune raisonnance à cause de l'écart entre mon vélo et lui qui n'arriverait jamais à soutenir le rythme effréné de mon pédalage.

- J'suis désolée Ken, je chuchotais de mon dernier souffle que personne ne pouvait témoigner.

💋

j'suis désolée j'ai un peu disparu des radars ces dernières semaines mais je trouvais ce chapitre tellement mauvais que j'avais pas la foi de le corriger mdr 🤍

bref, il me reste plus que deux chapitres à écrire de mon côté pour terminer l'écriture de nova, et les choses vont un peu s'accélérer vers la fin, tenez vous prêts...

prenez soin de vous, des gros bisous !!

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now