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CÉLESTE
PITIGLIANO, AÉROPORT

-16:28-
-14 a o û t d e u x - m i l l e s s e p t-

Je me rappelais mes heures passées à regarder, du haut de mon balcon, les arbres qui perdaient de leur couleur entre les bâtiments grisâtres, noircis, qui ne paraissaient plus si fades lorsqu'ils se fondaient dans le décor des gamins qui s'amusaient à slalomer maladroitement entre les troncs d'arbres.

Ce que j'avais toujours eu peine à comprendre, c'était que ces bâtiments n'étaient pas si noirs. Que ces arbres étaient fleuris les trois quarts de l'année et pourtant, je les dessinais dans mon carnet comme étant sans saveur, mis à nu. Je noircissais tout, en passant de mes relations à moi-même. Tout devait périr, tout devait souffrir autant que j'en souffrais. J'en voulais au monde entier de toujours vouloir chercher le bonheur, de toujours chercher la moindre étincelle dans des cœurs qui avaient cessé de briller. En noircissant tout ce qui m'entourait, j'essayais de me trouver une raison, j'essayais de trouver une raison à mon malheur. Pensant que je n'étais pas condamnée à moi aussi chercher le bonheur, chercher la moindre étincelle dans mon cœur qui avait cessé de briller.

J'ai vite compris que le bonheur n'était pas un sentiment heureux. Qu'il ne s'adaptait pas à tout le monde et que parfois, certains y resteraient interdits.

J'étais interdite de bonheur. C'était la conclusion que je m'étais faite. Ce n'était pas que je le négligeais, que je le refusais, mais c'était tout simplement lui qui me refusait. Il ne voulait pas de moi, alors je m'étais alliée à son pire ennemi pour vengeance; la noirceur.

Deux fois, j'ai cru penser intimement que la porte du bonheur se trouverait en m'immisçant dans le cœur des gens. D'abord Ken. Il paraissait si vrai, si sincère, il m'apportait toute l'attention que j'avais auparavant négligé et qui, avec lui, m'était confortable. Tout était si rêveur à ses côtés. Tout était idéal, voir tellement que ça m'a effrayé. Je ne voulais pas d'un garçon idéal, je voulais d'un garçon qui me comprendrait.

D'un coup, ce garçon m'est tombé sous les yeux. Il s'était directement intéressé aux choses auquel les gens ne s'intéressent pas forcément, comme si ma vie lui tenait à cœur, comme si ma vie pesait autant que la sienne. Plus je le voyais, plus j'étais curieuse de savoir quel genre de mystère il était. Il était un peu comme moi, mais avec un parcours différent qui se rejoignait au bout du tunnel. Milo avait été presque évincé toute son enfance, comme si il était un fantôme, un garçon que personne ne voyait. Tout le contraire de moi au final, on me voyait, voir un peu trop. Mais les raisons pour lesquels on me voyait, c'était le groupe avec qui je trainais. On m'aimait pour mon entourage, mon corps, mon visage, mais aucune de ces personnes n'avaient jamais cherché à savoir ce qu'il se passait derrière cette apparence.

Lui aussi ne savait pas pourquoi il y avait autant de tristesse qui s'abattait sur lui. Lui comme moi, on avait tout. Des amis, de l'amour, de l'argent, des beaux yeux, mais qui en fin de compte étaient devenus insignifiants. Des choses qu'on pense être la consécration du bonheur, mais qui ne rivalisent pas avec la noirceur.

J'ai tellement cherché ce bonheur, j'ai pensé courir après lui. Mais j'ai réalisé que je fuyais. Deux mots si proches, comme si ils faisaient approximativement parti de la même famille.

Et fuir, ça a toujours été ce que j'ai su faire de mieux. J'ai toujours fuis, fuis, et encore fuis. Parce que mon rêve était plus confortable, celui où les gens étaient des marionnettes pour moi, celui où je pensais que tout m'était contrôlable. Alors je fuis, je fais du mal, je me fais du mal quand la situation est hors de ma portée. Quand je pensais tout contrôler et que finalement, j'en étais devenue impuissante.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now