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KEN
PARIS , BELLEVILLE

-18:44-
-11 j u i l l e t d e u x - m i l l e s s e p t-

- Faut que j'rentre chez moi, se précipita-t-elle en remettant ses lunettes de soleil dans son sac à main.

- Tu dois aller où ?

- Mon père organise un truc ce soir, faut que j'y sois pour dire bonjour à tout le monde.

- J'te raccompagne ?

Elle hésita premièrement, avant d'hocher de la tête en déposant un baiser sur mes lèvres.

Je me relevais pour rejoindre la sortie du parc de Belleville et nous avancer vers la bouche de métro. Elle marchait plus vite que d'habitude, parce que maintenant, elle connaissait le chemin. Ce n'était pas la première fois qu'on venait ici, elle adorait la vue du jardin sur les pelouses inclinées. Elle aimait ressentir la hauteur, l'altitude, autant que j'aimais ressentir ses sentiments par ses mouvements.

Il n'y avait plus aucun doute, je savais qu'elle éprouvait la même chose à mon égard. Je l'avais compris lorsqu'elle avait prit la première initiative en m'embrassant, dans un endroit sale, un endroit où elle ne se serait jamais cru plonger. Mais pourtant, elle l'avait fait pour moi.

Il y en avait des points négatifs à côtoyer une fille comme elle. Je le voyais grâce à ma soeur, cet attrait de personnalité si singulier, aussi charmant qu'éprouvant. Je savais qu'elle m'appréciait, nous n'étions ni un couple, ni deux amis, mais notre relation n'avait pas besoin d'être définie par des mots. Nos gestes suffisaient.

Mais pour combien de temps ?

Au moment de s'enfoncer dans la station de métro, elle m'arrêta pour me demander:

- Tu veux venir au banquet ? J'vais m'ennuyer, on restera dans ma chambre de toutes manières.

Elle me laissa rentrer dans son appartement où une vingtaine de personnes, tous vêtu d'une chemise plissée et un pantalon noir à pince couraient dans tous les sens pour disposer chaque objet au parfait emplacement.

Son appartement avait une large hauteur sous plafond, des murs peints aux couleurs sombres, des tableaux aux cadres en or accrochés de partout pour garnir les murs, et des meubles tous plus excentriques que d'autres. Mais c'était les tableaux qui n'étaient pas abstraits qui m'effrayaient: j'avais l'impression que chaque portrait me fixaient où que j'aille, immobilisé par chacun de mes mouvements de leur regard.

Céleste m'attrapait la main voyant que je m'éternisais bien trop sur les détails, la bouche entrouverte, n'ayant jamais mit les pieds si ce n'était en soirée dans des endroits comme celui-ci.

- Viens, j'dois aller me changer.

Elle poussa la porte tout au fond du couloir à rallonge pour jeter son sac à main sur son lit, ainsi que ses chaussures au pied de son bureau. Tout était désorganisé, éparpillé, dérangé. Des vêtements au sol, des centaines de feuilles de papier, des serviettes sur sa chaise étouffée par la masse qu'elle portait, un miroir au milieu de la pièce avec des traces au dessus de la glace, des draps défaits et des poils de chat partout.

Mais ce qui attira mon attention plus que ce bordel, c'était l'immense fenêtre à enfoncement qui donnait face à la porte par laquelle j'avais accédé à la chambre. La vue donnait sur tout, partout, tout était visible, vicieux, détestable.

Du haut de sa tour, elle pouvait tout entrevoir, même les soupçons de la ville que personne ne suspectait.

- Ça va comme ça ? Ou j'me change ?

Je me retournais pour la voir vêtue d'une longue robe noire à manches longues qui descendait jusqu'à ses pieds, et un dos nu qui plongeait jusqu'à l'extrémité de son fessier.

- Nan, t'es belle. Change pas.

Elle fit un tour sur elle-même en souriant avant de se regarder dans la glace en ternissant son regard. Je voulais constamment être dans sa tête, savoir ce qu'il s'y produisait, ses pensées, ses sauts d'humeur, ses émotions périlleuses.

Je voulais tout savoir d'elle.

Mais le tout n'était pas réalisable, parce qu'au fond, je me demandais si il n'y avait pas rien.

- Les invités débarquent dans trente minutes. Je dois venir saluer tout le monde dans cinquante minutes, et après on est tranquilles. Céleste se laissait retomber sur son lit en négligeant sa coupe de cheveux fraichement brossée. Tu veux faire quoi ?

Je me laissais tomber à côté d'elle en regardant son plafond où des étoiles fluorescentes étaient collées.

- Rien.

Je prenais son visage en coupe pour l'embrasser, cinquante minutes gracieusement consacrées.

- Reste ici, cache-toi. J'suis censée inviter personne.

J'acquiesçais en restant dans la petite pièce qui donnait sur le salon où tous les invités étaient réunis. Elle déposa un bisou dans le creux de ma joue pour partir ensuite en soupirant vers la large pièce. Je l'entrouvrais légèrement, curieux, pour la regarder de mes propres yeux prétendre être ce qu'elle n'était pas.

Céleste se déplaçait vers chaque invité en leur serrant la main, puis commençait toujours une discussion avec un regard que je ne l'avais jamais vu porter. Celui de la fille intéressée, mature, bien dans ses bottes, confiante, qui écoutait et répondait comme si celle qu'elle prétendait être à ce moment était celle qu'elle avait été toute sa vie. Une fois au centre de la pièce, elle s'avança vers un homme qui devait mesurer ma taille, un léger ventre rebondi et des lunettes ovales au bout de son nez. Il la prit dans ses bras en la présentant aux deux hommes face à elle et dos à moi, en interagissant à son sujet mais la conversation me restait inaudible.

- Excuse-moi, je dois ranger ça, me lança un garçon vêtu de la même chemise blanche et un pantalon à pince, se baladant avec un plat en argent qui devait peser une tonne. Je me décalais en regardant derrière moi pour me rendre compte que j'étais dans la pièce qui faisait office de fourre-tout pour les traiteurs et le personnel présent ce soir. Tu bosses toi aussi ?

- Nan, j'suis un pote de la meuf qui habite ici.

- Céleste ? Il riait en soufflant. Oula..

- Tu la connais ?

- Mon pote la connaissait bien, ouais. J'suis pote avec son frère par contre, Ulysse.

- Et tu fais le service ici toi ?

- C'est Ulysse qui m'a pistonné. Il est archi cool son daron, il paie archi bien pour la soirée et tant que tu fais ton taff correctement il est content. Il attrapait un torchon en le jetant au dessus de son épaule avant de me faire une accolade et me pointer la porte. J'dois y retourner moi, mais bonne chance avec Céleste. Il me regardait de haut en bas en attrapant la poignée de la porte et s'arrêter dans ses mouvements pour rajouter: Ça m'étonne pas d'elle.

nova (nekfeu)Where stories live. Discover now