Pour Émeris Rosemary, « se sentir chez soit » n'est pas un lieu mais des personnes : les Pogues. Dans les Outer Banks, on est soit de ceux qui possèdent deux maisons, soit deux travails. Émeris, elle, fait partie de la classe populaire depuis toujou...
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Les étoiles défilaient plus vite autour d'Émeris à mesure que JJ accélérait sur le pont qui séparait la Zone de Figure Eight. Le pont qui éloignait Émeris du monde qu'elle méprisait et la rapprochait de son monde à elle. Laissant le vent emmêler les longueurs de ses cheveux bruns qui dépassaient du casque, la jeune Pogue se sentait plus libre que jamais et avait presque l'impression de voler. Elle laissait sa tête s'incliner doucement vers l'arrière et fermait les yeux en laissant la vitesse nouer son estomac d'excitation. Elle sentit JJ émettre une légère pression sur sa cuisse, alors qu'il tenait le guidon à une seule main, pour s'assurer qu'elle allait bien. Elle y répondit en se redressant et se serrant contre lui.
Les deux adolescents traversèrent une partie boisée de la Zone avant de quitter la route principale à un tournant et de s'enfoncer dans les hautes herbes de l'allée d'Émeris. JJ arrêta si brusquement la moto qu'Émeris faillit tomber à la reverse mais fût rattrapée de justesse par son ami. Elle sauta de la moto et enleva son casque qu'elle tendit à JJ, occupé à sortir une pochette d'une des poches de son short. Émeris connaissait très bien cette pochette et se mit à sourire quand il la secoua devant ses yeux.
- Tu n'as pas déjà assez fumé pour ce soir ? Demanda t'elle avec un air faussement réprobateur, les bras contre la poitrine.
- Je n'ai jamais assez fumé tant que je n'ai pas fumé avec toi, tu le sais bien, répondit-il d'un ton taquin en lançant la pochette à Émeris qui levait alors les yeux au ciel.
Ils trottinèrent à travers le jardin, qui n'avait pas été tondu depuis des années, et sautèrent dans le hamac, installé entre deux arbres centenaires face à la baie du marais. JJ commença à rouler alors qu'Émeris fixait la voie lactée et la lune qui les éclairait presque comme en plein jour.
- Alors, marmonna JJ occupé à lécher les bords de la feuille à rouler, tu n'auras pas tenu plus d'un soir là-bas.
- C'était l'enfer, répondit Émeris en laissant sa tête retomber contre la maille du hamac.
- J'imagine bien, ironisa le garçon dont l'attention était tournée vers ses doigts occupés à tasser minutieusement le tabac, les couverts en argent poli et les bains moussants dans des baignoires en marbre, quelle horreur...
- C'est pas drôle JJ, ma mère avait préparé tout un dîner comme si de rien n'était et elle a même invité Benjamin sans me demander.
- Tout ce que tu décris a l'air horrifiant, se moqua JJ en portant le joint à ses lèvres. Tu as de la chance d'avoir une mère qui veut tout faire pour te garder plutôt qu'une qui s'est barrée à ta naissance et t'a laissé avec un connard de père.
Émeris se sentit aussitôt bête de se plaindre de ce genre de choses devant JJ qui était bien plus malchanceux qu'elle en terme de famille. Elle mourrait d'envie de répondre que sa mère était une manipulatrice, qu'elle n'en avait rien à faire d'elle mais le moment était mal choisi. Elle garda alors le silence encore quelques instants et se contenta de l'observer porter la flamme de son briquet à l'extrémité de son joint et tirer la première taffe.
