Chapitre 2

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Papa mit tout en œuvre pour tenir sa parole. L'aube colorait le ciel de ses teintes pastel quand la carotteuse de location pénétra dans la propriété. Un grand bruit de moteur déchira l'épais silence de nos landes australes. À mon grand émerveillement, les chenilles écrasèrent le jardin et nos taillis asséchés. La machine était en réalité une pelleteuse jaune dont le bac en acier était remplacé par ce qui ressemblait à une cloche que l'on enfonce dans la terre.

Papa paya le livreur au comptant et sauta dans l'habitacle. Vivre dans le Bush, c'est savoir toucher à tout, et il ne dérogeait pas à la règle.

Onze heures, le mercure se dilatait et menaçait de faire exploser le thermomètre. Le zénith promettait les cinquante degrés et Papa travaillait depuis le lever du jour. Assise en tailleurs au milieu du salon, j'entendis la machine s'arrêter. Par instinct, je guettai la porte d'entrée. Lorsqu'il déboula dans la maison, ses traits étaient tirés et son visage rougeoyait de feu. Sans un mot, ses pas le dirigèrent vers la cuisine. La bouteille d'eau fila directement vers sa bouche. Il en vida la moitié. Son tee-shirt était à tordre. À l'autre bout de la pièce, Maman parla d'une voix calme :

— Je pense que tu as fait tout ce que tu pouvais pour Randall.

Prends ton téléphone et dis-lui qu'il n'y a pas d'eau à espérer.

Dans un mouvement de colère, Papa jeta la bouteille dans l'évier.

— Damn-it !

Au bord de l'insolation, il faisait peur à voir.

— Papa...

Ses yeux tirés obliquèrent dans ma direction.

— Papa, tu es au bon endroit... Si tu continues tu...

— Cesse de dire des bêtises !

Ma gorge se noua et les larmes me montèrent aux yeux. Sans rien ajouter, Papa s'effaça en direction de la salle de bain. Je ne les contins plus, mon visage se transforma en torrent. La main de Maman rencontra mon dos, qu'elle caressa affectueusement.

— Viens-là ma Sydney.

Elle me serra dans ses bras et me rassura avec ce don qu'elle seule possédait.

— Ton père est épuisé et puis, tu sais, la chaleur, la fatigue, ça ne lui réussit pas très bien. S'il se fâche, ce n'est pas contre toi. Tu comprends ?

Je fis « oui » d'un petit mouvement de la tête et trouvai refuge au creux de son épaule. Dans ses cheveux, ce léger parfum de camomille m'apaisa.

— Tu sais, Maman, ce ne sont pas des bêtises. Je disais ça pour l'aider...

— Je sais, mon cœur, mais parfois, il vaut mieux laisser ton père se rendre compte par lui-même de ses erreurs. Même si tu penses avoir raison, évite de lui dire... C'est comme ça. Mais ton papa t'aime très fort, tu sais cela?

Ils sont gentils, ils m'aiment, mais ils ne me comprennent pas. Mes larmes séchées, je savais exactement quoi faire. Papa s'était jeté dans son lit après la douche, le soleil l'avait terrassé. Je m'approchai de son pantalon, saisis son téléphone et envoyai un message à Randall.

« Hello Randy, j'ai commencé le travail, j'y suis presque, mais il fait trop chaud, je n'en peux plus. Je vais me reposer, si tu veux, tu peux venir m'aider. Sydney te donnera les clés ».

Le soir même, nous avions de l'eau.

Le Garde RêvesWhere stories live. Discover now