Chapitre 2

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Traverser l'hôpital me donne la nausée. Les patients et le personnel médical forment une fourmilière dense. Chaque carrefour me donne l'impression d'être le dernier mais les croisements s'acharnent. John pousse la chaise comme s'il connaissait parfaitement l'endroit, couloirs, portes, doubles portes, ascenseurs, rez-de-chaussée, déjà les rayons du soleil éclairent le hall d'entrée. Mon sauveur ralentit et se penche vers moi.

— Essaie de faire illusion, comme si c'était naturel et habituel de sortir.

Nous passons la porte et un vent frais nous accueille. Un léger frisson me parcourt. Le contact du soleil est une caresse chaude dont l'effet rappelle celui d'un fin duvet sur une peau trop frêle. La clarté me force à détourner le regard. La luminosité me brûle. La lumière fait partie des éléments auxquels je vais devoir me réhabituer. Je ne parviens pas vraiment à discerner ce qui m'entoure. Mes sens perçoivent un long trajet à l'extérieur sur un sol à peu près lisse que quelques bordures entrecoupent. Au loin, le vacarme du trafic me parvient. La chaise s'immobilise. Un bruit de portière puis, la voix de John :

— Syd, je vais t'installer sur la banquette arrière. Accroche-toi !

John me soulève avec légèreté comme si je n'étais qu'une brassée de fleurs. Lorsque le pick-up démarre, je suis ceinturée sans avoir la moindre idée de ma destination.

— John, que vient-il de se passer ?

Parler aussi me demande des efforts, ma diction ressemble à celle d'un enfant de trois ans.

— Tu as disparu de la circulation... il y a six ans Syd.

Un silence.

— L'accident, oui je m'en souviens.

John enclenche le clignoteur et quitte définitivement le parking. La pénombre de l'habitacle me permet d'ouvrir un peu plus les yeux. Nous sommes dans une grande ville, probablement Melbourne.

— Oui, l'accident... J'avais essayé, en vain, de prévenir tes parents à l'époque. Ton père n'a rien voulu entendre, j'ai tout fait pour te prévenir.

À ces mots, je revois le jeune garçon sur sa bicyclette rouge, je relis sur ses lèvres l'avertissement murmuré : « N'y va pas... ».

— Le jeune garçon à vélo, c'était moi.

— Tu savais pour l'accident ?

— Oui, tout comme je savais qu'aujourd'hui, quelqu'un viendrait dans ta chambre.

Je secoue doucement la tête.

— Tout ceci n'a aucun sens. J'étais en classe hier, en Fac de psycho... Et aujourd'hui je suis menacée et...

— Et ?

— Et je suis enlevée par quelqu'un que je ne connais pas.

Sans le voir, je sais qu'il sourit.

— Et pourtant nous nous connaissons...

Il me fixe dans le rétroviseur, un de ces regards droits, sans détour, de ceux qui se plantent en vous, de ceux qui m'ont fait craquer.

— Nous avons vécu le même rêve Syd.

Un violent vertige s'empare de moi.

— John...

— Que se passe-t-il Syd ?

Ma vue devient brouillée comme si on venait de jeter un seau d'eau sur la vitre de mon regard, ensuite les sons se distordent et je m'évanouis.


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