Chapitre 6

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L'intensité de ma vision trouble encore le cours de mes pensées. La porte de ma chambre se ferme, le couloir défile et l'escalier de pierre apporte une touche rustique dans cette nouvelle construction. Lorsque je pénètre dans le spacieux « dining room», Loïs et Oswald sont déjà attablés.

Œufs, lard, toasts, tomates, haricots, champignons, fruits frais, yaourts, céréales, mes yeux rebondissent sur la montagne de nourriture.

— Salut ma belle ! me lance Loïs.

— Chalut Chyd ! répond le chimpanzé.

Oz jongle d'une biscotte à l'autre. Je lui souris sans trop savoir si sa joue est sale de confiture ou de graisse de bacon.

— Hello les amoureux !

Oswald prend la parole :

— Installe-toi !

J'observe la multitude et ne sais que choisir.

— Si tu veux, je peux te cuisiner de délicieux « hashbrown » ! C'est un peu comme une croquette de pomme de terre et de légumes, c'est délicieux.

Loïs l'interrompt.

— Elle sait ce que sont les « hashbrown », elle est née ici je te rappelle.

Oz répond par un immense rot guttural. Ma mâchoire se décroche.

— Mais... Oswald, tu, tu te crois où ?

— Ce n'est pas de sa faute intervient Élo.


Abasourdie, je ne sais que répondre. C'est alors qu'Oswald a la plus étrange des réactions. Il ôte son tee-shirt.

— J'ai une hernie hiatale, ombilicale et un diastasis des grands droits...

Devant moi s'agitent ses nichons grassouillets. Sa peau a la consistance et la couleur du riz au lait. Mais qu'est-ce que Loïs fabrique avec ce goret albinos ? L'idée que mon rêve les ait liés pour de bon m'horrifie. D'un autre côté, c'est le garçon le plus gentil que j'ai rencontré, il ne ment pas et a le courage d'être lui-même, quitte à empuantir son entourage. C'est alors qu'il se met en appui tendu sur la table. Il recule ses jambes comme pour mimer une série de pompages. Une boule se crée au centre de son ventre flasque.

— Tu vois cette forme qui ressemble à un petit ballon d'eau ?

— La méduse, là ?

— Ouais, ben c'est une hernie. Quand je mange, je rote, c'est comme ça.

Un silence.

— Et tu n'as pas envie de te faire soigner ?

Loïs répond à sa place :

— Bien qu'une hernie ne soit vraiment pas grave, la seule solution c'est l'opération.

Oswald renchérit :

— J'ai lu sur le Net qu'il y avait des risques mortels, en cas de complication. Un patient sur deux reste sur le billard, je préfère roter.

Un nouveau silence. Loïs me lance :

— Comment s'est passée ta nuit ? Des nouvelles sur ta prémonition ? Sais-tu lequel d'entre nous est en danger ?

Oz me regarde avec intérêt alors qu'il remet son tee-shirt et me soulage de son ampleur.

— J'ai rêvé que je transmettais des informations à un gars que je sauvais de la noyade. Je lui donnais des chiffres, des montants, des heures, un cauchemar incompréhensible...

Un silence plane dans la pièce.

— Je pense qu'il y avait un lien avec l'aura bleue qui me hante. Ce rêve était interminable, ensuite, une vague énorme nous a engloutis, un truc incroyablement grand, un véritable tsunami.

Oswald s'immobilise.

— Attends, attends, un tsunami tu dis ?

Il fonce vers les journaux disposés sur le plan de travail. Loïs répond à la question avant que je ne la pose.

— Mon père le charge d'éplucher la presse le matin et de sélectionner les articles qui pourraient avoir un intérêt sur le cours de l'or. C'est en réalité une manière intelligente de former Oz. Je crois que, quoi qu'il en dise, Papa a des plans pour son beau-fils.

Elle m'adresse un petit clin d'œil. Je souris. Oz interrompt notre conversation par un lancer de journal au milieu de la table. En gros plan nous pouvons lire :

Tsunami financier sur Wall Street.


Le Garde RêvesWhere stories live. Discover now