Chapitre 17

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Vendredi — au cœur de la nuit

Le reflet de la lune renvoie dans la pièce un éclat glacé, la nuit aspire la lumière pour ne laisser qu'un univers d'ombres. Doc et Justin dorment dans leur chambre. John, lui, veille, comme toujours. Assoupi sur le divan, sa posture est orientée vers moi. Les électrodes sont branchées et permettent aux moniteurs d'enregistrer chacune de mes constantes. Le sommeil ne vient pas, du moins le sommeil profond ; je somnole, divague mais ne sombre pas. La tisane de Justin n'a pas fonctionné, j'ai peut-être été trop sévère ; la prochaine fois, je les laisserai me proposer quelque chose de plus fort qu'une simple infusion.

Je me frotte les yeux. Que faire ? Persuadée que le sommeil ne me gagnera plus, je saisis mon téléphone. Le message d'Élo déchire ma nuit :

Reste à l'écart de Justin, ÉCARTE-TOI DE CES GENS !

Le souffle coupé, je le relis, encore et encore. Ces mots provoquent un effondrement à l'intérieur, une nausée, un malaise, je me redresse et ignore ce dos criblé de courbatures. Sur le moniteur, j'observe mon rythme cardiaque grimper en flèche. C'est la panique. Réfléchis, Syd, calme-toi et réfléchis. Mon premier réflexe serait d'arracher tous ces fils pour mettre les voiles mais la console libèrerait une alarme. Je me lève avec précaution, approche du moniteur. L'obscurité masque le bouton d'arrêt. Je m'agenouille, arrache la prise et l'appareil s'éteint. En un tour de main, je me débarrasse ensuite de mes électrodes. Comme un courant d'air, j'enfile ma veste et me dirige vers l'extérieur.

La porte se referme sans un bruit. Le couloir s'illumine dans un grésillement. Par habitude, je me dirige vers l'escalier. La cage de béton, les marches et bientôt, la délivrance. J'arrive au niveau inférieur, le troisième.

Je m'apprête à poursuivre mon chemin lorsqu'un bruit me glace les sangs. Une porte vient de se refermer à l'étage supérieur. Des pas, des pas dans l'escalier, ils descendent, ils se rapprochent. C'est certain, je suis suivie. Pétrifiée, je ne sais que faire. Les pas sont de plus en plus proches, encore quelques marches et je serai découverte. Sans réfléchir, j'emprunte la voie du troisième étage. Un couloir, une porte non verrouillée que je referme en silence. En pleine apnée, je découvre une pièce dont l'immensité rappelle l'appart de Djou en version ultra épurée. À travers la baie, la faible clarté de la lune ne dévoile aucun mobilier hormis un bureau unique disposé face à un mur. Ce mur... quelque chose d'étrange en émane, comme un relief. On le croirait criblé d'affiches. J'essaie de discerner un peu mieux ce qu'il recèle, j'ai l'impression de m'approcher d'une découverte importante lorsque j'entends un claquement derrière moi, dans le couloir. Mon corps se crispe. Je colle mon oreille sur le panneau de la porte. Pas de doute, des pas résonnent. Quelqu'un vient. Plus le temps de fuir, ni de me cacher, je suis dans un cul de sac. Un grincement sur la poignée, ma main vole sur la clenche pour l'empêcher d'être actionnée. Si cette porte s'ouvre, je suis fichue. Je la serre de toutes mes forces pour en empêcher l'ouverture. De l'autre côté, l'inconnu pousse avec plus d'intensité. Des larmes me coulent du coin des yeux, la poignée compresse mes paumes, j'ai l'impression que mes articulations vont éclater. Je crie, je hurle.

— Syd !

— NON !

— Syd !

J'ouvre les yeux. Au milieu de l'appartement, trois visages inquiets me surplombent. Les électrodes mesurent mes constantes. Le moniteur affiche un rythme cardiaque à 160 pulsations. Allongée dans l'appartement, mon corps en sueur tressaille. John passe la main sur mon visage.

— Tu vas bien ?

Déjà, Justin s'intercale entre nous et s'empresse de cracher la question qui lui brûle les lèvres :

— Alors ? Qu'as-tu vu ?


Le Garde RêvesWhere stories live. Discover now