Partie 3 - Chapitre 1

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Melbourne Février 2020

Allongée sur mon lit d'hôpital, ma vision est aussi trouble que mon équilibre. John me saisit par les épaules et me murmure :

— Sydney, Sydney, nous n'avons plus une minute à perdre, si je t'ai trouvée, ils te trouveront aussi !

Mille questions tentent de se frayer un chemin mais ma lucidité est trop étroite. Je divague, mes yeux se ferment, puis s'ouvrent. John s'active à la manière d'un tourbillon dans la pièce.

— Tu penses que tu pourrais marcher ?

Je tente de bouger mais je n'ai pas la force. Je suis incapable de me lever. Six ans dans le coma, ma masse musculaire ressemble à un fin tissu d'ouate étiré autour d'un corps trop fragile. Je me laisse retomber sur le lit dans un soupir.

— Ok, tu n'es pas en état, je vais te chercher une chaise roulante.

Ne bouge pas !

Je n'ai pas le temps de le questionner que déjà, il disparaît dans le couloir.

Ma chambre ressemble à un dortoir classique d'hôpital. Une chambre privative. Pas de fleurs, pas de cartes postales ni d'autres décorations qu'un téléviseur éteint. La porte s'ouvre.

Je vois un docteur s'approcher. Ses yeux clairs sont froids comme une banquise, et son sourire m'évoque celui d'un croque-mort.

— Vous voilà donc réveillée...

Les mains croisées dans le dos, il avance comme un serpent. Les mains du praticien se décroisent et délogent de sa blouse blanche une seringue emplie de liquide. Mes sens s'alarment. Clouée au lit je ne peux rien faire. J'ouvre la bouche pour hurler, mais d'un geste vif, il bondit vers moi. Sa paume me musèle. Sa poigne est forte, implacable, mortelle. Si tout n'était pas déjà asséché en moi, j'en pleurerais. L'aiguille s'approche de mon cou lorsqu'un mouvement surprend mon agresseur. John lui saisit le poignet et en une rapide clé de bras retourne l'arme. Dans la seconde qui suit, le liquide est injecté dans la gorge du docteur. S'ensuit une bousculade. L'homme plie le genou. Un soubresaut l'assaille, il s'effondre. Sans attendre, John me soulève comme si je ne pesais rien. J'ai l'impression que mon corps est en verre et qu'il menace de se briser. Mon sauveur use de toute sa précaution pour me déposer sur la chaise roulante qu'il vient de ramener. Il me recouvre d'un drap, plonge son regard dans le mien et me souffle :

— Fichons le camp d'ici.


Le Garde RêvesWhere stories live. Discover now