Chapitre 9

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Je lâche la main de John et dans la seconde qui suit, il revient dans le monde d'éveil. Nous sommes devant la supérette, le soleil au zénith éclaire les perles qui roulent le long de mes joues. Joanna Stirling... Maman...

— Syd... Que...que vient-il de se passer ?

Muette, je revis l'hypnose dans laquelle je nous avais plongés. Je n'aurais pas cru que tendre ce piège aurait été aussi facile. J'ai reproduit la technique de mon mentor. Une victoire amère. Il m'a suffi de lui tenir les mains, pour être certaine de tronquer son test d'éveil et de lui souffler les mots de la suggestion, la fatigue s'est occupée du reste. John a tout fait tout seul. La lettre sur le siège, c'est lui qui l'a écrite. Son rêve a fait ressortir ses pires craintes, il m'a suffi de le suivre... jusqu'au bout.

— Syd, je suis désolé.

Ma main décrit un arc de cercle, la gifle est sèche. Pour seule réponse, il baisse les yeux. Sa voix morne, sans intonation, presque sans vie, répond aux questions posées une dizaine de jours plus tôt.

— Syd, voir en rêve un visage avec une oreille manquante est un signe annonciateur de mort. Ta mère... est morte.

Le peu d'énergie qui stagnait en moi s'échappe. Mes jambes m'abandonnent. L'intérieur de mon être se déchire. Mon cœur saigne, poignardé par le pic de l'injustice, assassiné de douleur, il ne bat plus que par habitude et n'envoie rien d'autre qu'un sang glacé à l'intérieur de mon être. Les émotions ne sont plus. Vide, je me sens vide, abandonnée, esseulée, comme une étoile filante qui s'épuise dans une atmosphère qui ne lui appartient pas. Où sont les miens ?

— Ta maman n'a pas survécu à l'accident de voiture.

Je m'écroule sur la marche qui mène au camping-car. John me rattrape et me repose doucement.

— Et Papa ?

— Porté disparu...

— Pou... Pourquoi n'as-tu rien dit ?

— Syd ce n'était pas à moi de te l'annoncer. Je pourrais te dire mille choses sur ce que tes visions promettent, sur ce que tes rêves annoncent, mais c'est un pouvoir que je ne m'octroierai pas.

Je ne l'entends pas, tout ce que je sais est enterré dans le village qui m'a vu naître. D'une voix venue d'outre-tombe je parviens à lui dire :

— Amène-moi... Amène-moi chez moi.

Le Garde RêvesWhere stories live. Discover now