47. Anesthésie

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Cher carnet, je me sens anesthésiée. Vide. Comme sortie d'un long songe où l'on perd ses repères. J'ai le cœur qui bat un peu moins vite, il est touché lui aussi. Quelque chose ne tourne pas rond. Un truc m'a fait du mal, beaucoup. Et je voudrais presque m'endormir pour oublier la douleur. Celui qui pourrait l'estomper en est la cause. 

La conversation que l'on redoutait le plus est arrivée. Et c'est pas grave, j'ai pris plaisir à l'aimer. Je me suis donnée du mal à aimer. Il est difficile à aimer. Et je l'aime encore. Il est mon premier amour et j'ai l'impression quand nous nous parlons d'avoir encore douze ans.

Parce que j'ai le cœur qui bat vite quand l'on se parle. Il me fait perdre un peu mes moyens. J'ai le cœur qui bat trop vite, trop longtemps quand je pense à lui. Et je lui ai dit que c'était pas de l'amour. Que je ne savais pas ce que c'était. J'ai menti.

Il a un effet sur moi que personne d'autre n'a. Mon corps s'écroule des fois, il devient même ma faiblesse. Et c'est tellement intense que je me suis toujours doutée qu'il n'y avait que moi pour ressentir ça. Peu importe les années, il ne sera jamais trop tard pour m'aimer.

J'espère un jour avoir la force de ne pas m'attacher pour tout ce qu'il représente pour moi, pourtant. Et oui c'est à sens unique, c'est comme ça. Il est le plus bel objet de mes pensées, je crois. Parce que c'est différent, c'est nuancé, c'est spécial. Et c'est tombé sur lui.

Parfois je me dis qu'il n'y a pas de raison. Que c'est juste alchimique. Je me dis ça parce que il n'y aura pas plus d'explication.  Alors autant que ce soit quelque chose que l'on choisit de ne pas comprendre. 

Je ne comprends pas pourquoi, même aujourd'hui, il a tant d'effet sur ma putain de vie. Même sans rien dire, sans rien faire. C'est juste lui. Il est là, je ressens des choses et il est la personne qui rajoute du piquant dans ma vie, par sa façon d'être. 

Et c'était un peu une déclaration finalement, de tout ce que je ressens envers lui. Dans tous les cas, je continuerai de vivre, d'être heureuse et d'aimer, mais à ma manière. Et je ne lui ai pas dit que je l'aimais. Non, je lui ai prouvé. Ça m'a heurté. 

J'étais comme à nue devant lui, sur mes genoux écorchés. Lui et moi dans une pièce étroite et sombre. Il fait froid et je suis l'unique à lui transmettre ma chaleur. Je le regarde désespérément pour qu'il me relève, m'enveloppe, me réchauffe. Il est debout devant moi et d'une main me prend par la gorge :

- "Tu n'es pas la femme de ma vie."

Et il me balance sur le sol glacé. Ma tête se fracasse et je ressens encore la douleur. Les larmes ne peinent pas à couler pour une fois. Il me regarde une dernière fois puis s'en va. Incapable de m'aimer une fois de plus. 

Et je suis inerte, allongée dans tous les débris d'une tendresse brisée. Je voudrais m'enfuir et n'y arrive pas car voilà la sentence d'une âme bousillée. On aime de la même façon que l'on existe : mal. Et je suis inerte, allongée dans la prison de toutes mes passions. 

J'ai le corps écorché et j'aurai voulu que ce soit l'empreinte de ses doigts sur ma peau. Et il n'en est point. Je respire bruyamment, puis m'endors fatalement dans les bras de mes draps. Et je ne souffre plus. 

Cher carnet, je suis anesthésiée d'aimer. Et aujourd'hui ressemble aux jours à venir comme ceux qui ont précédé car je ne leur apporte pas plus d'importance. Et bientôt je serai assise devant l'objectif. La fumée de cigarette que l'on inhale. Et dans cette pièce sombre et vide, je sourirai. 

05/10/2022 Ari Abdul - Babydoll (speed)

Céleste  [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant