53. La poupée

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Cher carnet. Je crois qu'il a raison. On est dans une impasse. Je suis revenue vers lui. La tentation et le manque que je ressentais étaient trop grands pour supporter les heures de solitude. 

Et je me mets à nue devant lui un peu plus à chaque instant. Et au lieu d'embrasser chaque parcelle de peau que je lui offre, il se contente de me regarder de loin comme si je n'étais rien. Je crois en fait qu'il me voit mais ne me regarde pas.

Je reste un son sans mélodie, presque comme un corps sans âme. Il me cherche du bout des doigts et me bouscule. Et je ne sais plus à partir de quel moment j'ai accepté la fatalité de cette issue. Dès que je peux, je pense à l'attendre, j'espère recevoir tout ce qui est émané de lui.

Et je suis malheureuse dans mon désespoir. J'ai peur que ce soit incurable, sans traitement. De souffrir de son ignorance à chaque instant. J'ai si peur et je continue pourtant de lui donner tout ce qui puisse à mes yeux compter. 

Je lui offre mon temps, mon affection, ma patience, mes larmes, mes pensées, mon corps et tout mon cœur. Et il est comme un grand enfant qui trimballe une poupée de chiffon. Des poupées il y en a plein partout mais celle là est spéciale.

Le jeune garçon la garde toujours dans sa main, et même s'il la fait parfois tomber, il ne la perd jamais. Il ne sait pas encore qu'il faut en prendre soin car des poupées amoureuses il n'y en a pas beaucoup. 

La poupée le fâche des fois, elle pleure, elle ressent tout et elle reste. Car le garçon est ce qu'elle trouve de plus beau, il sublime sa passion. Et la passion c'est parfois souffrir mais surtout beaucoup s'abandonner.

Alors, la poupée sourit. Et le garçon ne sait pas encore comment s'en servir. Et un jour peut-être que le garçon deviendra l'homme que la poupée mérite d'aimer. En attendant, elle est pourvue du don d'admirer en silence. 

J'aimerais pouvoir dire ne pas être ce bout de chiffon que l'on froisse d'un poing. Et non je ne suis pas cet objet. Je suis bien plus imparfaite que ça. Je suis moi, bien vivante, bien aimante. Et je lui ai lu hier, quelques vers d'un texte de la nuit de nos retrouvailles. 

Toutes mes pensées, tout ce que j'ai pu ressentir entre les lignes, avec toute la tendresse des mots. Je lui ai dit. J'ai le besoin je crois, qu'il sache un peu plus. Peu importe qui je suis pour lui tant qu'il y pense. 

Je voudrais pouvoir faire la différence. Et je lui ai tout lu, le sourire aux lèvres, les souvenirs en tête. 

- "J'écouterai plus tard".

La lune s'est défilée et il n'a toujours rien dit. Alors, je n'ai plus de murmures à lui souffler. Je crois qu'il sait déjà tout et maintenant ça n'appartient qu'à lui de me revenir. 

Cher carnet, donne moi la force de ne pas l'attendre. 

19/10/2022 Ari Abdul - Hush 

Céleste  [TERMINÉE]Место, где живут истории. Откройте их для себя