Céleste [TERMINÉE]

54. Simetierre

Cher carnet, me voilà dans l'étreinte blanche de ma chambre d'hôtel. Les vacances d'automne ont commencés et je me prélasse dans tous ces draps repassés. Une longue tresse dessine la courbe de mon dos tandis que mes jambes nues embrassent le velouté d'un lit vide.

Ici, les maisons sont rouges et faites de briques. Je vois de ma fenêtre la fumée des cheminées qui luttent contre le vent d'Angleterre. Et dans la campagne du nord du pays, je m'ennuie. Killingholme est un village sans secret, il paraît. 

Ce matin, dans mon beau manteau, je suis partie. L'air me glaçait la gorge et faisait rougir mes joues. Puis, je suis allée au cimetière. Dans le boulevard des allongés, je me suis parfois arrêté. Les tombes les plus petites sont souvent le signe d'une personne partie trop vite.

Les épitaphes les plus remplies sont celles les plus inachevées. Car ce n'est jamais assez pour tout dire lorsque c'est gravé. Les dalles les plus grandes sont la preuve d'un amour qui s'éternise. Et quand on regarde les dates, tout concorde.

Oui, ces amants qui ne peuvent vivre l'un sans l'autre plus de deux ans, ces enfants que l'on ne connait pas et que l'on regrette, ces fleurs encore fraîches déposées sur le marbre morcelé. Puis, il y a tous ces morts que l'on ne visite plus, que l'on oublie, que l'Histoire choisit d'effacer.

L'horizon est gris, et j'aimerais tant croire qu'au dessus de ces nuages il y est autre chose qu'un ciel. Oh, j'aimerais tant voir un ange. Cher carnet, chaque jour j'ai son image en tête. Chaque jour je me souviens. Chaque jour je l'aime. 

Et j'aimerais tant être à ses côtés. Pour rire, s'embrasser, pleurer, se caresser, se bagarrer, argumenter, s'écouter. Et on est si loin de tout ça. Si loin de s'aimer comme il le faut. 

Cher carnet, mon cœur hurle de ne rien renoncer alors que ma tête me murmure que tout s'est déjà arrêté, il y a de nombreuses années. Pardon d'espérer.

24/10/2022 M83 - Wait