69. Doux matin

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Cher carnet, c'est un matin de pluie. C'est une météo à faire frémir et pourtant quand je me réveille je suis heureuse. Il pleut, enfin. Et alors que hier j'en avais assez de faire face au cœur gelé du ciel, il pleure enfin.

Même la pluie parait lente. Le temps est long ce matin. Dans cette journée où je me languis des heures, je suis nue, accrochée à la douceur de mes draps. Il n'y a que le flanelle pour recouvrir ma peau et je n'ai pas bien froid.

Ce matin, je suis bien. Le jour est sombre, les lumières sont tamisées et je suis à la merci de l'étreinte de mes pensées. J'ai beaucoup réfléchi. Un an s'est presque écoulé et je vois les choses. Comme une aveugle sous le soleil, j'ai préféré me brûler la rétine que de voir vraiment.

Et alors, je me demande qui j'ai vraiment aimé. Et si j'ai aimé, est ce que ça en valait la peine ? Voilà, maintenant quand j'y repense tous mes souvenirs sont brouillés et je me remémore la douleur. La peine de tout ce qui n'a pas été dit. 

Et je veux pas me dire que c'est tout, qu'il n'y a rien d'autre que ça. J'ai parfois un sentiment de dégoût et je me dis que c'est parce que je me souviens pas assez, ou je me souviens de ce qui m'arrange. Loin des yeux, loin du cœur, on oubli, on imagine, on fatalise parce que y'a que ça de vrai.

Comment vivre dans le souvenir d'une personne qui représentait tout et qui n'est plus ? Alors ici, ce matin, je rétablis la vérité. Les histoires sont longues, elles sont voraces, elles ont soif de sentiments. Et quand il ne reste plus que l'animosité, les regrets, la haine, on a beau essayé, le livre est déjà terminé.

Des fois l'épilogue se prolonge pour rien mais c'est le temps pour dire au revoir. Je dis adieu à mes histoires, je relis parfois quelques chapitres et ma lecture est toujours différente. Et alors que je ressasse sans cesse le passé, les histoires les plus entachées sont les mieux achevées car il n'y a plus rien que je puisse faire.

Puis, j'entame ce nouveau livre, les pages sont belles, elles sont blanches et libres. Les mots ne sont pas enchainées et je dois me délivrer de ma mémoire. Tout s'est produit mais tout ne reste pas forcément. 

Alors, je laisserai sur mon chemin quelques mots déchirés pour dire que je suis passée par là. Cher carnet, je suis enfin prête à accepter l'échéance. Je ne suis plus la même des chapitres précédents. J'ai changé et je dois aussi accepter la personne que j'ai été.

S'aimer, c'est se souvenir et se dire que c'est ok. Adieu à cet amour de tendresse, adieu à cette fougue de tristesse, ancêtres amants. Je pense à vous mais ne vous invite plus sur les nouvelles lignes de ma vie.

Et alors, je suis libre d'aimer à nouveau, enfin.

11/12/2022 Lana Del Rey - West Coast

Céleste  [TERMINÉE]Where stories live. Discover now