Céleste [TERMINÉE]

66. La tête sous l'eau

Cher carnet, parlons. En vérité, je ne sais pas quoi dire et les mots me démangent. Ma mâchoire se serre et il n'y a rien que je puisse faire. J'essaie de me laisser bercer, de voguer, au large, sans regarder la côte des souvenirs. Puis des fois, quand j'ai l'impression d'amarrer le paradis, le vice de l'enfer me murmure que je suis six pieds sous terre. 

J'essaie de fermer les yeux, de nager sans me noyer mais j'ai la tête sous l'eau. Toutes ces pensées me submergent et j'hurle mais à la surface rien ne s'entend. Je me débats et les démons agrippent mes chevilles. Je ne peux plus respirer. Mon cœur en a assez. 

Et quelques paroles d'autrui me donnent de l'air mais je me noie toujours. J'essaie toujours de remonter, en vain, je m'enfonce dans les abysses du divin. Les cauchemars m'enveloppent et me caressent et souvent je me laisse tenter. Oui, par toute ma mémoire que je ne revivrai plus jamais.

Je revois les gens qui me bousculent, qui me touchent, me toisent, me jugent et disparaissent. Et alors que je suis le martyre de ce que je n'ai jamais vécu, le pire est toujours ce que l'on imagine le mieux. Les minutes sont longues et la profondeur de l'océan semble alors sans fin.

Dans les ténèbres il n'y a jamais de fond, jamais de limite, à part celle de la vie. Et alors que je frappe le vide autour de moi, rien ne semble avoir d'effet puisque je suis toujours seule. Les inconnus me regardent et s'en vont comme si de rien, comme si tout était déjà foutu.

Les gens n'ont pas le temps. Le monde est pressé, il tourne sans moi. Je suis une sucrerie qu'il faut bannir quand il y en a trop. Je suis mauvaise. Un plaisir d'un soir qui fait frémir et une erreur le jour qui fait bondir.

Et je suis là, sous l'eau de tous ces rêves abandonnés. Et puis j'ai toute cette colère en moi. Car je suis celle qui respire les poumons en feu, la gueule en sang, les joues en larmes, les poings serrés. Je suis celle qui survie à la tempête de mon âme.

Je me meurs et revis que instant car j'ai la rage d'espérer encore. Je ne coule jamais, non rien ne pourrait m'emporter. Je ne pleure plus. J'avance le cœur en fracas, des morceaux tombent. C'est pas grave, il y en aura d'autres. Je suis celle qui bâtira mon sentier. 

Je règne seule et ne renonce jamais. Je ne me noies plus. Je deviens mon propre démon et je parcours les abysses à la recherche du ciel. D'une façon ou d'une autre, j'y arriverai. Parce que je réussis toujours. Je ne sacrifierais rien pour avoir tout. Il n'y a personne ici, juste Moi, mon âme. 

Et ça va aller, comme toujours. 

05/12/2022 System Of A Down - Toxicity