Céleste [TERMINÉE]

78. Pluie de pleurs

Cher carnet, aujourd'hui il pleuvait. Le ciel pleurait beaucoup et le monde ne pouvait pas le consoler. On était quelques personnes à se réunir devant un cimetière maussade et gris. Les couleurs des parapluies se mélangeaient et les gens se rencontraient pour parler des leurs qui n'étaient plus des nôtres. 

Et le cercueil est juste devant moi. Il a l'air si petit que je me demande si dedans elle ne s'étouffera pas. On se regarde un peu tous entre nous, les yeux rouges, la mine grave. Et malgré les textes, les adieux des endeuillés, j'ai tâché de ne pas pleurer. Du haut de mon habit noir trempé, je serai celle qui garderait la tête haute cette mâtinée. 

Et j'y comptais bien, avant de remarquer mon frère, plus vieux, effondré. Il ne pouvait tout simplement pas rester impassible. Non, il faisait partie de ces gens vivants à l'enterrement qui se permettait de ressentir encore quelque chose.

Tout le monde était d'accord pour dire qu'elle était une femme secrète. Souvent discrète, elle aura vécu des aventures qui nous échapperont à jamais. Elle était celle lumière réconfortante pour les autres et exigeante envers elle même. 

Elle a fait de sa vie son travail malgré la fatigue qui tiraille. Elle a fait de sa vie un havre de miséricorde pour les âmes perdues et les chats isolés. Et aujourd'hui, j'ai été un esprit de plus peiné par sa perte car même lorsqu'il faut pleurer, nous ne sommes jamais seuls.

Et j'ai retrouvé beaucoup de souvenirs d'enfance dans les membres de sa famille que j'avais un temps oublié. J'ai demandé "et alors qu'est ce que tu te deviens" en imaginant sa perte qui n'adviendra plus jamais de rien.

Et au final, j'ai quand même pleuré sous la pluie qui cachait un peu mes larmes mais pas mon cœur brisé. Et je crois que oui c'était l'occasion de la voir une dernière fois, avant le caveau dépositoire municipal dans lequel son corps croupit.

Mais jamais son esprit. Sois libre de tes envies où que tu sois aujourd'hui, au paradis.

04/01/2023 Jordan Critz - Imbre