82. Je me souviens

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Cher carnet, parlons. Je me remémore, ces derniers temps, les futilités de l'existence. Les détails qui sont censés ne pas compter, je les conserve. Comme une liste gravée sur un marbre. Ce serait comme l'épitaphe des choses que l'on vit et qui se volatilisent parfois. Des fragments de souvenirs, des morceaux d'étoiles, des bouts d'univers. 

Je voudrais garder en mémoire le parfum de ma mère. Celui qui rassure lorsque je peine à me détacher de son étreinte. Celui qu'elle porte et qu'elle laisse sur son passage. Celui qui se fantomatise sur ses vêtements et que je sens comme lorsque j'étais enfant, dans son lit. L'échappatoire à toutes mes hantises.

Je voudrais ne pas oublier les odeurs les plus merveilleuses du monde. La cannelle dans les gâteaux, la lessive dans le tambour, l'encens qui se consume, le pelage de mon chat qui dort, le rhum dans la pâte à crêpes. Ces odeurs qui font de la vie un peu plus belle, un peu moins dure, plus ou moins inoubliable.

Et pourtant ces odeurs s'oublient souvent et réapparaissent comme des entités. Parlons détails, résumons la vie comme une recette de simplicité. Il ne quitte pas mon cœur. Et il est ce tout qui se fragmente en souvenirs. Il ne quitte pas ma tête. Alors, je ferai au mieux pour m'entêter de nos baisers volés. 

Je me souviens de sa main sur ma joue, à jamais. Je n'oublie pas mes rêves où il est partout et puis plus nul part. Je me souviens de mes doigts sur les siens alors qu'il jouait du piano. Je me souviens des heures innombrables à danser, écouter des chansons qui font rire et pleurer. Je me souviens de ces petits moments singuliers qui font penser à un clip des années 80, quand j'étais pas encore née.

Ces fragments de regards qui illuminent la pupille. Ou encore ces ciels roses ou de toutes les couleurs, quand la route est belle et qu'il n'y a personne d'autre à l'horizon. Quand la nuit se lève, la galaxie se dévoile et les doutes se dissipent.

Je suis allongée dans l'herbe fraîche alors que c'est l'été, comme je l'ai tant souhaité. Ou encore quand mon cœur fond de plaisir quand il me dit "je t'aime". Le genre de mots que l'on croit car même si les lèvres sont trompeuses, les yeux ne le sont jamais.

Il m'a comme convaincue que la magie existait. Que l'on pouvait valser sous la pluie autre qu'à travers un écran dans les films télés. Je me souviens de la joie de voir son enveloppe dans ma boîte aux lettres, pour la première fois. Je me souviens de mes après midi, les copains et la musique, chez moi.

Je n'oublie pas ces heures seule à réfléchir, quand je sentais mon corps battre, les pulsions dans mes veines s'acharnaient et j'étais bien l'unique à les sentir. J'étais bien l'ultime fille à enjoliver sa propre compagnie, dans la chambre de son esprit, ce havre, ce paradis.

22/01/2023 Acid Ghost - New York

Céleste  [TERMINÉE]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant