84. Origines

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Cher carnet, je m'assoupis et les pensées dansent autour de moi quand tout semble s'assombrir. Des phrases, des souvenirs fragmentés qui refont surface et s'en vont. Des mots qui assassinent, d'autres qui ressuscitent.

"Tu es ma fille, on a le même sang, toi et moi on est différents des autres. On s'adapte, peu importe la situation, on anticipe le danger, on le confronte. On est des caméléons"

"Tu respecteras ton père et ta mère, n'oublies jamais cette règle. C'est la plus importante"

"Tu es celle que tu es aujourd'hui grâce à l'éducation que tu as reçue."

"Ne sois pas si sensible. Garde ton sang froid. Il faut garder la tête haute. Ça ne sert à rien de pleurer. Encaisse."

Ça, c'était mon père.

Et j'ai beau réfléchir, rien ne me vient pour ma mère. C'est pas des mots. C'est des étreintes, des caresses, de la tendresse, des souvenirs d'enfance, de l'amour et des fracas de verre brisé. On répète souvent qu'il ne faut pas oublier d'où l'on vient. Et puis quand t'as grandis un peu partout, ton lieu de naissance t'est plus étranger que l'étranger lui-même.

Je me souviens de toutes les maisons dont je puisse me souvenir. A la ville ou à la campagne, au temps calme et celui de l'engueulade. Où l'on claque les portes et l'on s'embrasse. Le jardin où j'ai fais mon premier bonhomme de neige. L'été où j'allais cueillir les cerises. Les journées devant la télé et les nuits des cris étouffés. 

Ou encore quand mon frère était le seul homme dans ma vie, c'était bien, et il est parti, lui aussi. D'autres garçons ont bien suivi mais aucun ne pouvait remplacer mon père. Oui, celui du début. Et j'ai eu une belle enfance, ma mère a fait ce qu'elle a pu. Elle a fait de mon mieux et c'était bien heureux.

Des fois j'ai cette impression que tout date d'hier et quand j'y repense, je me demande si tout était vrai. C'était bien, la forêt. Que. Des. Fragments. Cher carnet, est ce que je suis entière ? C'est flou, c'est fou. Il est temps de se souvenir. Parfois, pas trop souvent, juste quand il le faut.

Juste pour se rappeler que l'on ne regrette rien, du moins pas grand chose. Faut se souvenir que ça va. Que ça a été. Que y'a eu des trucs bien. C'était le temps du vélo, ce sombre héro. Je souris. Je suis contente. Je crois que je me souviens. De qui je suis.

Une fille qui aime rire et se laisser porter où le vent l'emportera. Avec un cœur de noirs désirs où tout est à l'endroit et à l'envers mais j'ai jamais été pressé de ressentir. Tout est là, au bon moment. C'est que c'était écrit, quelque part. Quand on était encore perdu. 

T'as capté la réf ? C'est là d'où je viens.

09/02/2023 Noir Désir - Le vent nous portera

Céleste  [TERMINÉE]Where stories live. Discover now