Chapitre XVII

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XVII

La carriole de Friede ne tarda pas à s'enfoncer dans les rues de la capitale. Il fit un crochet par les Faubourgs, se détourna de la route qu'il devait prendre pour s'approcher autant qu'il le pouvait sans paraître trop suspect de la route qui conduisait au Palais, au sommet d'une légère colline, et laissa Hannah sauter au pied de celle-ci.

– Quoi que tu sois venue faire ici, je te souhaite bonne chance, Hannah – j'ai comme l'impression que tu en auras besoin. Adieu !

– Au revoir, Friede.

Le jeune homme poussa jusqu'au bout de l'avenue pour faire demi-tour et gagner le hangar de son drapier. Hannah prit une grande inspiration et avança droit devant elle.

Cinq minutes plus tard, elle sentait une main lui barrer le passage. Elle avait remonté la pente douce de l'allée du palais ; deux gardes royaux dans leurs guérites gardaient la grille de fer forgé et la barrière qui en défendaient l'accès. Dix mètres d'allée de gravier plus loin, au milieu des luxueux jardins pelousés qui l'entouraient, se dressait Buckinghamsplace Palace – et, quelques centaines de mètres de couloirs plus loin, la salle du trône et S. M.

– Halte là, Mademoiselle. Où croyez-vous aller comme ça ? Je vais devoir vous demander de faire demi-tour.

Hannah ne répondit pas, inclinant la tête comme pour voir le palais sous un autre angle.

– Qu'est-ce qu'elle fabrique ? Tu pense qu'elle est sourde ?

– Attends, sa tête me dit quelque chose... fit le second garde.

– Bon, de toutes façons, on va devoir appeler les collègues. Arrête-la !

– Mais oui ! C'est Clemence Hawcourt ! La renégate complice des XXIs !

Hannah ne cillait pas. Elle semblait perdue dans un autre monde.

– Va chercher des renforts. Je m'occupe d'elle, préviens l'intérieur.

Hannah sentit une main lui agripper violemment le bras. Elle se débattit, et se sentit maîtrisée. Elle aurait peut-être eu la force de se libérer, mais elle ne voyait pas où cela l'aurait menée. Le garde lui fit une clé de bras et elle sentit des menottes lui enserrer ses poignets. Bientôt cinq hommes l'encadrèrent ; on la poussa le long de l'allée. Elle se sentit tirée, elle monta quelques marches, arpenta des couloirs ; on la promenait dans tous les sens, elle n'y faisait même plus attention.

Elle fut mise à genoux ; on lui fit baisser la tête. Elle n'aimait pas cela du tout.

Un rire emplit la pièce. Un rire cruel, puissant, dévorant, un rire qu'elle reconnut immédiatement.

S. M.

La rage pulsa dans ses veines ; cette haine la réveillait soudainement, elle revit tout ce pourquoi elle avait avancé jusque là, et la puissance d'Haars Besoor lui fit lever la tête en dépit des bras qui pressaient dessus. Elle écumait d'une colère noire.

– Laissez nous, fit la souveraine suprême avec un geste de la main.

Elle savait son ennemie aveugle et enchaînée, elle ne craignait rien. Les gardes s'exécutèrent ; la reine descendit de son trône haut-perché – devant un être dépourvu de la vision, il ne lui servait à rien de dominer par les hauteurs –, ses talons claquèrent sur le sol. Sa robe noire et or à collerette traînait derrière elle ; ses cheveux châtain qui argentaient avec l'âge étaient relevés en un immense chignon et faisaient presque disparaître le diadème à fines branches qui ornait son front. Elle se remit à rire ; sa traîne effleurait Hannah tandis qu'elle effectuait quelques cercles autour de l'Élue agenouillée.

– Personne n'échappe à S. M., ma chère petite médiocre Hannah. Et certainement pas une XXI. Tu as bien trop traîné. Tu devais retrouver tes chiens galeux de frères ; tu devais me conduire à eux ; je voulais te tester, pour voir si tu serais rapide. Au final, j'en ai profité pour te donner une leçon. Tu as vu ce qui t'attends si tu tentes de m'échapper ; je suis partout. Désormais tu ne peux plus que t'incliner, de gré ou de force. Ton espèce est vouée à la mort ; mais j'ai la puissance de jouer avec la vie de qui bon me semble. Je voulais vous expérimenter, vous faire souffrir, vous étudier... Comprendre ce qui vous a poussé, vous et vos parents, à détourner votre regard de ma puissance, et quel était le but de votre ridicule mouvement sectaire, écrasé dans l'œuf par mes soins. Mais ce petit jeu a assez duré. Tu as échoué, incapable que tu es. Je vais donc trouver ce qui reste de ta race moi-même, c'est-à-dire en me servant de toi, mais pus de la même façon. Je sais que tu peux les trouver. Et tu les trouveras ! Tu les trahira toi-même, vous vous déchirerez entre vous avant de trouver la mort devant ma puissance. Enfin, je révélerai bientôt ta véritable identité, avant de te faire fusiller place du Peuple. Je t'épargne l'humiliation de la guillotine parce que tu m'amuses. Tu périras debout, sans devoir plier le cou. Tu me plais bien, dans le fond. Enfin, tu n'as pas encore terminé, oh non ! Avant même de faire de toi un chien de chasse pour retrouver les derniers XXIs, je vais te faire souffrir, je vais puiser ton sang et graver ma haine pour les tiens sur ta peau nue ; je te ferai dire tout ce que tu sais sur vos rituels païens et les crimes de tes pères ; tu rejetteras tout ce que tu as connu, tu ne seras plus rien. Et quand j'en aurai fini avec toi, oh, crois-moi ! Tu me supplieras à genoux de te laisser mourir.

Dans ses cercles consécutifs, elle avait fini par tourner le dos à Hannah, qui fulminait toujours la face presque contre le sol. Elle se dirigea vers le fond de la pièce pour regagner son siège royal et claqua vivement des doigts.

– Emmenez-la, lança-t-elle sans un regard en arrière aux deux Hommes en Violet qui accouraient de derrière les tentures pourpres encadrant le trône.

Alors, que pensez vous de ce chapitre ? Que va-t-il se passer pour Hannah ? Que va-t-elle faire ?






Les Gardiens de l'Œil (Les XXIs, livre II)حيث تعيش القصص. اكتشف الآن