Chapitre XXXII

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 XXXII

– Qu'est-ce qu'elle fabrique ? Ça fait au moins quatre heures qu'elle est dans ce bois ! s'énerva Dietr.

Il marchait de long en large et envoya voler un tas d'herbes sèches d'un coup de pied.

– Je vais me la faire. Elle se fout de nous. Je vous jure, je vais me la faire. Je lui avais pourtant fait un beau discours sur le devoir... Et elle s'assoit dessus ! Décidément, elle me déçoit.

– Tsk, fit Oskr. Dietr... Tu n'es décidément pas digne de notre Ordre, rassieds-toi, sois patient, et cesse donc de me faire honte. Calme-toi. Les instructions de la reine avant tout.

– Non, j'ai une meilleure idée. Reste assurer les arrières avec tes hommes, Oskr. Si ces maudits XXIs sortent, trouez-leur la peau. Je prends mes gars et on va faire une battue dans les bois.

Il se tourna vers les soldats allongés dans l'herbe.

– Debout ! Les armes au poing – dès que vous en verrez un, tirez. On avisera de faire des prisonniers une fois qu'on en aura refroidis quelques-uns. La petite blonde aux yeux dégueulasses, vous me la laissez. D'ailleurs, S. M. la veut vivante.

Il n'était pas totalement honnête ; à vrai-dire, il ne les trouvait pas si dégueulasses que ça, ces yeux – ils avaient leur charme et étaient aussi repoussants qu'attirants. Il fit craquer tous les os de ses deux mains d'un seul coup.

– En avant.

Et, joignant le geste à la parole, il s'avança vers le bois. Il écarta les branches et ne vit que des arbres, tous équidistants et aux troncs presque collés, à perte de vue.

– Où diable est-elle partie ? siffla-t-il, comprenant à peine comment elle avait pu disparaître si facilement dans un bois aussi touffu.

Il semblait impossible que des fugitifs puissent s'être établis dans un bois aussi peu accueillant.

Il entra, écartant les branchages avec violence. Soudain les arbres fusèrent à toute vitesse devant ses yeux, l'entourant, le précipitant, l'emprisonnant ; il se sentit projeté, son pas s'accéléra, et en trébuchant un peu, il sortit de l'autre côté du bois qui semblait pourtant immense quelques secondes auparavant.

– Mais... que... ?

Il était désorienté. Il se retrouvait seul, du côté opposé du bois, avec un groupe de ses soldats accroupis, terriblement tendus et les doigts déjà posés sur la détente de leur arme.

– Par la grandeur de la reine ! s'écria l'un d'eux, parlant pour tous les autres. Monsieur Dietr, vous nous avez fait peur. Qu'est-ce que vous faites ici ? J'ai bien failli vous envoyer du plomb dans la tête.

– Vous n'avez vu personne passer ? La fille ne s'est pas enfuie ?

– Non, chef, répondirent les autres.

– Bon, alors elle est toujours dans cette maudite forêt. Taisez-vous tous. Tenez-vous prêts. J'ai l'impression qu'il va bientôt se passer quelque chose. Je vous tiens au courant, alors surtout ne vous relâcher pas – le premier qui bouge aura affaire à moi.

– Oui, chef.

Il repassa par le bois, cette fois avec prudence et délicatesse. A nouveau, son pas s'accéléra de lui-même, les troncs l'étourdirent, et il ressortit de l'autre côté, en trébuchant presque.

Ses hommes le regardèrent sans comprendre ; on aurait dit qu'un enfant l'avait poussé.

– Qu'est-ce qu'on fait, chef ? s'enquirent-ils.

Les Gardiens de l'Œil (Les XXIs, livre II)Donde viven las historias. Descúbrelo ahora