Chapitre XXXVII

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XXXVII

– Vous êtes tous mes frères.

Le ton de Maïke était grave, et son regard implacable. Drapé dans un manteau de fourrure et assis sur son trône de bois, il dominait la foule des Fuyards qu'il avait fait rassembler dès le réveil.

– En tant que tels, j'ai en vous la plus grande, la plus aveugle des confiance. Je placerais ma vie entre vos mains sans hésiter, et je sais que vous en feriez autant, car c'est pour cela que vous êtes ici. Clemence n'était pas avec nous depuis très longtemps. Ce n'était pas la plus chère à notre cœur, ce n'était ni la plus généreuse, ni la plus aimable, ni la plus vertueuse, et certainement pas la plus brave. Mais elle était des nôtres tout de même. Nous l'avions acceptée et nous l'aimions parce qu'elle s'était confiée à nous. Par conséquent, aucun d'entre nous ne peut avoir agi de la sorte. Une seule personne est suspecte ; une seule personne est coupable ; une seule personne n'a pas sa place ici.

Les yeux du chef se resserrèrent avec haine tandis qu'ils se posaient sur Hannah. Örka couvrit sa bouche de sa main tandis que ses yeux s'arrondissaient d'horreur. Ne voulant pas attirer l'attention sur elle, elle baissa le regard. Elle ne pouvait pas y croire.

– Hannah Huckledown. Tu oses venir ici alors que tu n'as pas à y être, et tu tues les nôtres ? Tu te prétends l'Élue – est-ce donc cela que d'être choisie par Haars Besoor ? Croyez-vous que celui qui nous guidera dans la Prophétie nous aurait abandonnés, avant d'usurper de notre confiance pour mieux commettre un meurtre ? Voulez-vous encore de cette prétendue camarade et aspirante chef, je vous le demande ?

Un murmure désapprobateur parcourut l'assemblée.

– Tu ne réponds donc rien, mécréante ? Tu es encore plus lâche que je l'aurai cru. Tu n'es même pas capable d'imposer le respect, encore de te défendre. Tu ne mérites pas de vivre. Tu es le genre de femme qu'on veut empoigner par les cheveux pour mieux écraser dans la boue. D'ailleurs, c'est ce que je vais faire.

Il s'appuya sur ses accoudoirs pour mieux se lever et se dirigea vers elle d'un pas ferme.

– Maïke... ne...

Il tendit le bras pour stopper net toute réplique.. Il émanait de lui un tel sens naturel de l'autorité suprême, une telle puissance presque surnaturelle, qu'Örka fut coupée immédiatement de toute envie de protestation.

Il saisit quelques mèches d'Hannah d'un geste vif, avant de lui empoigner les cheveux fermement. Elle s'agita en vain : il avait une poigne de fer, et il fallait bien reconnaître qu'il s'accrochait solidement à son scalp. Il la tira sur quelques mètres sous ses hurlements avant de la jeter violemment au sol sur une zone boueuse, où des restes de neige avaient fondu sur la terre. Il pressa la semelle de sa bottine sur sa joue

– Tu comprends quand on te parle comme ça, hein ? Réponds !

– Cre... crevard...

Il lui envoya un coup de pied dans le ventre, et tandis qu'elle criait et se tordait de douleur, il la redressa pour lui parler bien face.

– Tu me dois le respect, tu m'entends ! Tu mériterais que je te tue. Mais je ne suis pas un couard comme toi. Je ne veux même pas savoir pourquoi tu as égorgé Clemence, mais n'essaie même pas de nier – il y a son sang dans ta tente.

– Oh, je ne le nie pas.

– Tais-toi ! Tais-toi quand je te parle !

Il la secoua sans ménagement.

– Maïke.

Winter se dressait en face de lui, appuyée sur sa longue lance, une main sur la hanche.

Les Gardiens de l'Œil (Les XXIs, livre II)Where stories live. Discover now