Épilogue

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– Alors comme ça, tu veux me quitter ? fit Hannah d'un air faussement irrité, son menton posé dans le creux de sa main.

Elle se tenait assise sur l'ancien siège d'or de la Reine, dans la grande salle du trône tendue de bleue du premier, et dont le sang et la cervelle éparpillés, ainsi que les multiples cadavres, avaient été soigneusement enlevés.

– Je suis sûre qu'au fond de toi, tu comprends très bien, répondit Örka dans un petit sourire.

– C'est parce que tu fais une overdose de fleur de lys ? Tu sais qu'on a été très occupés avec l'Allemagne, mais que maintenant, on va redécorer et tout réaménager comme on voudra. Je suis sûre que XXI Palace te plaira beaucoup plus.

Son interlocutrice eut un petit rire.

– Si tu préfères, tu n'as qu'à le garder ici, répliqua-t-elle – mais on entendait bien à son ton qu'elle ne plaisantait pas tout à fait.

– L'exil, c'est son châtiment, et il l'a bien mérité. Et puis, ce sont des ordres du Suprême...

– Ne sois pas de mauvaise foi, tu es très consentante. Voire même ravie. J'ai l'impression que tu n'écoutes ton maître que quand cela t'arrange.

– Crois-moi, quelques années en Hongrie feront de lui un autre homme ! conclut Hannah d'un air enjoué, ignorant tout à fait l'accusation. Et puis, il faut bien que j'en envoie des nôtres là-bas.

– S'il nous quitte, tout le monde voudra le suivre. Tu sous-estime son charisme.

– Je n'en suis pas si sûre. Et puis, ne discute pas les ordres de ta souveraine, petite effrontée !

– M'ordonnerez-vous donc de rester ici, enchaînée à vos côtés, Majesté ? demanda-t-elle en esquissant une petite moue triste.

Hannah soupira.

– Tu ne comprends toujours pas ? s'impatienta Örka avec un franc sourire. Tu peux au moins reconnaître qu'il est super beau !

– Mmm... J'avoue qu'il n'est pas mal. Mais niveau vertu, on repassera. Je suis sûre qu'il te trompe avec Winter – est-ce que tu l'as un peu regardée ? Je ne savais pas qu'on en taillait encore des comme ça.

– Tais-toi un peu ! Maïke n'est pas comme ça !

Elle donna une petite tape sur le bras de son amie.

– Enfin, je suis contente de te retrouver, même si ce n'est pas pour longtemps, ajouta Hannah. Si tu tiens tant que ça à goûter les spécialités culinaires hongroises, je ne peux pas te retenir. Pareil pour les délices conjugaux. Allez viens ici, ma diplomate chérie ! Et promets-moi que tu me rendras visite.

Örka sauta sur le trône et la serra dans ses bras.

– C'est promis, lui murmura-t-elle à l'oreille.

– Ça, au moins, c'est réglé. Je vais faire rentrer les autres. Entre le palais, les autres coins d'Angleterre, l'Allemagne, la Hongrie et une personne que je compte placer à la cour de France pour sceller notre alliance, il y a de quoi faire !

Örka descendit tandis que la porte s'ouvrait et que tous les XXIs entraient, suivis des Fuyards.

– Bien, dit Hannah dans un sourire que peu apprécièrent, il est temps de décider où nous iront ensuite. C'est ici que nos chemins se séparent, pas pour longtemps j'espère. Maïke, Örka et Meerk partent demain pour la Hongrie. Il me faut un groupe pour l'Allemagne, un négociateur pour la France et le reste peu soit s'établir ici, soit partir dans différentes régions d'Angleterre que je leur assignerai.

– J'irai avec Maïke, déclara Benn, le premier à oser sortir de la foule.

– Accordé, répondit Hannah. Ensuite ?

– Nous souhaiterions rester à tes côtés, fit savoir Puy, tenant toujours Lii par la taille.

– Moi aussi ! pépia Judi.

Hannah prenait un réel plaisir à observer ses sujets comme ses frères de souffrances pour mémoriser leur physique. C'était si agréable. Le charmant visage rond et rose encadré de cheveux presque roux de Judi lui rappelait un ange. Elle hocha donc la tête en réponse à la demande de cette dernière, ravie.

Clarisse opta pour la France Hannah avait pensé à elle dès le début, elle parlait à peu près correctement le français, possédait une froideur et une politesse un peu cachée qui pourraient lui être utile, elle savait dissimuler – et surtout elle n'était vraiment attachée à personne. Garan, Sauri, Bau et Tarr demandèrent tous ensemble à s'établir au palais, une excellente façon de n'être pas séparés. Praag et Östark iraient s'installer en Écosse comme couple régent et presque tous les autres partirent soit pour l'Allemagne, soit pour la Hongrie. Winter, souhaitant garder quelque distance et parfaire son maniement des armes, demanda à intégrer la garde du palais.

Et bientôt, Buckinghamsplace Palace changea du tout au tout. De grands appartements furent aménagés pour ses résidents permanents, et une aile fut consacrée à prévoir assez de chambres d'invités pour que tous les Fuyards puissent séjourner en même temps au même endroit. Ceux qui étaient restés prenaient leur repas dans la grande salle à manger du premier. Hannah fit tendre d'un nouveau bleu, plus neuf, sa salle du trône, changea même le royal siège, et occupa les appartements de feu la grande reine après les avoir entièrement remeublés. Enfin, elle reconvertit la Cathédrale de la Rose, la pierre à l'Œil ouvert toujours en place, en Temple du Suprême – et bien que ce fût là son nom officiel, il resta dans toutes les mémoires comme la Cathédrale de l'Œil-Rose. L'intérieur était simple, presque initiatique, à l'image du village originel, de son arbre et des Premiers. Et la grande rose de pierre sculptée qui décorait l'intérieur de la nef, avec les débris de verre coloré de l'ancienne rosace, fut transportée jusque dans la Rétine.

Parfois, Hannah repensait à sa vie. C'était un sujet de conversation assez inépuisable, car désormais tous s'étaient remémorés leur passé – et pour certains, c'était très difficile. Elle et Örka pensaient souvent l'une à l'autre – et quand elles le faisaient en même temps, malgré la distance, elle pouvait toujours sentir les pensées de l'autre. Une sensation agréable les remplissait ; elles s'enfermaient chacune de leur côté, fermaient leurs paupières, et, chacune dans un pays différent, elles partageaient leur plénitude et exploraient les possibilités de ce lien. Leur connexion était unique – bien que Hannah soit désormais très attachée à Lii et à Judi.

Dans les premiers mois de son règne, elle avait le vague sentiment que maintenant qu'elle était amenée à gouverner son empire, plus rien ne pourrait lui arriver. Mais toutes les choses, la paix, l'harmonie et le bonheur les premiers, ont une fin. Et même une impératrice n'est jamais à l'abri des plus cruelles déconvenues.

//Donnez-moi votre avis, c'est le moment ou jamais ! Et lisez la prochaine partie, j'ai une petite question pour vous ^^//


Les Gardiens de l'Œil (Les XXIs, livre II)Where stories live. Discover now