Chapitre XLV

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XLV

– Votre Majesté, interpella Varvadon en entrant dans le bureau du premier, le Conseil est prêt.

– J'arrive, répondit la Reine sans relever les yeux du tas de papiers qu'elle devait signer.

Elle pressa l'un des nombreux boutons de son bureau tout en parcourant un compte-rendu. Entre l'organisation des exécutions, la préparation des défilés, les multiples arrestations et la guerre en marche, elle avait bien plus de travail qu'à l'accoutumée. Jess se précipita dans la pièce par une porte de service dissimulée dans les tentures.

– Réunion avec les conseillers dans cinq minutes. Robe noire, couronne, ajuste ma coiffure, indiqua la Reine tandis qu'elle passait en revue des colonnes de chiffres.

Jess courut appeler ses trois assistantes qui préparèrent tout le nécessaire tandis qu'elle retouchait le maquillage et les cheveux de la Reine, avant de l'habiller avec sa rapidité exemplaire et de lui poser sa couronne sur le chignon travaillé orné de mèches ondulées avec soin qu'elle venait de parfaire.

– Vous êtes prête, Majesté, annonça-t-elle en effectuant une révérence.

Elle sortit dans le couloir de service, tandis que S. M. faisait de même, mais par l'entrée principale. Viola traversa presque toute une aile du palais, sa traîne frottant les tapis impeccables en un bruissement étouffé. Finalement, elle arriva devant les deux lourdes portes de la petite salle du conseil. Un portier les lui ouvrit, dévoilant une immense table couverte de dossiers, tout en s'écriant :

– Sa Majesté la Reine !

Tous les conseillers se levèrent à l'unisson, se dressant tous au garde-à-vous à droite de leur chaise.

– Asseyez-vous, ordonna-t-elle. Nous n'avons pas de temps à perdre.

Les deux battants se refermèrent et elle prit place, réorganisant les divers documents que Varvadon lui avait préparés.

– Messieurs, je dois vous annoncer le dernier plan que je m'apprête à mettre en place avec votre aide. Quitte à ce que la parade soit moins imposante, je tiens à ce que l'élite, et une bonne masse de soldats de bas étage type chair à canon, n'y participe pas. Je veux que l'Allemagne voie nos défilés par intercommunication – alors que, dès demain, nous les attaquerons.

– Comment ? s'offusquèrent des magistrats et des officiers à l'opposé de la pièce.

– C'est un risque, certes, mais qui en vaut la peine. Nous enverrons quelques milliers d'hommes dans des avions. Ils bombarderont Berlinerplatz et seront parachutés par surprise, au petit matin. Il faut qu'ils partent cette nuit. L'ennemi ne s'y attendra pas, et nous aurons l'avantage.

– Et s'ils nous écrasent ? Nous risquons fort l'infériorité numérique, souligna le colonel Hutz.

– C'est un risque à prendre. Si l'opération se solde par un échec, nous seront toujours en mesure de riposter avec le restant de nos armées, les forces hongroises récemment raflées et le soutien des troupes françaises.

– Votre Majesté, je pense que...

– Suffit ! coupa-t-elle en tapant du plat de la main sur la table.

– Je vous soutiens, Votre Majesté, déclara un officier.

– Je n'ai besoin du soutien de personne. La décision est prise, je ne l'ai pas apportée au conseil pour que nous la discutions et il nous reste très peu de temps. Câblez immédiatement les ordres, préparez les avions, et organisez les soldats – pas d'inquiétude, la majorité a été d'ores et déjà prévenue. Il est cinq heures trente ; ils doivent être partis, avec ceux d'entre vous qui sont leurs supérieurs, dans sept heures. Exécution !

Les Gardiens de l'Œil (Les XXIs, livre II)Where stories live. Discover now