Vénus a froid

Chapitre 13

Faolàn l'arrête net dans son élan à deux mains tendues et la plaque brutalement contre la construction en bois qui grince lugubre. Elle pousse un gémissement sourd lorsque ça tape contre son dos, déjà en sal état et qu'elle sent le bois frotter sa peau par-dessus ses habits amochés.
« Tu tiens vraiment à y passer, princesse. J'aurais cru qu'une gamine qui se défend autant est un peu plus d'intelligence.», grogne le guerrier avant de se baisser pour ramasser la corde au sol. Mains puis chevilles sont ligotées, une corde lui entour la taille, une autre, les genoux. Finalement, il en enroule une dernière autour de ses coudes. La jeune femme est immobilisée et lentement, cruellement, la peur cru de l'homme face à la mort fait son apparition. Elle tente de tirer un peu sur ses bras mais lorsqu'elle le fait, une douleur foudroyante lui remonte jusqu'à l'épaule, la douleur de la corde qui lui rappe la peau blanche et fragile. Elle ferme les yeux.

Freyja ne bouge plus et sa tête tombe lourdement sur sa poitrine. Ses cheveux en bataille glissent en avant et lui voilent le visage.

Des pas approchent et elle entend quelqu'un parler. Les mots se perdent dans le brouillard de ses pensées, elle n'arrive pas à leur donner un sens et finit par ne même plus essayer. Elle ne relève pas la tête. La voix est imposante. Dure. Cruel. Glacé. Elle n'annonce rien de bon et Freyja sent la sueur froide lui couler le long de la colonne vertébrale, le long de son front et de ses sourcils. Elle sent qu'on s'approche d'elle. Elle garde les yeux fixés au sol, espérant qu'elle se trompe, espérant qu'on la laisse tranquille tandis que son cœur accélère et accélère dans sa poitrine. Elle sent brusquement des doigts sous son menton. Déglutit. Elle reconnaît Faolàn qui lui relève la tête, lentement. La jeune femme sent un frisson désagréable la parcourir. Le toucher du jeune homme est désagréable, ses doigts rugueux et glacés sont recouverts de plaies sales, ça sent le fauve. Elle sent la bile lui remonter dans la gorge.

Il l'oblige à le regarder dans ses yeux bleus glacés. Il se passe sa langue sur ses lèvres gercées avant de parler.

« C'est Vam. », annonce-t-il en désignant l'autre homme de la tête, ses cheveux blonds lui tombant dans le visage dur. Le nom ne dit rien à Freyja et elle ne réagit pas. N'a aucune mimique. Faolàn grogne, sourcils froncés. « Vam est le chef, gamine. Ce qu'il dit doit être fait. Dans quelques heures, ma petite, je vais partir pour le dernier village en ces lieux : tu seras à sa merci et à celles des autres hommes. Si tu es encore en vie ensuite, nous quitterons ce territoire pour avancer vers le nord ou nous attendent les prochains villages. »
Faolàn lui offre un sourire carnassier après lui avoir fait un clin d'œil salace et brusquement, se penche en avant pour lui dévorer les lèvres. Une petite voix hurle de dégoût dans la tête de la jeune fille mais elle ne bouge pas, ne bouge ni ses lèvres, ni sa tête. Elle attend que ça passe. Elle ne peut rien faire d'autre.

Finalement, Faolàn s'écarte d'elle. Il lui caresse la joue puis se penche à son oreille, plaçant ses lèvres tout proche.
« Je dois y aller, petit oiseau, essaie de survivre, ça m'arrangerait. », murmure-t-il en riant doucement. Freyja sert les dents. Parce que ça t'arranges, j'en mourrais volontiers, monstre.
Il s'écarte d'elle, ses yeux la fixant encore une dernière fois. Il se retourne ensuite et s'éloigne à grand pas, faisant, avant de disparaître hors de vue, un salut moqueur à Vam qui lui, n'a pas bougé d'un centimètre. Lorsque Faolàn n'est plus visible, il s'approche de Freyja à pas lents. Il l'observe un instant puis lui prend la tête dans les mains, éloignant les boucles brunes qui lui cachent le visage de ses doigts épais. Il tourne son visage de gauche à droite, un sourcil levé.
« Plutôt jolie, la gamine. », grogne-t-il en souriant un peu, un sourire sal qui donne envie à Freyja de disparaître dix pieds sous terre, se sentant nue sous le regard de ces petits yeux.
Doucement, il baisse une main et tire sur le haut de sa robe et peu à peu la dénude entièrement. Freyja ferme les yeux. Sois forte. Sois forte. Ça va passer. Sa main immonde et souillée lui caresse la peau et des larmes se mettent à rouler le long des joues de Freyja tandis qu'elle se force à rester immobile, tandis qu'elle sent son estomac se retourner et son cœur se briser en un million de morceaux et qu'elle ne peut rien montrer et qu'elle doit garder une position neutre.
Vam sourit, et des dents noirs et poisseuse se dévoilent au jour, lui donnant un aspect plus immonde encore.
« Tu ne cries pas? Tu n'hurles pas à l'aide? Mais quelle force, petite, tu m'impressionnes ! » il descend un peu plus sa main, touchant sa poitrine gelée à la peau douloureusement tendue « Voyons voir jusqu'où tu vas tenir. Combien de temps. »
Freyja serre un peu plus les dents. Elle veut hurler. Elle veut crier à l'aide. Mais elle ne le fait pas, car elle sait que ça ne ferait qu'empirer les choses et que de toute façon, personne ne lui viendrait en aide. Elle est seule, seule et exposée à une bande de bête mais elle veut survivre. C'est tout ce qui compte. Alors elle attend, elle serre les dents et enferme son esprit dans une bulle tout au fond de son être, un refuge auquel elle seule à accès. C'est comme si elle était là sans vraiment l'être. Et elle ne réagit pas. Ne bronche pas. Ne tremble plus.

Elle ne réagit pas au froid qui lui ronge la peau.
Elle ne réagit pas lorsque la deuxième main s'abat sur son corps.
Elle ne réagit pas lorsque Vam descend encore plus dans ses caresses.
Elle ne réagit pas lorsqu'il se dénude à son tour.

Et Freyja ne réagit pas non plus lorsqu'il la viole en lui marmonnant des injures, disparaissant juste après sans se retourner, ses pas crissant dans la neige.
Seule, nue et saignante, elle ne bouge pas, ne pense pas, des larmes de honte, de détresse et de colère enfouies roulant sur ses joues couleur de neige.