Chapitre 21

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Au bout de longues minutes, la jeune fille retrouve le chemin qui mène au lac. Les arbres autour d'elle sont secoués par un vent froid et des flocons de neige glace ses mollets dénudés. Elle frissonne. Lorsqu'elle arrive, elle jette un rapide coup d'oeil à gauche puis à droite pour être sûre qu'il n'y ait personne.

Rapidement, elle enlève sa robe. Elle observe son reflet dans l'eau et déglutit. Son visage est creusé, crasseux, comme ses cheveux qui forment une masse difforme. Ensuite, elle sert les dents et rentre dans l'eau. Elle a l'habitude de se baigner dans des eaux glacées, elle ne ressent qu'un frisson et des picotements sur la peau dénudées.

Une fois son corps propre, elle laisse tomber sa tête en arrière et commence à se laver les cheveux, démêlant les noeuds à l'aide de ses doigts. En même temps, elle entonne une vieille chanson populaire.

Dans un lieu froid et vide
Souffle le vent humide
Mon amour n'est plus là.
Mon amour n'est plus là.

Elle a juré fidélité
Une bague comme preuve m'a-t-elle donné
Elle n'a pas tenu ce qu'elle a juré
En deux morceaux la bague s'est brisée.

Je veux à cheval me rendre
Dans des batailles sanglantes
M'allonger près d'un feu, loin
Dans un champ et une nuit sans fin.

Quand j'entends ce vent souffler,
Ce que je veux, je l'ai oublié.
Ce que je préférerais, c'est mourir
Pour que je n'entende plus ce vent sourire.

Freyja sent son corps se relaxer, cette chanson évoquant des souvenirs heureux d'enfance, lorsque ses parents étaient encore vivant. Sa mère était morte à la naissance de son troisième enfant et son père était mort dans un combat.
Où son frère aîné est, elle l'ignore: il était parti une nuit et jamais revenu.
Elle soupire et sort de l'eau, le coeur mélancolique. Sa peau est rougit par le froid.

Freyja grimace. Outre la douleur des blessures, sa poitrine lui semble lourde et inconfortable: elle la frotte un peu, essayant de la réchauffer car persuadée que le mal est dû au froid.
Elle se frotte ensuite tout le corps pour le sécher et enroule sa tignasse en natte.
Elle attrape sa robe pour la remettre.

Brusquement, un mouvement attire son attention.
Un animal ?
Freyja enfile sa tunique et ses chaussures d'une main tremblante. Une branche craque. Elle sursaute. Elle se rapproche lentement.
"Il y a quelqu'un?", dit-elle d'une voix incertaine plus pour se rassurer.

Un animal. Ça ne doit être qu'un animal... Elle écarte les branches. Une autre branche craque, elle entend une respiration haletante, saccadée.
Encore un pas en avant.

Freyja déglutit, elle n'est pas sûre de vouloir savoir qui se trouve là, qui l'a observée nue, qui l'a regardée se baigner...

Un dernier centimètre et elle y est. Freyja relève la tête.
"Ce n'est pas... Pas ce que tu crois.", dit alors cette voix qu'elle commence à si bien connaître.

Faolàn.

Ses yeux bleus la fixe et il a les joues rougies.
Comment pouvait-il... Il avait osé...
La main de Freyja part toute seule et s'abat durement sur la joue du jeune guerrier. Son coeur accélère et peu à peu la colère la gagne.
"Comment peux-tu? Tu n'as donc jamais appris qu'on n'espionne pas les gens qui se lavent? Sal voyeur! N'as-tu donc aucune once de respect dans ton corps de brute ?"
Des larmes se forment dans le coin de ses yeux, elle croise ses bras devant sa poitrine. Elle a soudainement très froid, trop froid. Faolàn, baisse les yeux avant de parler.

"Je ne suis pas venu pour t'espionner. Tu n'es pas le centre du monde tu sais! Ce lac est l'endroit où je viens pour réfléchir, je n'avais pas prévu que tu viennes aussi!"
"Tu aurais pu partir!"
"Tu m'aurais entendu! Tu m'aurais découvert aussi!"
Freyja reste bouche bée.
"Alors c'est ça?Tu t'es dit que comme tu allais être vu de toute façon, tu pouvais très bien rester admirer le spectacle?"
Faolàn grogne. Il n'a pas l'habitude de ce genre de discussion.
"J'en ai rien à foutre de ton corps! Si je veux voir une femme nue, je peux en choisir une au camp! Et crois-moi, elles, ça ne les dérange pas. Je suis resté parce que... Ça ne te regarde pas!"
Une larme roule sur la joue de Freyja.
"Sal monstre", dit-elle une première fois, "Sal monstre, sal monstre!"

Elle se met à tambouriner sur son torse en répétant ces deux mots comme une litanie. Faolàn la pousse brusquement contre un arbre et presse ses poings à côté de la tête.
"Tu vas arrêter, oui?", hurle-t-il mais Freyja se débat en continuant à crier.
"Tais-toi!"
Elle ne se tait pas.

Il plaque ses lèvres contre les siennes.
Freyja se paralyse.
Qu'est-ce qu'il fait? Mais qu'est-ce qu'il fait? Il va me violer aussi? Non! Non... Non!
Son coeur accélère tandis qu'elle tourne la tête pour échapper aux lèvres du jeune homme. Sa respiration accélère, elle a peur, elle a peur,...
Elle sent qu'on l'allonge par terre, elle se met à pleurer plus fort, elle tente de se protéger avec ses mains...
L'agression ne vient pas.

Elle sent que quelqu'un lui caresse la joue, presque frénétiquement.
"Je ne vais rien te faire", murmure Faolàn et peu à peu elle se calme, se sentant humiliée qu'il l'est vu perdre ses esprits.
Elle tourne la tête vers lui.
"Tu peux me ramener au camp?"
Il hoche la tête et l'aide à se lever. Freyja est un peu chancelante. Elle fait quelques pas tremblant. Tout d'un coup, elle ne sent plus le sol et son corps est pressé contre Faolàn.
Elle lui jette un regard interrogateur.
"Je t'en dois une malgré tout", grommelle-t-il, les joues rougies.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now