Chapitre 25

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Lorsque les hommes plient les tentes, Faolàn a l'image de Freyja en tête, son corps malade allongé dans la neige. Est-elle encore en vie?
Il enroule ses fourrures. Ce n'est plus ses affaires, il ne l'a reverra plus jamais de toute manière. Il se passe une main dans les cheveux blonds. Il soupire, énervé.

Alors pourquoi pense-t-il encore à elle? Pourquoi son image la hante depuis toutes ces nuits, lorsqu'il se roule dans ses fourrures et n'arrive pas à dormir?
"On y va Fao!", lui hurle Pranan et Faolàn grogne avant de tout mettre sur son cheval. Il avance et rejoint le reste des hommes.
"T'as la tête dans les nuages ou quoi ?", ricane son ami. Faolàn ne répond pas et n'émet qu'un grognement.

La troupe se met en marche, les pieds claquent le sol, on grogne, on fait des blagues salaces. Certains chantent, d'autres rient très fort. Il y a comme un semblant d'humanité chez ces hommes. Pour quelques heures, ils cherchent à oublier qui ils sont et ce qu'ils font. Faolàn reste perdu dans ses pensées.

Lorsqu'il fait nuit, Vam décide de s'arrêter jusqu'au lever du soleil, à la protection de la forêt. On installe tout, on fait un feu. Fatigué, le jeune guerrier rejoint le cercle qui se forme autour. Pranan lui lance un regard curieux.
"Tu n'as pas l'air... "
Faolàn hausse les épaules. Ces sentiments, ces stupides sentiments de culpabilité inexplicable qui le ronge. Il en a marre de voir le corps de Freyja presque sans vie en boucle et en boucle dans sa tête.
Il en a marre de se sentir faiblir.
Il en a marre d'avoir le coeur qui se compresse et fait mal.
Et puis en passant, il en a marre d'être ce qu'il est, de devoir faire face à son passé sordide.
Il n'en peut plus.
Il ne veut plus.
On lui tend l'alcool.

Faolàn hésite quelques instants et grogne avant de faire couler le liquide brûlant dans sa bouche.
Il veut oublier. Il veut redevenir la brute qu'il est, qui ne doit pas réfléchir et qui ne ressent plus.

Une gorgée et encore une, ça brûle la gorge, ça fait tourner la tête, il ne s'arrête pas. Certains hommes sont déjà saouls. Ils commencent à chanter. Certains dansent.

Faolàn boit encore, jusqu'à ce qu'il ne contrôle plus rien, jusqu'à ce qu'il soit drainé de toute émotion. Il se lève en titubant et rit à pleine gorge.
Les catins de Vam dansent autour des hommes en faisant jouer de leurs charmes.

L'une se rapproche de Faolàn, elle tourne ses hanches et lui lance des sourires aguicheurs. Il l'a déjà vue plusieurs fois. Elle est plutôt jolie, des yeux de biches, une longue chevelure sombre, des courbes où il faut. Il boit encore quelques gorgées, dans sa tête tout se mélange, l'image se dédouble légèrement. Il n'y fait pas attention et prend plaisir à observer la femme bouger son corps avant de poser ses mains sur elle.

Elle lui tend ses lèvres et il baisse la tête comme un rapace pour les lui embrasser. Elle a un goût d'homme au sucre, d'alcool au miel, de femme habituée. Elle pose ses mains sur lui, caresse son torse en ondulant.
L'envie et le désir submerge le jeune homme.

Il a besoin de sentir une femme.

Il écarte la prostituée un peu plus loin. Elle lui lance un sourire, sachant pertinemment ce qui va suivre. Il sent ses doigts sur lui, il pose les siens sur elle. Dans la pénombre, il ne voit plus vraiment qui il a en face de lui. Les cheveux lui cachent le visage lorsqu'elle le déshabille et se met à le toucher de sa bouche.
Faolàn pousse un grognement de plaisir, la femme sait ce qu'elle doit faire, il ferme les yeux, dans sa tête embrumée, quelqu'un d'autre le touche, quelqu'un d'autre l'embrasse.

Il regarde, confus, elle lui ressemble un peu, un peu, assez pour son imagination alcoolisée. Il se sent venir, gémit le nom de la femme qui le hante, la catin le regarde perplexe. Faolàn n'y fait pas attention, cette fois il la prend elle, plusieurs fois, jusqu'à épuisement. Il se rhabille et retourne au feu, on lui redonne de l'alcool qu'il ingurgite sans réfléchir.

Il voit double, les femmes sont belles, il se sent puissant, il rit, il danse, il chante.

La nuit passe et pour quelques heures sous les étoiles, Faolàn s'adonne aux plaisirs, avant de s'écrouler, inconscient, au sol même.

~***~

Un rayon de soleil le réveil et Faolàn ouvre doucement un oeil, puis l'autre. Sa tête est lourde et douloureuse, un goût aigre lui brûle la langue. Le jeune homme se passe une main dans les cheveux et ne bouge pas quelques secondes...
"Eh! Debout!", grogne quelqu'un et lui donne un coup de pied dans les côtes. Faolàn se tourne sur le côté avec un bruit rauque, les yeux fermés.
Il sait qu'il doit bouger s'il ne veut pas un deuxième coup.
Lentement, mobilisant toutes ses forces, il se pousse vers le haut et se lève.

Quelques heures plus tard, la troupe se remet en route. Pranan marche à côté de Faolàn. Celui-ci a du mal à se concentrer sur ses pas, il a mal partout, il a froid.
"Fao, tu n'aurait pas dû boire autant.",marmonne son ami, "C'est toujours la même chose avec toi."
"Tu n'es pas ma mère, Pran'", rétorque Faolàn faiblement. Pranan rit.
"Heureusement!"
Faolàn trébuche et se rattrape de justesse, cette fois l'autre lui jette un regard inquiet.
"Tu sais que ce soir on-"
"Je sais.", le coupe Faolàn en déglutissant. Il se reprend et ils continuent à marcher en silence.

~***~

Le campement en place, l'alcool consommé, la nuit tombée, Vam réunit la troupe autour de lui.
"Alors, vous êtes prêts?!", hurle-t-il.
Les hommes répondent en hurlant à leur tour et dans ces cris bestiaux, torses nus et armés, ils se mettent en route vers le prochain village, vers les prochaines têtes à couper, femmes à violer, richesses à voler, enfants à emmener, chiens à chasser, maisons à brûler!

Leurs pas raisonnent de manière funeste, au loin, quelqu'un sonne l'alarme. Ils n'auront aucune chance de toute façon, ils vont tous crever! Tous! Tous! Lorsqu'ils atteignent les portes du villages, les cris commencent, des hommes courent, des enfants pleurent, il pleut, les meurtriers entrent dans le village!

Emporté par la rage, aveuglé par l'alcool et la colère, Faolàn s'en prend à tout ce qu'il approche, il ne réfléchit pas. La peur dans les yeux des gens fait hurler son cerveau malsain de plaisir. Il a du sang pleins les mains.

Une jeune femme paniquée, seulement couverte d'une tunique blanche, des larmes dans les yeux, s'écrase contre son torse. Elle hurle encore plus fort, tente de reculer, il l'attrape avant qu'elle ne puisse fuire.
"Pitié... Pitié... Ne me tuez pas!", pleure-t-elle en secouant la tête de gauche à droite, livide. Faolàn sourit méchamment.
"Donne-moi une bonne raison de te laisser courir et je le fais."
Un cri aiguë échappe des lèvres de la jeune fille tandis qu'elle tente désespérément de trouver une réponse.
"Je ne vous ai rien fait... Rien fait..."
Il resserre son emprise sur sa gorge et elle suffoque.

"Tss, tss, mauvaise réponse mon amour!"
Elle se tortille et lève les yeux vers lui.
"Pitié... Tout ce que vous voulez... Je ne veux pas mourir, je ne veux pas mourir, vous voudriez mourir vous? Je n'ai même pas encore vécu!"
Faolàn approche son visage du sien.
"Pas mes affaires", il lui souffle sur les yeux et ricanent "Tout ce que je veux ? Oh si tu savez ce que je voulais... Tu préférerais mourir."
Elle halète tandis que ses dernières larmes sèchent sur ses joues.
"S'il-vous-plaît...", murmure-t-elle encore une fois, sans énergie ni espoir.
"Je suis navré", murmure Faolàn sarcastiquement avant de lui trancher la gorge d'un coup brusque.
Le tissu blanc de sa robe de chambre se teinte de rouge tandis qu'elle s'écroule au sol, les yeux grands ouverts, du sang au coin des lèvres...

Faolàn rit et brusquement se fige. La position du corps, la tunique blanche...
Freyja.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now