Chapitre 44

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Au bout d'un certain temps, Faolàn a froid, son corps n'a plus de force. Freyja n'a pas dit un mot depuis le début, ses joues brillent de larmes qui n'ont pas encore séchées et ses yeux grands ouverts sont encore sous le choc. Le jeune homme continue à avancer, à la recherche d'un abri pour la nuit. Bientôt, il quitte la forêt et se retrouve à avancer à pas lourds à travers des plaines glacées. Ses dents claquent entre elles.

« Freyja ? », chuchote-t-il. La jeune fille tourne légèrement la tête vers lui sans parler. Il la regarde un instant, ses lèvres teintées de bleues, son visage pâle, les yeux injectés de sang. Faolàn grimace et s'assoit au sol. Il attire la jeune fille contre son torse et l'entoure de la fourrure qu'il portait sur ses épaules. Elle se met à grelotter et il la sert un peu plus fort, avançant à reculons pour s'abriter derrière quelques arbres et rochers. Il s'appuie contre la pierre.

« Ça va aller », répète-t-il comme une litanie, une prière, « Ça va aller, gamine. »
Freyja renifle et lève les yeux vers son visage.
« J'ai tué un homme, Faolàn, je lui ai pris sa vie. Est-ce que ça fait de moi un monstre ? Je ne sais pas...Je ne me pensais pas capable de ça, je ne me reconnais plus ! »
Il ferme les yeux un instant et passe ses pouces rugueux sur les épaules de la jeune fille.
« Tu n'es pas un monstre, Freyja, loin de là. Erohel, lui, était un monstre à sa façon. Je pense... Je pense que le tuer n'a que fait le libérer du fardeau de sa vie. Moi... Moi aussi, je suis une sorte de monstre, j'ai tué plus d'hommes et femmes que tu n'as de doigts sur les deux mains. Je t'ai fait du mal à toi aussi, Freyja. »

Il la sent sourire timidement.
« Finalement, qu'est-ce que c'est, un monstre ? », souffle-t-elle, « Peut-être qu'on en est tous un, à notre façon. Toi, il ressort peut-être juste un peu plus. »
Faolàn déglutit.
« C'est comme ça que tu me vois gamine ? », il sourit un peu. Freyja rit doucement contre son torse et tient ses mains appuyées contre son ventre en tentant de les réchauffer un petit peu.

« Je ne sais pas comment je te vois. Lorsque tu m'as enlevé, j'ai pensé que tu étais comme les autres, un barbare idiot et monstrueux. Je te détestais. A cause de toi, j'ai fini violé et dégradé comme nul homme ne devrait l'être, j'ai souffert, j'ai presque perdu ma vie. Tu m'as abandonné, tu m'as pris tous mes repères. Mais en même temps... Tu as pleuré contre moi, tu es un homme avec un passé atroce. Tu es celui qui m'a supplié de te pardonner, tu es resté avec moi pour me protéger d'Erohel, tu m'as embrassé dans la neige. Et je commence à croire et à comprendre... Au fond tu n'es pas qu'une brute stupide, quelque part au fond de toi tu as un cœur qui bat, comme moi aussi. Je ne veux pas te pardonner pour ce que tu m'as fait, des fois la nuit, je sens encore leurs mains et leurs odeurs d'alcool. Je ne veux pas excuser tes actes par des explications toutes faites, enfance difficile, problèmes de violence... Mais de temps en temps, quand je te regarde, je me dis que tu mérites que je te donne une chance. »

Faolàn ferme les yeux, ses lèvres tremblent un petit peu lorsqu'il se met à parler.

« Freyja... Est-ce que ça signifie que tu es prête à mettre le passé un peu de côté ? »
La jeune femme lève la tête vers lui et plisse un peu les yeux.
« Je vais essayer, si tu fais des efforts. Tu ne m'insultes plus, tu ne deviens pas violent, tu arrêtes de n'en faire qu'à ta tête. On est ensemble dans cette situation catastrophique et c'est ensemble qu'on s'en sortira. Et si tu ne respectes pas mes conditions... »

Faolàn rit et sert la jeune fille un peu plus contre son torse.
« Ça va, ça va ! Je jure solennellement de m'occuper de toi comme la prunelle de mes yeux, sans violence, ni insulte et je respecterais naturellement tout ce que Madame la reine ordonne - pour ne pas que je n'en fasse qu'à ma tête. »
Freyja cligne des yeux et fait la moue, poussant légèrement Faolàn.
« Tu te moques de moi. », maugrée-t-elle et il prend soudainement une tête surprise.
« Moi ? Mais votre altesse, je n'oserais pas ! »
Freyja retient le rire qui lui remonte la gorge et s'éloigne en se relevant.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now