Chapitre 24

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Des ronflements la réveille et Freyja tourne un peu la tête. Elle fronce les sourcils, sa tête est posée sur la jambe de quelqu'un... Les bruits cessent.
"Tu es réveillée."
Faolàn. Elle essaie de bouger mais elle est trop faible et se sent trop mal. Elle se racle la gorge, elle a la langue pâteuse.
"Qu'est-ce qui m'arrive?", demande-t-elle alors d'une voix rauque et Faolàn se tend. Il inspire un grand coup.

"Tu... Tu attends un enfant."

Freyja se fige. Non. Non.
"Et en quoi... Attendre un enfant me met dans un état pareil? J'ai déjà vu des femmes enceintes, mais aucunes n'étaient en train de se vider les tripes toutes les secondes."
Faolàn se gratte la nuque.
"Je ne sais pas, Praga a parlé d'une maladie particulière et rare."
"Praga?"
"La guérisseuse."

Freyja a la tête qui tourne.
Elle est enceinte.
De qui?
De quand?
Comment?
Elle ne veut pas d'enfant, elle ne veut pas! Des larmes roulent sur ses joues.

"Je suis... Désolé.", Faolàn grommelle et Freyja pousse un petit rire sarcastique. Son corps ne s'est même pas encore remis de ce qu'on lui avait infligé au poteau...
Le poteau.
Les viols.
Un cri étouffé sort de sa gorge. Elle ne peut pas accepter d'accoucher d'un enfant né d'un viol. Elle hait déjà l'être qui grandit en elle et qui la tue à petit feu.
"Sortez-moi ça du ventre!", feule-t-elle, à nouveau son corps se convulse et elle vomit, des gouttes de sang mêlées au reste.

Faolàn lui fait boire la mixture et elle perd conscience, pour la énième fois, n'entendant pas que Faolàn la quitte, appelé chez Vam.

~***~

"Tu voulais me voir ?", demande Faolàn à son chef. Vam lui jette un regard dur.
"Assied-toi."
Il s'exécute et attend.
"Il y en a marre de cette gamine. Elle ne pose que des problèmes et elle te rend mou. Maintenant qu'elle est malade, elle représente en plus un maillon faible dans ce camp."
Faolàn se fige.
"Que veux-tu dire par là?"
"Elle ne nous est d'aucune utilité, il faut t'en débarrasser avant qu'il ne soit trop tard."
"Tu veux que je tue une femme enceinte et malade?"
Vam joue des épaules avant de pousser un rire dur et ironique.
"Tu as déjà fait pire, Faolàn. Tu as déjà massacré des villages entiers, tu as volé, violé, déshonoré... La liste est longue."

Faolàn secoue la tête.
"Je sais. Mais je ne la tuerai pas. "
Vam lui jette un regard dur.
"Tu fais ce que tu veux, mais ce soir, lorsque les tentes seront pliées et qu'on reprendra la route, je veux qu'elle ait disparue ou je la tue moi-même avant de te trancher la tête."
Faolàn hoche la tête, se lève, tape son poing contre l'épaule et quitte la tente avant de retourner dans la sienne.
Freyja n'a pas bougé et Faolàn soupire.

Avant ce soir...

Lorsque le corps de la jeune fille se convulse, un élan de culpabilité le prend. Il ne peut pas la tuer. Quelle qu'en soit la raison, il ne peut pas.
Il ne lui reste plus que quelques heures.

Inspirant un grand coup, il la sort des fourrures, l'enroulant dans un manteau en laine et couvrant ses pieds. Il la prend dans les bras et quitte sa tente, en direction de la forêt. Le ciel gris pèse lourd sur ses épaules. Il avance longtemps, avant de s'arrêter. Des roches forment une espèce de petite grotte et il dépose le corps inconscient en-dessous pour le protéger du vent.

Si elle a de la chance, quelqu'un la trouvera.

Il la contemple encore quelques secondes, les cheveux bruns, la peau blanche clairsemée de quelques grains de beauté. Il lui caresse le front une dernière fois.

"Pardonne-moi.", murmure-t-il avant de s'éloigner.

~***~

Freyja ouvre les yeux.
"Faolàn?", murmure-t-elle mais elle se rend bien vite compte qu'elle est seul et dans un lieu extérieur qui lui est inconnu. Elle gémit lorsque son corps est secoué de douleur et tente de se lever.

Au bout de trois essais, elle y arrive. Elle regarde autour d'elle: des arbres et de la neige, que des arbres et de la neige. Elle déglutit. Pourquoi est-elle là?

"Y a quelqu'un?", crie-t-elle d'une voix rauque, mais pas de réponse. Elle se lèche les lèvres et se met à avancer, la tête tournantes. Elle tombe plusieurs fois, se relève, vomit, pleure, hurle. Mais elle continue, pas à pas.
Elle avale de la neige pour calmer sa langue pâteuse.

La nuit finit pourtant par tomber et Freyja tente de se mettre à l'abri entre deux arbres dénudés, enroulée boule. Elle ne sent plus son corps, et lorsqu'elle s'endort, quelque part au fond d' elle-même, elle souhaite ne jamais se réveiller.

Un enfant la regarde. Il a la tête de Vam avec un corps tout petit, du sang est collé entre ses dents.
"Maman!", crie-t-il plusieurs fois et à chaque fois que ce mot est prononcé, un couteau s'enfonce dans le ventre de Freyja. Elle hurle et essaie de se boucher les oreilles mais l'enfant ne fait que ricaner en tournant autour d'elle et criant ce mot. Bientôt, Freyja est recouverte de sang. Elle tombe au sol où la neige lui glace le corps, l'enfant se transforme, grandit, devient Faolàn.
"Sale gamine!", dit-il avant de lui donner un coup de pied "Tu mérites tout ce qui t'arrive!"
Freyja se retourne, tente de se défendre mais quelqu'un la retient. Elle tourne la tête et se retrouve face à sa mère et Humia, dont les yeux morts la regardent.
"Non Freyja, non, non, non, non!" Freyja tente de-

Quelque chose la secoue et la tire de son rêve macabre, elle ouvre ses yeux fiévreux. Une vieille femme est penchée au-dessus d'elle. Praga.
Des larmes roulent sur ses joues.
"Aidez-moi... Aidez-moi... "
Freyja n'a même plus de voix, plus de force, plus rien. Praga tente de la relever mais Freyja ne bouge pas. Elle a trop mal, trop froid, trop soif.

"Viens, petite.", souffle la guérisseuse, "Lève-toi. On va te mettre au chaud et ça va aller."

Dans un dernier élan de force, Freyja se pousse vers le haut et s'accroche au bras tendu. Ensemble, elles boitent jusqu'à la maisonnette de Praga. Dans une cuve en bois, celle-ci fait chauffer de l'eau dans laquelle Freyja se plonge quelques secondes après. Elle tente de détendre son corps mais ses pensées en délire l'empêchent de retrouver un semblant de normalité.
Praga lui fait ensuite enfiler une tunique, boire et l'allonge sur des fourrures près du feu.

"Repose-toi", murmure-t-elle. Toute la journée, Freyja somnole, perdue dans son monde de douleur. Le soir, elle s'endort après que Praga lui ait fait avaler quelque chose.

Plusieurs jours passent comme ça et la jeune fille perd du poids et s'enfonce dans les ténèbres.

~***~

Il fait nuit lorsque brusquement, la douleur commence. Freyja se met à hurler lorsque son abdomen se contracte. Durant des heures, du sang coule, elle crie, tandis que Praga lui éponge le front et tente de la réconforter.
Finalement, tout s'arrête, et Freyja se met à pleurer, tout son corps secoué de spasme.
En quelques semaines seulement, elle a perdu maison, amis, dignité, force et joie de vivre. Et en quelques heures, elle vient de perdre l'enfant qui grandissait en elle, fruit d'un viol et d'une nuit de torture.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now