Chapitre 20

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Elle n'arrive pas à s'endormir. Elle essaie, pourtant, mais ses yeux restent ouverts tandis qu'un drôle de bruit se fait entendre devant la tente.
Des pleurs.
Faolàn semble pleurer.
Mais Freyja n'a pas de pitié pour lui. Il lui a fait trop mal, il ne s'est pas apitoyé sur son sort non plus. Et qui lui dit qu'il ne lui mettrai pas un coup quelque part si elle daigne s'approcher. La jeune fille drainée ferme les yeux.

Mais dans le noir, les cauchemars et les images reviennent. Elle ressent les mains sur elle, les coups, les rires et les cris portés par l'alcool. Son coeur palpite et sa respiration accélère.
J'ai peur, murmure sa petite voix intérieure et après la colère précédente, Freyja devient une petite fille effrayée, incapable de dormir seule dans le noire et apeurée. Elle s'enroule un peu plus dans les fourrures, tente de vider sa tête mais rien à faire.
Les mains sont toujours là, les regards désireux, les voix dégoûtantes. Son corps continue à réclamer un sommeil qui n'arrive pas et des larmes roulent le long des joues de Freyja. Ses yeux se balancent de droite à gauche, elle ne voit rien, rien, une ombre! Elle pousse un cri, ses mains sont tremblantes, elle a besoin de lumière, que quelqu'un lui parle, lui parle et la rassure, elle tremble...
"Faolàn", appelle-t-elle une première fois puis plus fort "Faolàn, Faolàn, Faolàn!"
Sa voix est hystérique de peur et il ne vient pas, il ne vient pas... Son corps est secoué de sanglots, elle est en sueur, hurlant le nom de la personne qu'elle haït le plus mais la seule qui peut l'aider à ce moment précis. Elle se cramponne aux fourrures, les voix, les mains...
"Freyja?"
Tenant une bougie, Faolàn est devant elle, lui jetant un regard incertain. Il a le visage rougis, les yeux humides.

La lumière a un effet rassurant sur la jeune fille. Elle s'assoit et regarde les yeux bleus du guerrier un instant.
"Tu peux... Tu peux t'asseoir à côté de moi et me tenir la main?", demande-t-elle d'une voix timide. De choc, Faolàn laisse presque tomber la bougie. Freyja se sent ridicule et pitoyable, elle voit Faolàn déglutir et réfléchir, pesant le pour et le contre. Cherchant à comprendre pourquoi.
Finalement, à pas lents, il s'approche d'elle et pose la bougie à côté. Il s'assoit doucement, toujours incertain.
"Tu es sûr que... "
Elle hoche la tête, elle a la fourrure remontée jusqu'au nez et elle tend sa main à l'extérieur. À nouveau, Faolàn hésite puis la prend. Ses mains font le double de celle de la jeune fille.

Elle ne dit rien.
Il ne parle pas non plus.
Chacun est perdu dans ses pensées, tenant la main de l'autre. Peu à peu, Freyja ressort sa tête et sa respiration se calme. Elle observe Faolàn.
"Elles servent à quoi ces lignes bleus sur ton corps?", demande-t-elle alors sans réfléchir. Il sursaute un peu et relève la tête pour la regarder.
"C'est à moi que tu parles?"
"À qui d'autre?", grommelle Freyja et Faolàn semble un peu secoué. Il se racle la gorge.
"C'est pour effrayer les ennemis et nous porter chance. Certains ont même les dents teintées."
Freyja soulève un sourcil et retrace d'un doigt absent les courbes couleur océan sur sa main.
"On te les a faites à quel âge?"
Tu es sincèrement en train d'entamer une discussion avec ton propre bourreau?, fait la petite voix dans la tête de Freyja. Elle l'ignore. Elle a besoin de parler à quelqu'un, de sentir une présence, juste pour savoir qu'elle est en vie et se sentir rassurée.
Faolàn semble néanmoins complètement perdu par sa réaction si différente de sa colère d'avant.
Elle ne comprend pas elle-même.
La colère est toujours là : enfouie sous la peur et d'autres sentiments.
Le guerrier se racle la gorge.
"Je ne sais pas. Je ne m'en souviens pas vraiment. C'était vers mon arrivé ici, chez Vam. Je devais avoir onze ou douze ans, je suppose."
"Ton arrivé chez Vam? Et ta famille, elle n'a rien dit?"
Dans les yeux de Faolàn, de la douleur danse mêlée à de la honte bien vite effacé par ce regard dur et glacial dont elle a l'habitude.
"Ça ne te regarde pas. Dors."
Freyja sert les dents et lui jette un regard meurtrier. De toute façon, elle n'en a rien à faire de son passé sordide.
Mais ce regard douloureux...
Elle grogne et fait taire la voix avant de s'enfoncer dans les fourrures douces et chaudes.
Elle ferme les yeux, tenant toujours la main du jeune homme. Lentement, son corps se relaxe et sa respiration se calme.

Elle sent que Faolàn s'allonge à côté d'elle. Elle ne réagit pas. Après tout, c'est son foutu lit.

~***~

Il attend jusqu'à ce qu'il soit sûr qu'elle dorme, puis doucement, il appuie son corps contre le sien et pose sa tête contre sa nuque. Il l'entoure de son bras et à son tour, il sent le sommeil le prendre.
Durant ces quelques jours, quelque chose c'est brisé en lui et il commence à se sentir vulnérable face à ce bout de jeune femme.

Il ne la comprend pas: elle le rejette puis le fait revenir.
Elle est dangereuse pour lui. Elle fait remonter les souvenirs à la surface et tout les sentiments qu'il pensait avoir enfoui à jamais. Il n'y a que maintenant... Maintenant qu'elle dort... Qu'il s'accorde quelques instants de tendresse. Ce n'est pas quelque chose dont il a l'habitude. Il sent Freyja qui bouge un peu, qui murmure un charabia incompréhensible avant de poser son bras autour de lui. D'abord tendu, il la laisse ensuite faire sur un coup de tête et se rapproche encore un peu plus d'elle avant de tomber, à son tour, dans un sommeil profond.

~***~

Un rayon de soleil l'éclaire et le réveille, l'éblouissant pour quelques secondes. Les cheveux de Freyja lui chatouille le visage, ses jambes sont emmêlée avec les siennes. Pour ne pas la réveiller, il s'extirpe doucement de son lit avant de quitter la tente.
Elle ne doit s'apercevoir de rien.
Stupide élan sentimental.
Furieux contre lui-même, Faolàn décide d'aller se baigner dans le lac histoire de se changer les idées.

À l'intérieur de la tente, Freyja s'est pourtant réveillé. Elle l'a senti se presser contre elle le soir, elle l'a senti s'éloigner le matin. C'est à son tour d'être perplexe.
Lentement, elle sort des fourrures. Ses jambes grelottent lorsque le froid du matin les caresses. Elle se passe une main pâle dans les cheveux et l'enlève aussitôt. Ils sont pleins de noeuds, sales et ébouriffés. Freyja soupire et ressent brusquement le besoin de se laver.
Elle se lève, enfile une tunique surdimensionnée de Faolàn et sort de la tente, déterminée à trouver de l'eau.

Tout le camp semble cependant dormir et elle ne trouve personne à qui demander. D'ailleurs, elle ne se sent pas encore prête à faire face à l'un de ces hommes: l'idée même de regarder Vam dans les yeux la fait frissonner de dégoût et horreur.

Le besoins de se nettoyer se fait plus urgent.
Soudainement , elle se souvient d'un lac. Il n'y aurait personne et elle pourrait se laver tranquillement, même si elle sait que l'eau sera glaciale. Sur ses jambes froides et douloureuses, Freyja se met à avancer.

Vénus a froidWhere stories live. Discover now